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Critique de Woland


Woland
20 décembre 2007
Il fallait un courage hors de pair pour oser publier, en 1948, un livre tel que cet "Uranus", brillant et féroce réquisitoire contre la lâcheté et la bêtise humaines. Or, le courage, ce n'était certes pas ce qui faisait défaut à Marcel Aymé.
Il imagine une petite ville provinciale qui sort tout juste de la Seconde guerre mondiale. Les rares collaborateurs qui ne sont pas parvenus soit à retourner leur veste, soit à se réserver des appuis dans les plus hautes sphères ont été liquidés par les FFI. Un seul rôde encore, affirme-t-on, un certain Maxime Loin, un journaliste viscéralement anti-communiste qui s'est laissé prendre au mirage de la "Grande Allemagne."
Pour le reste, c'est l'heure de gloire du Parti communiste. Il lorgne cependant d'un oeil méfiant vers le Parti socialiste qui, plus modeste mais bien résolu, rêve de rogner peu à peu la suprématie des "Rouges", grands vainqueurs de cette guerrre pour l'unique raison qu'Hitler eut la bêtise de rompre le pacte germano-soviétique.
En cette période de reconstruction, les appartements et maisons préservées par les bombes ont été réquisitionnés pour abriter, outre leurs occupants légitimes, les familles des sinistrés. Ainsi, M. et Mme Archambault doivent-ils partager leur appartement avec l'un des responsables locaux du P.C., Gaigneux, sa femme, Maria et leurs enfants. Cela ne va pas sans créer pas mal de frictions.
Mais la situation s'aggrave le jour où, pris de pitié et aussi de révolte contre sa lâcheté personnelle, Archambault recueille Maxime Loin ...
Le style d'Aymé n'a jamais été aussi lucide, aussi précis, aussi cinglant - aussi matois. Avec un brio amer, il restitue toutes les peurs, toutes les lâchetés, toutes les contradictions d'une époque noire, aussi accablante en son genre que le fut celle de l'Occupation. Symboles antagonistes de ces temps troublés : Léopold, le cafetier et la "grande gueule" du coin, qui ne s'en laisse imposer par personne et qui finira assassiné sur ordre par une gendarmerie passée à la solde des vainqueurs, et le vieux Monglat, qui a collaboré à peu près avec tout le monde et qui a bâti sur la disparition d'un monde une fortune colossale dont il ne peut cependant jouir au grand jour. C'est lui qui fera pression sur ses hautes relations pour que Léopold, qui en savait trop, soit abattu en toute légalité.
Entre les deux, le professeur Watrin, incurable rousseauiste qui croit en la bonté humaine alors qu'Aymé, lui, en doute un peu plus tous les jours. Un incurable qui, pour réconforter Archambault qui vient de voir Gaigneux emmener Loin à la gendarmerie, déclare, tout à la fin du roman : "Attendez. Attendez seulement cinquante ans ..."
"Uranus", de Marcel Aymé : un grand livre, hélas ! méconnu par nos histoires de la Littérature française - et donc à mettre d'autant plus en valeur. ;o)
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