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Critique de 4bis


4bis
04 novembre 2023
Mazette, quel bel ouvrage ! de ces pastiches délicieux où l'oeil ne bute jamais contre aucune invraisemblance qui le heurterait, se réjouit au contraire des palimpsestes qui affleurent, des allusions qui colorent une narration enlevée. Cette bd est un petit délice !

Les gageures sont multiples et transcrire une correspondance en cases n'était pas la moindre. le parti qui a été pris est évidemment cinématographique : un texte qui accompagne comme en bande son des actions que campent les dessins. A ce sujet, c'est d'ailleurs sans doute ma seule petite réserve. J'ai trouvé les couleurs de ces derniers très hardies, comme un rêve d'Hollywood en technicolor, le trait très contemporain, d'une esthétique rappelant un peu les mangas des années 90, le pays de Candy n'est ainsi pas très loin de la première planche. J'aurais imaginé plutôt quelque chose à la manière de ce que Raphaël Meyssan a sublimement réalisé dans Les damnés de la Commune. Mais je place cette minuscule réticence tout au début de ma critique afin qu'on l'oublie vite tellement le reste m'a enchantée.

Pour tout roué qui se doit à sa réputation, Eunice de Clairefont est une citadelle idéale à assiéger : belle, prude sans être dévote, savante et fidèle à son époux, quelle proie de choix ! Elle incarne ce que la vertu a de la plus désirable. Combien il serait délectable pour son plaisir et son honneur de faire choir ce monument, de faire plier ses chastes et honnêtes résolutions devant la violence d'un désir impudique et déloyal. D'être celui qui la domine et la perd. C'est en tout cas ce qu'a résolu de faire le chevalier de Saint-Sauveur, triste sire contre lequel l'avertissement de l'éditeur et la préface du rédacteur nous auront sagement prévenus. A ce défi, l'excitation de vaincre s'adjoint celle de briller à la cour et de continuer à s'y ménager de solides intérêts. L'ennemi du genre humain nous convoque à cette machination et à ses conséquences en pagaille.

La connaissance du 18e siècle, son climat social, les conditions de subsistance des populations, le dévergondage de sa cour est parfaite. L'intertextualité avec les Liaisons dangereuses est savoureuse au possible : on se délecte de l'ambiance libertine tout comme d'être joué. J'ai aimé aussi les tocades du roi qui change d'Indiens comme d'autres de chemises, les perspectives picaresques que réserve le grand voyage qu'entreprend le chevalier de Saint-Sauveur. Pour le coup, les dessins sont parfaitement raccord avec la dynamique du scénario et font surgir, mieux que ne le feraient n'importe quels mots, la puissance de ces images au riche potentiel romanesque.

Voilà donc un tour de force parfaitement accompli qui m'a ravie. Même si je crains qu'on ne quitte définitivement, en abordant le deuxième tome, la belle et savante Eunice de Clairefont dont j'aurais aimé qu'elle acquiert à équivalent de Saint-Sauveur le statut de personnage principal, je m'en consolerai sans doute si les aventures à venir se révèlent aussi savoureuses que celles de ce premier épisode. A suivre !
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