AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Aquilon62


Une vie d'errance pour un personnage méconnu, que ce livre nous permet de connaître mieux et nous guide au coeur de ses pensées et réflexions

Ses contemporains lui accordent de posséder un cerveau exceptionnel et d'être pourvu d'une culture aussi riche qu'hétéroclite, le célèbre philosophe italien du XVIe siècle n'a pas tort de se qualifier lui-même de « fantôme » : sa vie fut pour l'essentiel une errance presque ininterrompue à travers l'Europe, de Naples à Rome, son ombre planant sur les villes de Genève, Toulouse, Paris, Londres, Marbourg, Wittenberg, Prague, Francfort, Padoue et Venise.

Les uns le considérant comme le dernier représentant de l'âge d'or de la Renaissance, les autres comme le premier des penseurs modernes et même, à en croire James Joyce, le "père de la philosophie moderne"

Troublant le lien entretenu par sa vie et son oeuvre avec le feu.
Naître près d'un volcan (à Nola près de Naples, lieu de naissance qui lui donnera d'ailleurs le surnom : le Nolain) et mourir sur un bûcher pourrait relever là encore des hasards d'une existence.
Et avoir entre-temps écrit : "Si Dieu te touche, tu seras un feu ardent" ou encore : "Mes espoirs sont de glace et de feu mes désirs", avoir prévu d'être accompagné au jour de sa mort par "une escorte de cinquante ou cent torches", sans oublier l'ardeur de son caractère, voilà d'étranges coïncidences

L'auteur découpe sa vie en 3 périodes :
l'homme blanc, ou le religieux studieux et déjà effronté de Naples ;
l'homme noir, ou le philosophe porteur d'une pensée révolutionnaire qui embrase les universités et les cours d'Europe ;
l'homme nu, ou le prisonnier de l'Inquisition qui tente de défendre ses idées plus encore que sa vie et meurt sur le bûcher à Rome.
Tout en ponctuant son ouvrage par la présentation des principaux éléments de la personnalité et de la pensée, théologique et philosophique, de Bruno.

Bruno vit à une époque troublée, bousculée : Tremblement de terre de 1562, peste de 1563, disette en 1565, nouveau tremblement de terre en 1570, un nouvel épisode de peste en 1576, découverte du Nouveau Monde, ère des grandes explorations maritimes qui ébranlent les sociétés et les économies, mais aussi les cultures et les certitudes européennes
Concile de Trente, la réponse de Rome aux mouvements de Réforme nés en Europe du Nord : le siècle de Bruno est aussi celui des sanglantes guerres de religion, du tragique massacre de la Saint-Barthélemy déclenché le 24 août 1572…

Quoi qu'il en soit, jamais son immense culture ne lui apparaît comme un gage d'honorabilité, ni comme un outil pour réclamer les honneurs et cueillir les titres : Bruno est un penseur de la Renaissance pour qui le retour à la littérature et à la philosophie des Anciens, leur étude méthodique, répétée, forcenée, leur confrontation aux sciences de son temps doivent convaincre ses contemporains comme il a été lui-même convaincu qu'en dehors de l'Église, des Églises et du christianisme ont déjà existé et existent toujours des pensées, des vies spirituelles, des quêtes mystiques qui ont leurs lois propres et leurs mérites. Il recherche, étudie, analyse, critique donc les doctrines les plus variées : pythagoricienne, platonicienne, aristotélicienne, plotinienne, averroïste, alexandrite, scolastique. Il les rapproche et les articule, les compare et les confronte avec une dextérité hors pair ; aucune d'entre elles ne le rebute, toutes l'intéressent, sans pourtant jamais parvenir à le contraindre, à l'attacher, à l'emprisonner, à le satisfaire.

Pourtant l'inquisition aura raison de lui, les juges auront à leur disposition le "sommario" un recueil des chefs d'accusations regroupés par thèmes (la liste est tout simplement ahurissante !!), suivent des compléments à propos de la vie de Bruno, de ses oeuvres, ainsi que ses réponses à certaines censures… et un dernier groupe d'accusations d'ordre scientifique et philosophique.
Après quatre-vingts mois d'emprisonnement, une trentaine de motifs d'accusation lui sont notifiés ; les archives du jugement ayant disparu dans les aléas de l'histoire du Vatican seuls 14 nous sont parvenus.
Une fois la sentence énoncée, il prendra une dernière fois la parole pour prononcer ces ultimes mots : « Maiori forsan cum timore sententiam in me feris quam ego accipiam (Vous portez contre moi une sentence avec peut-être plus de crainte que moi qui la reçois).
Ses cendres seront jetées dans le Tibre.

Et heureusement que des auteurs sont là pour nous le faire redécouvrir ou plutôt resurgir du néant et de l'infini où l'on a voulu le faire disparaître....
Commenter  J’apprécie          207



Ont apprécié cette critique (20)voir plus




{* *}