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Critique de Luniver


Imaginez deux secondes votre retour au pays, alors que tout le monde vous croyait mort sur le champ de bataille depuis plusieurs années. Des exclamations de joie seraient les bienvenues, ainsi que quelques larmes de bonheur. Et bien que cela offense votre modestie habituelle, vous accueilleriez cette fois-ci les qualificatifs de béni des dieux et de miraculé avec une certaine indulgence.

Malheureusement pour le colonel Chabert, cette situation idéale est entravée par plusieurs obstacles : l'administration l'a déclaré mort, et n'est pas d'humeur à changer d'avis aussi facilement ; si le colonel était le bras droit fidèle d'un empereur, il se retrouve aujourd'hui face à un roi, qui ignore tout de lui ; sa femme a épousé son amant, s'est constitué une solide fortune avec l'héritage qu'elle a reçu, et a maintenant deux enfants. Bref, la société toute entière se porte beaucoup mieux avec un Chabert mort qu'avec un Chabert vivant, et n'entend pas se laisser contrarier par la vulgaire réalité des faits.

Habitué à rugueuse franchise de l'armée, et ayant rempli ses devoirs de soldat et d'époux, le colonel a bien du mal à comprendre pourquoi son comportement n'est pas payé de retour, et les voies tortueuses de la justice ont de quoi le surprendre : on l'encourage à être vivant, mais pas trop, à réclamer l'argent qui lui appartient, mais pas tout, à laisser sa femme qui lui a juré fidélité vivre avec quelqu'un d'autre. le fait qu'il soit dans son bon droit sur toute la ligne ne semble impressionner personne.

Le portrait que Balzac nous livre est finalement assez cruel : un homme qui a été intègre toute sa vie et qui ne reçoit comme récompenses que manipulation, tromperie et complications juridiques. Ce récit souligne également la fragilité de la position sociale, qui ne tient que par la bonne volonté des pairs. Quand ils tournent le dos au colonel, il ne reste plus que les anciens frères d'arme pour lui offrir un bout de pain.
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