La table citron

Quelle raison de vivre est-ce, de survivre seulement aux autres ?

Une des folles ici voit des fantômes. Ils apparaissent sous forme de petites lueurs vertes, au cas où vous voudriez en repérer un, et ils l'ont suivie ici quand elle a quitté son appartement.
Le problème est que, alors qu'ils étaient débonnaires dans leur précédent gîte, ils ont réagi à leur incarcération dans une maison de vieux en se mettant à jouer des tours pendables.

La créativité compense l’inaptitude de l’artiste à vivre pleinement sa vie. Eh bien, ce n’est qu’un développement de l’opinion de Wagner, qui soutenait que si nous étions pleinement satisfaits de notre vie, nous n’aurions pas besoin d’art. À mon avis, ils prennent le problème à l’envers. Bien sûr, je ne nie pas que la personnalité de l’artiste comporte de nombreux aspects névrotiques. Comment pourrais-je, moi, nier cela ? Certes je suis névrosé et souvent malheureux, mais c’est dans une large mesure la conséquence du fait d’être un artiste, plutôt que la cause. Quand on vise si haut et atteint si rarement son but, comment pourrait-on ne pas être névrosé ?

À l’enterrement, j’ai songé à l’infinie misère du destin de l’artiste. Tant de travail, de talent et de courage, et puis tout est fini. Être incompris, et puis être oublié, tel est le sort de l’artiste.

On ne quitte pas ce qu’on veut encore.

Un arbre est comme un homme. Il lui faut soixante-dix ans pour arriver à maturité, et il est inutile au-delà de cent.

Quand la musique est de la littérature, c’est de la mauvaise littérature. La musique commence là où le verbe cesse.

Quant à la raison pour laquelle j’ai décidé de m’enfermer dans une maison de retraite alors que je peux encore marcher et conduire et être égayée par la menace d’un procès, c’était une question de « sauter avant d’être poussée », ou sauter pour mieux reculer.

Quand j’étais un joueur, les gens désapprouvaient cela… Ils estimaient que c’était un vice. Je n’ai jamais pensé ça. À mes yeux c’était l’application du raisonnement logique au comportement humain. Quand j’étais un gourmand, les gens estimaient que c’était une faiblesse coupable. Je n’ai jamais pensé ça. À mes yeux c’était une approche rationnelle du plaisir humain.

C’est étrange, comme les sentiments dominants peuvent changer avec le temps. Quand j’étais jeune, je respectais les prêtres, j’honorais ma famille, j’étais plein d’ambition. Quant aux passions du cœur, j’ai découvert, lorsque j’ai rencontré la femme qui allait devenir mon épouse, qu’un long prologue amoureux mène finalement, avec l’approbation de la société, à ces délices charnels qui nous sont si chers. Maintenant que je suis plus âgé, je suis moins persuadé que le prêtre peut nous montrer la meilleure façon de trouver Dieu, ma famille m’exaspère souvent, et je n’ai plus d’ambition.