Citations sur La saga des Florio, tome 2 : Le Triomphe des lions (9)
Marseille est plus poussiéreuse que dans son souvenir. Plus sale. Plus chaotique. La mémoire est une gardienne mensongère du bonheur, elle sait figer les images de certains lieux en un éternel présent, une réalité d’autant plus fictive qu’elle semble plus authentique.
Giovanna soulève d’une main le visage de sa bru. « Regarde-moi, ma fille. Il est grand temps que tu prennes conscience que les femmes portent toujours les poids les plus lourds. » Elle parle d’un ton tranquille, presque doux. C’est une loi de la nature, et elle continuera de s’appliquer aussi longtemps que le monde ne marchera pas sur la tête, aussi longtemps que nous ne porterons pas de pantalons. Il va falloir apprendre à ne rien dire, à faire semblant de ne rien voir. Quoi qu’il arrive, tu es et resteras sa femme. Peu importe que ton cœur saigne, il existe des choses plus importantes que ton orgueil. En particulier la bonne renommée de ta famille. Et ton enfant.”
Au début, elle avait pensé qu’il y avait une autre femme. Après la naissance d’Ignazziddu, elle avait compris que les attentions de son époux étaient inversement proportionnelles à son implication dans les affaires de la famille. Elle avait donc bien une rivale, et c’était la Maison Florio.
D’autant plus qu’elle lui avait donné deux garçons, que sa descendance était donc assurée et que, dans ces conditions…
La véritable malédiction du bonheur, c'est de ne pas se rendre compte qu'on est en train de le vivre. Au moment où l'on s'aperçoit qu'on a été heureux, il n'en reste déjà plus qu'un écho.
Pour les Égyptiens, c'était un don de la déesse Isis. Pour les Hébreux, un symbole de renaissance. Pour les Grecs, l'arbre d'Athėna, déesse de la sagesse. Pour les Romains, l'arbre à l'ombre duquel étaient nés Romulus et Rėmus.
L'olivier a un tronc noueux, une odeur pénétrante et des feuilles d'un vert argenté qui étincellent au soleil. Son bois doré et chaud, qui résiste bien aux parasites, se prête facilement à la marqueterie et à la sculpture ; et c'est aussi le matériau des meubles destinés à durer, à préserver des objets et des souvenirs précieux.
Mieux encore.
Si l'on brûle un olivier ou qu'on en scie le tronc, il paraîtra mort pendant longtemps, voire des années ; mais tôt ou tard, une jeune pousse tenace surgira du sol pour le ramener à la vie.
Pour détruire un olivier, il faut le déraciner, creuser le sol et supprimer jusqu'à son plus petit reste.
Voilà pourquoi il symbolise, entre autres, l'immortalité.
Elle soupire et reprend : “Cette pauvre reine. Elle portait un magnifique collier de perles, et tu sais ce que ça veut dire, n’est-ce pas ? Il paraît que le roi lui en offre un à chaque fois qu’il la trompe. Et c’est vrai, elle exprimait une telle humiliation que j’en ai eu le cœur serré.”
Devant la mort, nous sommes aussi nus qu'au jour de notre naissance.
La véritable malédiction du bonheur, c'est de ne pas se rendre compte qu'on est en train de le vivre. Au moment où l'on s'aperçoit qu'on a été heureux, il n'en reste déjà plu qu'un écho.
C'est dans ces moments-là que ressurgissent les souvenirs de Marseille, de la période la plus heureuse de l'existence d'Ignazio. Il se revoit âgé de vingt ans, il retrouve les sons et les couleurs d'une petite maison de campagne, le parfum des roses, le frottement d'un savon sur le corps d'une femme et sur le sien, nus dans un baquet.
La véritable malédiction du bonheur, c'est de ne pas se rendre compte qu'on est en train de le vivre. Au moment où l'on s'aperçoit qu'on a été heureux, il n'en reste déjà plus qu'un écho.