Dans la forêt de poésie chaque poète représente ... une essence singulière à nulle autre pareille.
1549 - [Orphée n° 93, p. 7] Préface de Yves-Alain Favre
Roland (extrait)
Roncevaux ! Roncevaux ! que te faut-il encor ?
Il s'est éteint l'appel désespéré du cor.
Hauts sont les puys et longs et ténébreux, mais Charles,
Frémissant dans sa chair, entend que tu lui parles,
Et, couchés à jamais pour l'éternel repos,
Les païens gisent morts par milliers, par troupeaux,
Sur le sable, à côté des Français intrépides.
Ah ! les vaux sont profonds, et les gaves rapides,
Et la rafale fait tournoyer sur les monts
Ces âmes de corbeaux qu'emportent les démons.
Et j'ai rimé cette ode en rimes féminines
Pour que l'impression en restât plus poignante,
Et, par le souvenir des chastes héroïnes,
Laissât dans plus d'un cœur sa blessure saignante.
621 - [Orphée n° 93, p. 64] Erinna
Erinna (extrait)
Ô Rhythme, tu sais tout ! Sur tes ailes de neige
Sans cesse nous allons vers des routes nouvelles,
Et, quel que soit le doute affreux qui nous assiège,
Il n'est pas de secret que tu ne nous révèles !
Tu heurtes les soleils comme un oiseau farouche.
Ce n'est pour toi qu'un jeu d'escalader les cimes,
Et, lorsqu'un temps railleur n'a plus rien qui te touche,
Tu rêves dans la nuit, penché sur les abîmes !
La chimère (extrait)
Oiseau, je t'ai surpris dans ton vol effaré,
Je t'arrache à l'éther ! Femme, je te dirai
Des mots voluptueux et sonores, et même,
Sans plus m'inquiéter du seul ange qui m'aime,
Je saurai, pour ravir avec de longs effrois
Tes limpides regards céruléens, plus froids
Que le fer de la dague et de la pertuisane,
Te mordre en te baisant, comme une courtisane.
Poéasie - Querelle - Théodore de Banville