AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de visages


Camarade Lune est le témoignage poignant de Barbara Balzerani, de son engagement dans les Brigades rouges, du rôle primordial qu'elle y a tenu puis de ses 20 ans de réclusion.. A travers ce témoignage elle nous passe aussi le film des années de plomb en Italie avec leur violence mais aussi leur esprit critique porteur d'espoir, d'utopie. Alternativement,elle prend la parole à la 1ere ou 3eme personne du singulier, permettant ainsi les allers et retours dans le passé et présent. Ceci permet aussi deux registres: l'un plutôt analytique, distant, objectif et l'autre plus affectif, émotionnel. Elle nous parle tout d'abord de sa soif de justice, de liberté, d'égalité. Élan qui est né de son enfance dans un monde moche, dépourvu de rêve dans lequel son père s'est fait licencié pour la simple faute d'être tombé malade à force de trimer à l'usine, dans lequel sa mère a oublié la tendresse trop fatiguée,
trop inquiète à subsister pour s'autoriser le luxe des caresses. Un monde dans lequel même l'école est venue lui rappeler qu'elle devait rester à sa place. Injonction répétée par sa mère. Alors, lorsqu'à peine à 20 ans en 68 ,elle entend parler qu'à Rome les étudiants sont dans la rue pour revendiquer un autre monde,elle sait qu'elle doit les rejoindre. Ce sera le début d'un engagement qui très vite exigera d'elle une totale abnégation qui l'éloignera rapidement de l'image qu'elle se faisait de la Liberté. Car " sa révolte était une révolte encore dépourvue du langage politique. Elle était le fruit d'une volonté obstinée de ne pas croire que tout était déjà vraiment dit..."
b.balzerani n'est jamais dans la victimisation. Son récit est sans concession,ni pour elle, ni pour le mouvement, ni pour le pouvoir politique. Elle est intransigeante et essaie de comprendre ce qui c'est passé, quels ont été les dérives,les mauvais choix. Elle assume tout et demande seulement la reconnaissance pour les Brigades rouges de leur lutte politique pour faire le deuil de l'image de criminels sanguinaires qui leur a été faite. Elle pose des questions essentielles comme les moyens utilisés pour la cause, les actes commis ne les ont ils pas éloignés de " l'humain" ? Mais sans ces Passages à l'acte comment y aurait il pu avoir un espoir de changement radical? Toutes ces questions ainsi que les réaction du pouvoir d'Etat de l'époque m'ont frappées par leur actualité !
Lorsqu'ils parviennent à enlever le Président de la Démocratie chrétienne, Aldo Moro, l'espoir est immense d'une remise en question des rapports de force et de la possibilité de repositionner les données politiques différemment, mais rien ne c'est passé comme prévu " quelles que soient les accusations que le prisonnier avait adressé à ses amis et alliés, quelles que soient les propositions de méditation, personne ne bougerait le petit doigt...Ainsi toute une classe politique consentit à se passer de l'un des siens...". de là, tout se désagrège. L'auteur décrit l'autoreferentialite du mouvement qui agit comme un parasite, qui l'étouffe ,le rend étranger à ce qu'il était initialement.
B.B nous parle brièvement de sa longue incarcération,de son retour dans le monde "réel", " jamais je ne me suis sentie aussi peu capable d'arriver à savoir où il me faudrait être pour me sentir vivante et à ma place. Mais pourquoi continué-je à croire que j'ai encore une place?". Bien loin du monstre sanguinaire véhiculé par les médias, j'ai découvert une femme courageuse,sensible,altruiste,éprise de justice et de liberté. Sa plume est parfois d'une poésie magnifique, notamment lorsqu'elle s'adresse à ses parents bien qu'ils ne soient plus là pour l'entendre, et parfois très objective,descriptive tel un reporter de guerre!
Enfin, sa dernière phrase est pour moi magnifique car elle donne comme une note d'espoir et la réaffirmation des valeurs qui l'ont toujours guidées.En parlant à la lune: " Ensemble, complices, sera t il encore possible de rêver et de détruire les marchands à l'impuissance ?". A lire, vraiment !
Commenter  J’apprécie          215



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}