Elle fit une tragédie, elle en fit deux, elle allait en faire d'autres ; nous allions la perdre à la fois cette verve, cet esprit, ces vives historiettes, ces anecdotes sorties de la meilleure veine française, tout ce qui faisait la grâce, le charme, la séduction irrésistible de cette poétesse extra-parisienne, et tout cela allait se noyer dans le vague océan des alexandrins récités par des acteurs affublés de barbes coupant la joue en deux, et tenues par des crochets qui reposent sur les oreilles.
C’est le Chat qui va sur les toits miauler, gémir, pleurer d’amour ; il est le premier et le plus incontestable des Roméos, sans lequel Shakespeare sans doute n’eût pas trouvé le sien
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Le Chat aime le repos, la volupté, la tranquille joie ; il a ainsi démontré l’absurdité et le néant de l’agitation stérile.
Le Scapin gravé à l'eau-forte dans le Théâtre italien du comédien Riccoboni a une moustache de Chat, et c'est justice, car le Chat botté est, bien plus que Dave, le père de tous les Scapins et de tous les Mascarilles.
L'homme oblige le Chien à chasser pour lui, à ses gages et même sans gages ; le Chat préfère chasser pour son propre compte, et à ce sujet on l'appelle voleur, sous prétexte que les lapins et les oiseaux appartiennent à l'homme ; mais c'est ce qu'il faudrait démontrer.
Mais bien plus, le Chat veut que sa robe soit pure, lustrée, nette de toute souillure [...] Sous ce rapport, le moindre Chat surpasse de beaucoup les belles, les reines, les Medicis de la cour de Valois et de tout le 16e siècle, qui se bornaient à se parfumer sans s'inquiéter du reste.
Sans doute, il se laisse toucher, caresser, tirer les poils, porter la tête en bas par les enfants, instinctifs comme lui ; mais il se défie de l'homme, et c'est en quoi il prouve son profond bon sens.
Tout animal est supérieur à l'homme par ce qu'il y a en lui de divin, c'est-à-dire par l'instinct. Or, de tous les animaux, le Chat est celui chez lequel l'instinct est le plus persistant, le plus impossible à tuer. Sauvage ou domestique, il reste lui-même, obstinément, avec une sérénité absolue, et aussi rien ne peut lui faire perdre sa beauté et sa grâce suprême. Il n'y a pas de condition si humble et si vile qui arrive à le dégrader, parce qu'il n'y consent pas, et qu'il garde toujours la seule liberté qui puisse être accordée aux créatures, c'est-à-dire la volonté et la résolution arrêtée d'être libre. Il l'est en effet, parce qu'il ne se donne que dans la mesure où il le veut, accordant ou refusant à son gré son affection et ses caresses, et c'est pourquoi il reste beau, c'est-à-dire semblable à son type éternel.