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Critique de elea2020


La Physiologie du mariage est un essai auquel se livre Balzac, jeune auteur encore peu connu : il met à profit ses études de droit pour établir un panorama des relations conjugales, principalement centré sur "comment triompher de cette mauvaise idée qu'est le mariage ?" du point de vue du mari, on aborde souvent la question "un mari peut-il éviter d'être minotaurisé ?", néologisme servant pour l'auteur à exprimer plus poétiquement le vilain terme "être cocu", ou "porter des cornes" (on revient au Minotaure). Honoré de Balzac organise son essai en une trentaine de Méditations : nous y apprenons quel public masculin est le plus susceptible d'être concerné par cet épineux problème, quels dangers extérieurs guettent le mariage, comment reconnaître, après la Lune de Miel, les premiers signes qu'une femme irait bien voir ailleurs, comment la surveiller et tendre des pièges pour la surprendre en flagrant délit, quelle attitude adopter dans ce cas... Quelques chapitres apparaissent davantage comme un recueil d'aphorismes, du reste il se défend dans ce registre de la phrase percutante, brève et pleine de sens.

La lecture de ce relativement long essai est plutôt agréable, diversifiée, car Balzac sait faire alterner considérations générales (sociologiques et psychologiques) sur l'institution matrimoniale avec anecdotes littéraires, et surtout morceaux choisis, mises en situation, qui sont presque de courtes nouvelles dont on se délecte, tant il y met de style et de malice. Je l'aurais lu beaucoup plus vite si je l'avais lu en format papier, et non à des moments perdus sur mon poste de travail. le lecteur y voyage entre conception du code civil, analyse psychologique poussée des causes et effets de différents comportements courants du mari ou de la femme, parfois vus d'une manière irrésistible comme deux ennemis retranchés sur leurs positions et faisant feu de tout bois pour se venger l'un de l'autre. A vrai dire, il m'a considérablement amusée, j'ai ri souvent, lorsqu'il étalait la mauvaise foi et les perfidies des femmes. Son approche peut paraître misogyne, et elle l'est dans une certaine mesure (c'est l'époque, et il est jeune), mais il y montre une si parfaite observation et compréhension des rapports humains que c'est réjouissant. Il faut lire cet essai sans barrières de genre, et cela devient un guide fascinant de ce qui peut entraver une relation, la faire dévier, faire perdre aux partenaires leur confiance l'un(e) envers l'autre. Les projecteurs éclairent en plein la mauvaise foi dans ce qu'elle a de plus éclatant, et les manières d'y réagir lorsqu'elle est dans le camp de la femme, ou de l'assumer lorsqu'elle est dans son propre camp.

Je suis sûre que Balzac ne s'est jamais départi de cet humour pince-sans-rire avec lequel il affecte de se projeter dans les intérêts du mari, pour mieux dire que les femmes peuvent tout lorsque leur coeur les entraîne, voire plaider pour une sorte d'union libre avant mariage (il ne réfute pas le mariage en soi, parce qu'il y voit le sceau d'un ordre social). Il a beau plaisanter sur l'amour qui fait faire des sottises à toutes les parties, il ne se départ jamais de cette distance ironique, mais aussi d'une certaine chaleur avec laquelle il épouse les intérêts de ses amies femmes, qu'il comprend si bien, sans aveuglement et sans complaisance. J'aurais tendance à recommander cet ouvrage étonnant, atypique, moyennant d'avoir du temps à y consacrer, et peut-être l'envie de consulter le dictionnaire Littré ou des encyclopédies, pour y faire connaissance avec des mots savoureux déjà éloignés du répertoire à son époque, ou des références mythologiques, littéraires, historiques... J'en ai appris, et je me suis régalée ici et là, je mettrais 4/5.
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