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Critique de motspourmots


Depuis Principe de suspension, je sais que nos cerveaux s'accordent (et le cerveau, pour moi c'est important), depuis Alto Braco, je sais que nous partageons quelques images, odeurs, saveurs planquées dans un coin de nos coeurs. Avec L'enfant parfaite, je sais désormais que Vanessa Bamberger pourra me raconter n'importe quelle histoire, je la suivrai. Il y a dans sa façon d'écrire, dans l'intelligence de ses constructions quelque chose qui me parle immédiatement. Ceux qui me connaissent savent que les histoires qui mettent en scène des adolescents ne sont pas celles que je préfère, loin de là. Eh bien, avec Vanessa, ça passe. J'ai tout de suite adhéré au personnage de Roxane, à sa voix. Ensuite, il n'y avait qu'à se laisser porter par l'intensité de l'intrigue et la tension narrative distillée avec subtilité.

A travers l'histoire de Roxane, élève de première dans un lycée d'excellence, l'auteure met en scène avec une grande virtuosité les différentes pressions qui s'exercent sur l'adolescent, sans que l'on n'y fasse bien attention. La pression de la réussite scolaire, sésame pour un après que l'on sait être une sorte de jungle dont seuls les meilleurs ou les plus exercés sortiront en bonne position. Alors autant commencer le plus tôt possible. La pression sociale, celle de la popularité, des bandes, des premières amours. La pression de l'image, de l'apparence qui transforme en drame le moindre bouton d'acné. La pression des parents, qui reproduisent à l'identique celle vécue à leur adolescence. Tout en se battant avec leurs propres problèmes, divorce, surcharge de travail, éloignement, qui les empêchent de poser un oeil suffisamment attentif et compréhensif sur leurs rejetons. Pour raconter cette histoire, Vanessa Bamberger trouve les ressorts dramatiques parfaits, noue les trajectoires de ses personnages avec une belle dextérité et utilise une matière que l'on sent documentée sans qu'elle ne soit jamais pesante. Voilà pour le fond.

Venons-en à la forme. Une totale réussite. le parti-pris musical est risqué mais tellement bien assumé que la bribe de doute à la première citation de rappeur en ouverture de chapitre est vite balayée. Peut-être parce que l'ensemble est équilibré, cohérent et que ce fil rouge qui relie les protagonistes malgré leurs différences est aussi ce qui donne le tempo au livre. La musique est ainsi ce qui résiste ou aide à résister à la frénésie du dehors. La mère de Roxane est altiste, la jeune fille écoute du rap mais son oreille est formée à la musique classique. de musique il sera encore question au sujet des rêves abandonnés pour des métiers plus "sûrs", ou comme un parallèle des battements d'un coeur. On parlera beaucoup du fond, de l'histoire dans les médias, le thème est porteur, la réalité de l'adolescence mise à nu et l'interrogation sur le soin apporté à autrui est prégnante. Pourtant, la réussite de ce roman est tout autant dans sa forme, le rythme insufflé par l'auteure, la voix presque slamée de Roxane, l'intensité dramatique jouée jusqu'au paroxysme.

On ressort de ce roman un peu sonné par le drame auquel on vient d'assister ; une tragédie qui sonne comme un avertissement aux parents et de façon plus large à l'entourage des enfants, à mieux regarder, écouter, comprendre leurs aspirations, leur état d'esprit. Et à ne jamais cesser de s'interroger sur le sens de la vie et les ingrédients du bonheur.

(NB : en prime, un petit lexique à l'attention des daronnes et darons qui ne manquera pas d'intéresser toutes celles et ceux qui souffrent parfois d'un souci de traduction)
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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