Etant un développeur
Python dont la première passion est la littérature, j'ai naturellement reçu ce livre en cadeau. Même si j'étais sceptique par rapport à l'approche autofictionnelle, j'étais tout de même emballé par la promesse de départ, qui est d'explorer les liens et différences entre la pensée littéraire et la pratique informatique.
Le problème du livre, c'est que cette promesse, pourtant sans cesse réitérée, n'est jamais tenue. Car ce qui intéresse vraiment l'écrivaine, ce sont ses propres fantasmes et rien de plus. L'histoire démarre par un trouble érotique suscité par un jeune homme qui a passé la nuit à coder (alors que tout jeune homme normal devrait boire et faire la fête selon elle), elle se termine sur l'idée que le nerd est quand même une forme de bad boy (d'où l'érotisme ?), et à la fin, l'autrice ne sait toujours pas programmer en
Python.
C'est l'hypocrisie de ce projet littéraire : l'autrice fuit sans cesse l'apprentissage du langage de programmation, malgré ses pédagogues d'une patience infinie. On lui dit d'emblée que la programmation est une forme d'artisanat, d'école de l'humilité où la moindre erreur fait tout planter, un processus addictif de résolution de problèmes. Pourtant, entre deux fantasmes sur Marlon Brando habillé en peau de serpent dans un film de Lumet, elle s'obstine à craindre un monde trop rationnel où les gens penseront comme des machines à force de programmer. Si elle avait pris la peine d'apprendre à programmer, elle se serait rendu compte que la résolution de problème demande beaucoup de curiosité et de créativité.
Personnellement, ça ne m'intéresse pas de voir comment une écrivaine transforme un langage de programmation en fantasme, d'autant plus que ce fantasme fuit la réalité et cherche au contraire à s'accrocher aux clichés. Certains sont d'ailleurs particulièrement insultants sur les introvertis, chose étonnante pour une écrivaine qui admire
Proust et Kafka. Pourquoi imaginer une haine du monde perverse chez celui qui reste dans sa chambre à programmer, et pas chez celui qui lit ou écrit?
Ce livre est l'histoire d'une rencontre manquée entre une autrice et son sujet. C'est dommage, car encore aujourd'hui la technique, l'ingénierie et les mathématiques restent des impensés de la littérature blanche, et les bons écrivains-ingénieurs sont rares. Pour de vraies réflexions sur la technique, il faut mieux se tourner vers Les Désarrois de l'élève Törless de Musil, ou bien le
Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes de
Pirsig.
Et pour finir, sachez qu'il n'y a aucune honte à avoir à apprendre un langage informatique, quelque soit votre âge!