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Critique de gerardmuller


Uranus/Marcel Aymé (1902-1967)
Il a fallu une bonne dose de courage et d'habileté à Marcel Aymé pour oser écrire et surtout faire publier ce roman trois ans seulement après la fin de l'Occupation Allemande, soit en 1948. Publication qui fit polémique d'ailleurs tout autant que la sortie en 1990 du film de Claude Berri.
Marcel Aymé cultivera toute sa vie son statut d'écrivain politiquement incorrect et restera toujours difficile à classer, sa verve s'attaquant avec autant d'âpreté aux uns et aux autres. Il sera finalement qualifié d'anarchiste de droite par la critique.
L'histoire se passe dans un petit village de province dénommé Blémont, encore un champ de ruines qui a subi d'intenses bombardements ayant entrainé la nécessité du partage des habitations en faveur des sinistrés, ce qui va créer une promiscuité de tous les instants et induire des situations souvent cocasses .
Les personnages principaux :
Archambaut, ingénieur, homme de haute taille avec un air de bon géant placide et réfléchi conférant à ses paroles une autorité naturelle. Souvent distrait.
Marie-Anne, sa fille qui court le guilledou.
La Famille Gaigneux, militante communiste, sinistrée, qui occupe une partie des locaux des Archambaut.
Monglat, l'ancien collaborateur devenu très riche.
Watrin le professeur, sinistré également, le rousseauiste rêveur moralisateur optimiste qui affirme : « Surtout soyez de bonne humeur. Pensez aux satisfactions que vous allez trouver maintenant dans l'hypocrisie. » Il est féru d'astronomie et obsédé par la planète Uranus dont la connaissance lui a appris à se méfier des au-delà et des infinis pour concentrer davantage toutes ses forces d'amour sur le champ de la vie terrestre.(D'où le titre du roman).
Léopold le cafetier, une force de la nature.
Jourdan le prof communiste qui sème la zizanie et considère la dénonciation comme une chose naturelle dès l'instant où elle sert les intérêts de la cause ; pour lui, toute disposition au mouchardage est une vertu révolutionnaire.
Et Maxime Loin, journaliste anticommuniste qui rêvait d'une Grande Allemagne et se terre nuit et jour.
Tout ce petit monde où se mêlent résistants de la dernière heure et communistes opportunistes aux collaborateurs plus ou moins pétainistes ayant su faire en catimini de bonnes affaires durant l'Occupation allemande, fait montre de tous les traits de caractères de l'humanité où l'hypocrisie et la lâcheté le disputent à la délation et le soupçon accusateur.
Cet ouvrage méconnu, brûlant réquisitoire contre la lâcheté et la bêtise humaines est un chef d'oeuvre de la satire où un humour savoureux reste toujours présent en dépit du caractère accablant de cette époque d'épuration où le drame pouvait à chaque instant s'abattre sur vous.
À lire impérativement ce récit dramatique passionnant, cette véritable étude sociale pour qui veut connaître ce que furent ces années noires et passer un très bon moment de lecture dans une langue française parfaite au vocabulaire d'une richesse incomparable.
Extraits : Jourdan, le professeur communiste s'exprimant face à Watrin:
« Fromantin, pour moi, est le prototype du socialiste français. Avec ses phrases onctueuses, sa dialectique en tire-bouchon, sa voix grasse, retroussée, ses indignations trémolantes, ses regards au ciel et son sale petit rire cochon, il est le parfait tartufe du marxisme. »
Watrin s'adressant à Jourdan :
« Jourdan, vous avez vingt sept ans, vous êtes communiste et vous le resterez, car vous n'êtes plus le fils d'une femme. Vous êtes le fils de vos lectures. »
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