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Critique de Lamifranz


Cette courte nouvelle (1830) est une des toutes premières rédigées sous le nom De Balzac.
Incluse plus tard dans les « Etudes philosophiques » (avec entre autres « La Peau de chagrin »), c'est une nouvelle fantastique ouvertement inspirée de E.T.A. Hoffmann (c'est l'auteur qui en fait l'aveu au début de son récit) ; de quel conte, nous ne le savons pas, en tous cas pas de celui intitulé précisément « Don Juan » qui est le nom du héros de la nouvelle De Balzac. Il est probable que l'idée provient des « Elixirs du diable » du conteur allemand, où ce genre de récit fantastique est répété sous diverses formes.
Il s'agit bien du même Don Juan que celui du mythe, « grand seigneur méchant homme » (comme disait Molière), libertin, débauché, cynique, blasphémateur en diable (forcément). Son père, au moment de mourir, lui confie l'existence d'un élixir qui, quand on en aura recouvert son cadavre, lui rendra vie. Don Juan qui a attendu toute sa vie la mort de père haï s'en garde bien. Mais quand vient à son tour le moment de laisser la place, il confie le secret à son propre fils. Don Juan mort, le fils l'enduit avec l'élixir, et Don Juan revient d'entre les morts. On crie au miracle. Mais, pris d'épouvante en voyant bouger la tête de son père, le fils de Don Juan laisse tomber le flacon. La tête se détache alors et vient mordre mortellement l'abbé qui s'apprêtait à le béatifier
« - Imbécile, dis donc qu'il y a un Dieu ? cria la voix au moment où l'abbé, mordu dans sa cervelle, allait expirer » (dernière phrase du récit).
Bon, raconté comme ça on dirait un de ces films de la Hammer dans les années 60 avec Christopher Lee ou Peter Cushing, ou alors un peu plus tard lors de l'invasion des films « gore » du style de Georges Romero.
Mais le fantastique, s'il est le thème majeur de cette histoire, cache d'autres thèmes qu'il n'est pas inutile de mentionner : la confirmation du mythe de Don Juan tel que l'ont décrit Molière et Mozart (entre autres), mais aussi le rejet de la paternité, le retour de la faute de génération en génération, le thème de la vie après la mort, ainsi que celui, induit par la dernière phrase, de l'existence de Dieu…
Avec Balzac, on a toujours un peu plus que ce à quoi on s'attend. le fantastique n'est pas le genre pour lequel il est le plus connu. Pourtant plusieurs de ses chefs-d'oeuvre relèvent de ce genre, fort apprécié à l'époque : « La peau de chagrin », « Sarrasine », « le chef d'oeuvre inconnu » (quelques titres parmi d'autres), sans parler des « Contes drolatiques ». Mais le fantastique balzacien, s'il existe vraiment, se démarque nettement de celui de ses confrères, Hoffmann ou Gautier, par exemple. Si parfois il annonce un fantastique « pur », comme dans « L'Elixir de longue vie » ou « La Peau de chagrin », la plupart du temps, il met souvent en avant une explication rationnelle, naturelle, physique ou physiologique. Balzac est un pragmatique, mais un pragmatique attiré par les mystères. Et son fantastique se double souvent d'une thèse morale ou philosophique, ce qui explique que la quasi-totalité des textes fantastiques de la « Comédie humaine » figure dans les « Etudes philosophiques ».
« L'Elixir de longue vie », courte nouvelle, se lit très vite, mais comme certaines nouvelles contemporaines (Matheson, par exemple) ne vous laisse pas indifférent. Un aspect très curieux et très intéressant de notre auteur. Honoré… je veux dire on n'aurait pas intérêt à l'oublier.
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