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Critique de liliterre


C'est toujours pour moi une gageure de me lancer dans ce type d'essai. Car je suis une attardée du monde numérique. Je n'adhère pas vraiment. Tout se mélange dans ma tête et, dès qu'on cherche à m'expliquer, mon cerveau se bloque. Je regarde cette jeune génération hyperconnectée, qui ne parle plus mais tweete, qui ne sort plus discuter avec leurs camarades mais les rejoint sur snap ou autres... Je constate leur curiosité qui s'amoindrit, leur appétence qui disparait, leurs yeux qui se ferment par manque de sommeil du fait de leurs veillées digitales, leurs cris dès qu'on leur demande d'écrire... Aussi, ai-je été interpellée par cette réflexion fort juste d'A. Baricco: "Quand les gens pensent voir la fin de la culture chez un jeune de seize ans qui n'emploie pas le subjonctif, sans remarquer que par ailleurs ce garçon a vu trente fois plus de films que son père au même âge, ce n'est pas moi qui suis optimiste, ce sont eux qui sont distraits." J'ai alors décidé de ne pas faire partie de ces personnes qui jugent sans essayer de comprendre, ceux que je traitais de « vieux cons » quand j'étais jeune… Et cette lecture a été pour moi une révélation, essentielle pour éviter de mépriser les adolescents que je côtoie chaque jour.

La première chose que j'ai appréciée, c'est le fait de ne pas me sentir noyée, le fait de comprendre le propos tenu. Je ne dis pas que l'eau ne me passait jamais par-dessus la tête, que je n'étais pas parfois attirée vers le fond : la différence entre Internet et le web, la post-vérité, le storytelling… Mais A.Baricco nous rattrape juste à temps pour nous remettre à flots. Il nous explique les choses par le biais d'images, d'anecdotes (qu'est-ce que j'ai aimé celle du libraire qui n'avait pas le dernier livre de Valérie Trierweiler !) ; A.Baricco a évoqué des choses qui me parlent pour m'expliquer des choses obscures. Il m'a guidée, prise par la main pour m'emmener là où je ne voulais pas aller du fait de mon blocage. Il m'a ouvert l'esprit. Ainsi, pour expliquer l'évolution de notre pensée, il est parti des jeux qui étaient présents dans les cafés : d'abord le baby-foot, puis le flipper, puis le Space Invaders… Les jeux se sont succédés et déplacés en même temps vers l'abstrait, vers un deuxième monde, qui cohabite avec notre premier monde, en même temps qu'il fusionne avec lui.
J'ai aimé la relation instaurée entre l'auteur et le lecteur : j'avais presque l'impression d'être dans le bureau d'A. Baricco, qu'il me tenait une discussion, créant des pauses au cours desquelles il allait « se chercher une bière », faisait une incursion aux toilettes… Une complicité me mettait en confiance, acceptant de recevoir le message. Je sentais l'auteur prendre plaisir à ses explications (il le dit d'ailleurs : « je commence vraiment à m'amuser »), savourer le fait de renverser notre vision des choses (prendre l'iceberg dans l'autre sens). A. Barrico nous explique, sans porter de jugement. On ne sait d'ailleurs pas trop s'il adhère ou pas à l'invasion numérique; il est certainement comme moi, indécis, voyant les bons côtés et regrettant aussi d'autres éléments de notre premier monde qui disparaissent.

J'ai ainsi quelque peu modifié ma façon de voir les choses, j'ai ouvert la porte. Mais j'ai aussi appris beaucoup de choses puisque A. Baricco refait un historique de l'évolution du numérique. J'ai mieux cerné l'idée de navigateur, moteur de recherche… Pour certains très calés, cela parait certainement inutile, ennuyeux… Mais pour moi c'était nécessaire. Et j'ai trouvé amusant de me replonger dans cette ère si proche et pourtant si éloignée où on glissait une cassette dans le walkman, enviant le copain qui avait un MP3… Cet historique était accompagné d'explications sur les mentalités qui nous ont menés à cette omniprésence du numérique. Une chose m'a été révélée: ce n'est pas le numérique qui change l'esprit: c'est parce que notre esprit change que le numérique évolue et devient si présent.

Je le répète, ce ne fut pas une lecture facile à chaque page pour moi ; j'avoue avoir sauté quelques lignes mais cela ne m'a pas empêchée de comprendre la suite. Preuve que l'auteur nous tient vraiment la main, ne nous lâche pas, acceptant néanmoins que notre regard se porte ailleurs à quelques moments. Les éléments, particulièrement, auxquels je n'ai attaché aucune attention furent les cartes qu'A. Baricco a conçues et qui sont glissées au fil des pages. Je n'y ai pas vu d'autre intérêt que le plaisir de l'artiste. Mais ce dernier ayant accepté que je divague de temps en temps, je ne peux qu'accepter que celui-ci ait divagué également !
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