Citations sur Jeux de mémoire (25)
La nostalgie est à la mode. Le mot est beau, le message néfaste. Je le refuse, je n’ai pas de nostalgie. « Tu es la joie de vivre en personne », me disait Claude. Je veux le rester pour lui plaire. Un autre itinéraire a commencé pour moi du jour où j’ai dit à un ami : « Depuis que j’existe, je lutte avec l’impossible », et où il m’a répondu : « C’est l’impossible qui lutte avec toi. »
J’avais passé l’époque de mes dix ans où la France était ma reine, et moi son enfant adoptif. Non, plus d’amour fou. J’y venais avec gratitude et lucidité. C’est, je crois, le seul pays où je n’ai pas peur des guichets.
J’ai vaincu l’angoisse du printemps. Je ne garde dans l’album de ma mémoire que les meilleurs souvenirs. J’ai appris à accepter les êtres tels qu’ils sont. Tout se transforme peu à peu en avenir, le soleil a eu raison du « cortège des ombres ». Je regarde à nouveau le monde, je superpose l’image qu’il présente à celle qu’il devrait avoir, et le seul chien fidèle à m’accompagner désormais s’appelle Humour.
Les gens de loi font peut-être leur métier, mais alors ce sont les lois qu’ils invoquent qui ne respectent pas la dignité de l’être humain.
J’aimais les gens qui luttent. Je croyais que la résignation était l’apanage des personnes âgées, des lâches, des religieux, des bourgeois et des fonctionnaires de Gogol. Je ne voulais que fugues et fougues, tempérament et révolte, je me nourrissais de poèmes russes qui m’aidaient à me dresser contre tout et tout le monde, ou bien me permettaient de fêter la vie, fût-ce par personne interposée.
Même l’homme qu’on aime au-delà de tout, n’a pas toujours raison.
Fascinant Français ! Vous êtes imprévisible : un voluptueux derrière un visage de puritain, un généreux dont la manie secrète est l’économie, un républicain qui ne crache pas forcément sur les rois, un laïc qui respecte la religion des autres, un catholique qui accepte que l’Église en délire se paie sa tête. Vous êtes méfiant comme un hérisson ; on vous touche et ça y est, vous vous mettez en boule. Vous êtes le plus étonnant des sismographes : un tremblement de terre vous laisserait indifférent, tandis que, si on portait atteinte à la chasse, vous bondiriez de colère et vous prendriez le député perturbateur pour un faisan ! À abattre s’il empêche l’ouverture !
La vérité est une curieuse bête : vous la tenez par son collier, vous avez l’impression d’en être maître, et peu à peu elle vous tire dans sa direction à elle et vous la suivez malgré vous, ébahi de tant d’humilité de votre part. Exactitude qui ne fait qu’une bouchée de votre orgueil…
Deux règles de vie : lutter, espérer.
Je me bats aussi. Je me bats pour un monde nouveau, pour que naisse enfin ce siècle qui se refuse, qui s’obstine à ne pas être et qui doit surgir, dans la douleur de tant de chaos, de révolutions et de guerres, de tant d’efforts, de sacrifices et de dons généreux.
La victoire, on la remporte d’abord sur soi-même. Et on fait le serment de la mériter, ensuite, toujours, d’accomplir une mission, d’apporter aux hommes le meilleur de soi.