Citations sur Au café existentialiste (14)
Chaque soir, cependant, alors qu'ils retournaient derrière les barbelés, son groupe était accueilli par un chien errant qui avait trouvé moyen de rentrer dans le camp. Le chien aboyait et sautait comme font les chiens tant il était content de les voir. A travers les yeux en adoration du chien, les hommes avaient chaque jour un rappel de ce que voulait dire être reconnu par un autre: recevoir la reconnaissance élémentaire qu'une créature vivante accorde à un autre.
Sartre était profondément athée, humaniste jusqu'à la moelle. Il surpassa même Nietzsche par sa capacité à mener une vie courageuse et réfléchie dans la conviction qu'il n'y a rien au-delà, et qu'aucune gratification divine ne compensera rien sur la terre. Pour lui, cette vie est tout ce que nous possédons; nous devons en faire ce que nous pouvons.
Or, telle n'a jamais été la voie suivie par les existentialistes. L'existentialisme s'est toujours soucié des vies réelles, personnelles. Bien pratiqué, tout existentialisme est appliqué.
Le Deuxième Sexe aurait pu s'imposer dans le canon comme une des grandes réévaluations culturelles des Temps modernes, à côté des oeuvres de Charles Darwin (qui restitua les hommes par rapport aux autres animaux), Karl Marx (restitua la haute culture par rapport à l'économie) et Sigmud Freud (qui restitua l'esprit conscient par rapport à l'inconscience). Beauvoir évalua à nouveaux frais les vies humaines en montrant que nous sommes des êtres profondément sexués : elle restitua les hommes par rapport aux femmes.
C'est donc en lien avec trois hommes que Simone de Beauvoir décrit l'origine de son grand ouvrage féministe, Le Deuxième sexe.
Peut-être le point de départ était-il une idée modeste qui avait besoin d'encouragement masculins, mais Beauvoir ne tarda pas à donner à son projet un tour révolutionnaire en tous les sens du terme : son livre bouscula les idées reçues sur la nature de l'existence humaine et invita ses lectrices à bouleverser leur existence.
Un jour, à l'époque du voyage de 1948 à Berlin, Beauvoir était assise, un stylo à la main, fixant sa feuille de papier. Alberto Giacometti s'adressa à elle : Que vous avez l'aire farouche ! Elle répondit : C'est que je voudrais écrire et je ne sais quoi. Il eut la sagacité que l'on a s'agissant du problème d'un autre : Écrivez n'importe quoi.
Ce qu'elle fit, et ça marcha.
Il n'y a pas de voie toute tracée qui mène l'homme à son salut, il lui faut sans cesse inventer son chemin. Mais, pour l'inventer, il est libre, responsable, sans excuse, tout son espoir est en lui.
Cela semble difficille et pertubant, parce que ça l'est. Sartre ne nie pas que la nécessité de continuer à prendre des décisions est source d'une constante anxiété. Il amplifie cette angoisse en soulignant que ce que vous faites est ce qui compte vraiment. Vous devez faire vos choix comme si vous le faissiez au nom de toute l'humanité, assumant l'entière responsabilité de la manière dont la race humaine se comporte.
Tu est libre, donc choisis - ce qui veut dire, invente.
Dans ses romans, ses nouvelles et ses pièces de théâtre autant que dans ses traités de philosophie, il évoqua les sensations physiques du monde, les structures et les comportements de la vie humaine. Il écrivit surtout sur un grand sujet : ce que signifiait être libre.