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Critique de Lamifranz


Dans ma vie j'ai connu deux Lucienne : l'une aurait pu être ma grand-mère, l'autre est ma soeur. Autant vous dire que toutes deux me sont sacrées. Ce n'est pas comme la Lulu de cette pièce ! L'ami Marcel n'y est pas allé avec le dos de la cuiller, et quand je dis cuiller, c'est louche qu'il faut comprendre. Lucienne – celle du boucher – est une femme qui a, disons, hum, des appétits. de toutes sortes, si vous voyez ce que je veux dire. D'un côté, ce n'est pas tout à fait sa faute : voyez comme la vie est mal faite : elle est jeune, pimpante, mariée à un bijoutier cossu (pour l'instant il n'est que cossu, bientôt il va être autre chose), elle est la mère d'une jolie Madeleine à croquer… seulement Moreau, le bijoutier, est un avorton prétentieux, une sorte de Caius Détritus (si vous avez lu « La Zizanie ») et qui plus est on ne peut plus fier de sa place dans la société. La boutique d'à côté est une boucherie tenue par Duxin, un hercule jovial (Obélix), pas des plus fute-fute, mais plutôt honnête et assez naïf. Lui est père d'un sympathique Alfred. Inutile de préciser qu'Alfred et Madeleine sont amoureux l'un de l'autre et déplorent les incessantes disputes entre leurs pères respectifs. Il faut dire que Moreau n'en rate pas une pour rabaisser son prolétaire de voisin, qu'il place à peu près au même niveau que les parias intouchables dans la société indienne. Lucienne, ce qu'elle regarde chez Duxin, vous vous doutez bien que ce n'est pas son inscription au Registre du Commerce, ce serait plutôt… je ne vous fais pas un dessin. Et ce qui devait arriva. Et même pire encore. Les commerçants du quartier en parlent encore !
Marcel Aymé met le paquet (comme chez le boucher) dans cette comédie-farce réglée comme une horloge (comme chez le bijoutier) : le trait est forcé, comme souvent, les personnages à la limite de la caricature : Lucienne, ne nous le cachons pas est une nympho de première, obsédée sexuelle, et de plus poussée dans cette attitude par l'attitude abjecte de son mari. Au fil de la pièce, elle va de plus se montrer calculatrice et finalement monstrueuse. Moreau, tellement imbu de sa (supposée) prédominance sociale, est parfaitement antipathique ; quant à Duxin, c'est Shrek, pas vraiment Einstein, pas non plus un idiot de village, mais un être naïf aux prises avec de sacrés margoulins.
C'est une histoire franchement amorale et en même temps, l'auteur se targue (avec une subtile ironie) d'avoir voulu écrire une pièce « morale » :
« Quelles qu'aient été mes intentions, une chose est sûre, c'est que Lucienne et le Boucher est une pièce hautement morale. L'adultère et ses terribles conséquences y sont représentées sous un jour bien propre à décourager les mauvaises tentations. de ce point de vue, le besoin se faisait justement sentir d'une telle pièce. On ne saurait trop la recommander à l'attention des jeunes femmes, des jeunes filles et des organisateurs de spectacles de patronage ».
Farce donc, vaudeville grinçant, si l'on veut, cette comédie de moeurs est aussi une satire d'une certaine bourgeoisie, qui établit des castes sociales entre les professions dites manuelles et celles qui le sont moins. Et la bluette entre les deux jeunots vient faire un joli contrepoint aux frasques du trio infernal.
Appel aux directeurs de salles et aux réalisateurs de télévision : le théâtre de Marcel Aymé est une mine d'or de bonne humeur et de bon sens, qui pourrait combler nombre de nos soirées. Et quels rôles en or pour des comédiens !
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