+++++++ LES LIGNES DE FRONT DE LA PAIX +++++++
Séverine Autesserre, née à Paris en 1976, a un doctorat en
Sciences Po de sa ville natale et de l'université de Columbia à New York ainsi qu'un post-doctorat de la prestigieuse université de Yale, où elle est chargée de cours si elle n'est pas en mission pour l'ONU, Médecins sans frontières ou l'une où l'autre organisation mondiale aux "lignes de front de la paix" au Kossovo, en Afghanistan ou au Congo.
De ses missions elle a publié, en 2010, "The Trouble with the Congo : Local Violence and the Failure of International Peacebuiding" (Le problème du Congo : Violence locale et l'échec des efforts de paix internationale) et, en 2014 : "Peaceland : Conflict Resolution and the Everyday Politics of International Intervention" (Règlement de conflits et la pratique courante des interventions internationales). Je regrette mais aucun des 2 livres n'est disponible en Français et la traduction des titres est mienne.
Ce troisième ouvrage de
Séverine Autesserre, paru le 13 mai dernier, est introduit par la lauréate du
Prix Nobel de la paix 2011,
Leymah Gbowee, originaire du Libéria et auteure de "
Notre force est infinie".
Il compte 7 chapitres et 221 pages dont une annexe détaillée des sources et une table alphabétique (ensemble 29 pages). le livre est illustré de toute une série de photos originales en noir et blanc.
Dans un avant-propos,
Séverine Autesserre nous cite quelques statistiques effroyables : les 5 dernières années des guerres ont engendré la pire crise de réfugiés depuis 1945 et ont coûté plus de 10 trillions de dollars l'an, soit 13 % du PNB mondial ; l'ONU a actuellement environ 100.000 Casques bleus en mission ; des donateurs dépensent 22 milliards de dollars par an à la consolidation de la paix et le monde gaspille 106 fois plus d'argent dans des efforts militaires plutôt que pour résoudre des conflits.
Si des efforts de paix ont contribué à la cessation de la violence massive au Cambodge, au Libéria, en Namibie, en Sierra Leone et au Timor Oriental, ces efforts n'ont pas abouti en Bosnie, au Rwanda, en Syrie, au Myanmar, en Afghanistan ou en Colombie.
Notre politologue expérimentée conclue en soulignant qu'il est grand temps de se poser la question pourquoi ces efforts de paix sont allés de travers et se sont soldés par un échec et comment procéder à l'avenir.
Fort de son expérience de 20 ans dans les points chauds du globe, l'auteure nous fait part de ce qu'elle a appris sur les meilleurs moyens d'arrêter la violence et les conflits armés.
Il est essentiel, estime
Séverine Autesserre, d'impliquer la population locale dans les initiatives onusiennes de restauration et de maintien de la paix. Trop souvent ces initiatives sont imposées de haut en bas ("top down") au lieu du contraire ("bottom-up"). Trop souvent aussi les Casques bleus appliquent une formule, qui a peut-être déjà fait ses preuves ailleurs mais qui ne tient pas nécessairement suffisamment compte de la spécificité de la situation d'un endroit déterminé de conflits.
Ainsi, des solutions ad hoc comme par exemple l'octroi de mini prêts pour le commerce local dans le secteur agricole peuvent s'avérer bénéfique dans la mesure qu'ils aident à combattre la pauvreté et la faim, sources bien connues de conflits.
Jean-Marie Guéhenno, ancien secrétaire général adjoint au Département du maintien de la paix de l'ONU, qui n'appréciait au depart guère les critiques de sa jeune compatriote sur les missions d'équipes de son département a fini par reprendre à son compte l'impératif d'une participation locale dans la mise en place de projets onusiens de promotion de la paix.
Séverine Autesserre dispose de 2 qualités importantes : une intelligence rare, comme en témoignent ses performances académiques, et une admirable dose de courage, car s'aventurer dans des zones considérablement périlleuses en tant que jeune femme (elle n'a toujours que 44 ans) relève tout bonnement de l'exploit. Elle admet en toute simplicité que certains incidents lui ont causée des nuits de cauchemars.
Je termine sur une note plus légère. Lorsqu'en en mission des hommes essaient de faire des avances à la jeune Française en lui demandant sournoisement : "mademoiselle ou madame Autesserre ?" elle a coutume de répondre laconiquement : "professeur !"