Citations sur Avec elle (40)
On a toujours une bonne raison d’accepter que les choses se passent comme elles se passent, de se résigner à ne voir aucune alternative. Sans doute est-ce parce qu’elles arrivent silencieusement, qu’elles s’installent insidieusement, à la faveur d’une inattention faible quoique continue, sans que l’on s’en rende compte.
Jessica, et l'ennui mortel qu'elle trimballe d'une rue du Quesnoy à l'autre. Jessica, comme enfermée dans cette ville où les existences se ratatinent, où les gens renoncent à leurs rêves. Où tout est rouille et anthracite. Jessica se languit, son temps se gâche dans l'attente d'un hypothétique avenir.
Pour autant, Jessica demeure une jeune fille de seize ans que les choses de l'amour rendent nerveuses. Elle a besoin de se confier. Or, ses amies n'étant que des amies, des compagnes de galère à qui il faut toujours en mettre plein la vue pour se montrer sous son meilleur jour, c'est avec sa soeur qu'elle veut partager ses doutes, ses craintes et ses espoirs. Parce que c'est sa jumelle, celle qui sait et qui comprend, celle qui pardonne, qui entend, qui lève les inquiétudes et panse les blessures.
D'abord saisie par le contact de l'eau, piquée de part en part par le liquide qui s'infiltre sous ses vêtements alourdis, elle a accepté de ne plus se contrôler et de s'enfoncer.
Ses cheveux blonds voguent autour de sa tête, comme un soleil. Ses bras et ses jambes tombent doucement en suivant la courbe de sa gorge, de son ventre, de son bassin. Tout est lent, la glissade est délicieuse.
Alors que l'aurore rose traverse les persiennes, Coline s'enfonce dans une profonde détestation d'elle-même, accentué par la peur viscérale de perdre sa jumelle. L'amour de sa vie, la source de tous ses malheurs.
Coline est mortifiée. Elle glisse ses doigts dans la grande pogne de son papa, se laisse emporter comme un kleenex tristounet dans la classe bourdonnante.
Les fillettes, elles, pataugent dans les gesticulations de la mère et l'immobilisme du père. Incapables de mettre des mots sur ce qui se trame, elles cherchent les câlins rassurants, les papouilles revigorantes, voudraient s'abîmer au contact des peaux, la chaleur du cou de maman, la poitrine large de papa avec son grand coeur qu'on entend battre.
Dépérir à force de m'encroûter. Pourrir sur pied comme un plant de tomates malade d'avoir été oublié par les rayons du soleil.
Elle ne pensait pas qu'elle retrouverait un jour ses réflexes d'adolescente fleur bleue. Surtout pour un type qu'elle ne connaît ni d'Eve ni d'Adam. Être mère et mariée n'a manifestement pas entamé sa propension naturelle à devenir un coeur d'artichaut.
Les points brillants ont maintenant disparu. Pour elle, plus rien ne scintille. Devant ses yeux danse une fillette. Elle a six ans et elle va à un feu d’artifice. Elle a revêtu sa plus belle robe et elle empeste le parfum. Pendant ce temps, une autre petite fille se morfond dans un bain froid. Elles sont identiques, jusqu’à ce que le visage de l’une d’elles se dissolve dans un nuage d’encre. Elle hurle dans le silence. Personne ne l’entend.