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Critique de Bookycooky


Voici un livre approché sans à priori de ma part, Barnes étant un auteur dont certains livres m'ont subjuguée, comme le perroquet de Flaubert, ou Le fracas du temps, mais d'autres déçue ou ennuyée comme Une fille qui danse ou Lettres de Londres.
Le sujet semble d'emblée être celui d'un premier amour d'un jeune garçon de 19 ans, Paul, qui restera pour lui l'Amour de sa Vie. Nous sommes dans les années 60 dans une petite ville du Surrey, dans un milieu " British middle class" très conservateur. Enserré dans un moule, chacun suit un schéma de vie préétabli, où les déviations sont à éviter . Or Paul tombe amoureux de Susan, sa partenaire de tennis, une femme de quarante-huit ans. Elle est mariée et a deux filles adultes plus âgées que lui. Ils sont tous les deux « vierges » vu que lui n'a rien connu à part l'esquisse d'une relation douteuse et elle qu'un mari, dont la fonction n'est pas allée plus loin qu'engendrer deux filles. L'inexpérience étant pourtant d'ordre différent pour les deux. Comme ce n'est pas du Barbara Cartland, le procédé narratif exquis (v.o.) de Barnes dans la forme et le fonds, en donne une histoire beaucoup plus profonde que celle du scénario du départ.

L'écrivain décortique une relation adultère et singulière, dans le cadre des failles de la société anglaise de l'époque, des débuts de “La révolution sexuelle” des années 60 acclamée dans les médias, où l'orgasme féminin fait ses débuts, et celui d'une famille et d'un mariage, celle de Susan (« Je rodais chez les Macleod,, partiellement en anthropologue et sociologue et pleinement en amant *»). Le mariage étant à l'époque, et à mon avis encore aujourd'hui plus une question d'institution que d'amour, et ayant ici une face cachée très sombre. Le mari est très présent dans le cadre, mais non dans la relation, “il n'avait rien à faire avec notre relation, vous comprenez **?”.
Barnes revient sur les failles de la mémoire ( comme dans l'excellente première partie d'Une fille qui danse, «  il reconnaissait que la mémoire était non fiable »*** ), l'histoire étant racontée par Paul 30 ans plus tard, introspecte le guet-apens de la violence domestique et touche à un fléau que je ne mentionnerais pas ici par respect pour les futurs lectrices et lecteurs.....
Une autre originalité du livre est le style narratif . Du ‘je' de la première Partie du livre, Paul passe à ‘tu' dans la deuxième, où il se distancie de la suite des événements, et assiste avec peine, presque impuissant, à la détérioration de la situation. Et dans la troisième et dernière partie, pour moi la plus poignante, prenant encore plus de distance, il fait le bilan de son passé narré à la troisième personne du singulier, l'agrémentant de nombreuses questions sans réponse....n'est-ce-pas finalement ça la Vie ?

Bref un livre complexe où l'auteur à travers la perspective d'un adolescent, mais pas tout à fait, puisque il le raconte déjà vieux ( là il triche un peu 😊 ), revenant sur son passé, parle de la Vie et de ses aléas d'une façon très juste et touchante. La difficulté de faire face aux réalités, l'impuissance de trouver une solution avant qu'il ne soit trop tard, l'imbroglio où on s'empêtre car la raison et les sentiments ne vont pas de paire, le sentiment terrible de la culpabilité, l'amour qui n'est pas éternel et qui ne peut pas tout résoudre (‘s'aimer ne mène pas forcément au bonheur ‘), et le lourd fardeau du passé qu'on traine et sur lequel on ne peut tirer un trait , même si la chance s'y présente, sont les nombreux thèmes de ce livre intense et superbe. Barnes , même si je n'est pas aimé certains de ses livres, reste pour moi un grand auteur.

“Would you rather love the more, and suffer the more; or love the less and suffer the less? “
( Voudriez vous plutôt aimer beaucoup et souffrir beaucoup ; ou aimer moins et souffrir moins ? )


*« I used to prowl the Macleod house, part anthropologist, part sociologist, wholly lover ».
** « He had nothing to do with us, do you see ».
*** « He recognized that memory was unreliable ».
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