AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782715242616
208 pages
Le Mercure de France (08/04/2016)
3.79/5   141 notes
Résumé :
Traduit de l’anglais par Jean-Pierre Aoustin

Dans la Russie de Staline, un trait de plume du tyran suffit à vous condamner à mort et à faire disparaître votre oeuvre. Le jour où le jeune compositeur Dmitri Chostakovitch, au succès international, découvre dans la Pravda un article qui l'accuse de "déviationnisme élitiste et bourgeois", il comprend que sa famille et lui sont menacés. C'est le point de départ d'une existence tiraillée entre la crainte pe... >Voir plus
Que lire après Le fracas du tempsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
3,79

sur 141 notes
5
10 avis
4
20 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
1 avis
Un livre où l'humiliation d'un génie musicale par un système totalitaire qui règle tout par la terreur, est portée à l'extrême. de quoi vous sentir humilié, frustré et impuissant en tant que lectrice ou lecteur.

Dmitri Chostakovitch, un des plus grands compositeurs russes du XX éme siècle, avec son opéra "Lady Machbeth de Mtsensk" aux succès retentissants de NewYork à Cleveland, de Suède à l'Argentine, de Moscou à Leningrad, se voit tomber en disgrâce suite à une représentation à Moscou auquel assiste Staline. " le petit père des peuples " et ses fayots du Politburo quittent la salle avant la fin du spectacle, et un article dans la Pravda, quelque jours plus tard porte le coup de grâce au jeune Chostakovitch.... Voici le prélude à une vie apolitique, où l'intimidation a débuté bien avant.
Marié, père d'une petite fille,afin d'épargner à sa famille la vue d'une arrestation, pendant une dizaine de jours, il attend chaque nuit, dans la cage d'escalier, sa valise prête, qu'on vient le chercher et l'arrêter.......et dans son esprit agité, qui lutte contre ses démons, il voit défiler sa vie .

Il sera épargné......par chance ? On n'en sait rien, car même les lèches bottes comme le poète Boris Kornilov, furent arrêtés et fusillés. En tout cas il se pliera à "leurs" exigences, se laissera dicter "le bon chemin" en composant des musiques de film selon leurs directives pour être le "Chostakovitch optimiste" de leur désir.
A-t-il était un lâche ? Et la question plus difficile, qu'aurait-on fait à sa place ?
Dans un système totalitaire le rôle de l'artiste, de l'écrivain est l'un des plus difficiles.
Cet homme qui vénérait Stravinski en temps que compositeur, le même Stravinski qu'il attaqua malgré lui à sa plus grande honte, en lisant un texte de propagande à NewYork imposé par le parti, n'a pas été, à vrai dire, des plus courageux. Mais je ne suis pas d'avis qu'il peut être considéré comme un lâche, et Julian Barnes en est du même. D'ailleurs l'écrivain s'acharne sur le propos jusqu'à la fin .
Facile de juger quand on se trouve pas soi-même dans un pareille pétrin absurde et révoltant. Lutter dans son cas n'aurait amené pas plus que sa mort et la misère de sa famille, et nous aurait privé du reste de son oeuvre. Il était plus indispensable à la musique classique vivant que mort. le reste concerne son éthique personnelle qu'il payera d'ailleurs très chère de son âme et de sa conscience, bien que, comme il le dit lui-même, le manque d'honnêteté personnel ne contamine pas nécessairement l'honnêteté artistique. La fin sublime le confirme !


L'histoire est intéressante, mais elle est ce qu'elle est, on peut le lire aussi sur Wiki. C'est la structure en trois mouvements et l'indiscutable élégance de la prose (v.o.) de Julian Barnes, qui en font un magnifique roman glaçant.
On le lit comme une histoire au passé, mais malheureusement la même histoire se répète en ce moment même aux portes de l'Europe, au vu et au su de tout le monde.....et certains paragraphes entiers dans le texte sont terriblement d'actualité......comme quoi rien ne change.....que dire, la chose la plus humiliante au monde est l'impuissance face à des tyrans qui n'ont aucune conscience, aucune humanité.



Genius and evil
Are two things incompatible.
You agree?
(Pouchkine)
Commenter  J’apprécie          845
Selon que vous soyez né à l'Est ou à l'Ouest, votre vie sera ce qu'elle est plutôt que ce qu'elle aurait pu être.
Etre un compositeur talentueux dans la Russie de Staline pouvait ressembler à une malédiction, cette évocation de la vie de Dmitri Chostakovitch va nous en donner la confirmation, car appartenir à une élite dans un régime totalitaire, c'est vivre selon des règles absurdes et non écrites, c'est plaire puis déplaire selon des critères incompréhensibles, c'est craindre pour soi, mais plus encore pour ses proches ce qui est profondément angoissant.
Ce livre m'a beaucoup impressionné, on sait ou l'on croit savoir ce qu'a pu être la vie de l'autre côté du rideau de fer, les purges contre les militaires, les intellectuels, l'arbitraire au quotidien pour tous.
On pourrait croire que les porte-drapeaux du régime étaient privilégiés et à l'abri, protégés par leur talent, l'évidence est que ce n'est pas le cas, enfin pas si l'on s'imagine pouvoir garder un minimum d'indépendance.
Concernant mon ressenti de lecture, j'ai souvent été impressionné par certaines évocations comme les attentes devant l'ascenseur une valise à la main (impossible d'en dire plus sans spolier), les cas de conscience liés aux compromissions incontournables ou encore cet échange avec Staline en personne que j'ai lu en apnée.
Je ne vais pas résumer ce livre qui mérite vraiment d'être lu pour comprendre ce que peut être la vie encore aujourd'hui sous certains régimes. Il y a beaucoup de questions que l'on pourra se poser sur le sens d'une vie, sur la chance ou la malchance de naître ici ou là, sur les compromissions que l'on est prêt à accepter pour protéger les siens et biens d'autres sujets.
Cette biographie se décompose en trois phases distinctes qui détailleront trois périodes phare de la vie de Chostakovitch et l'évolution de sa pensée intime, bravo à l'auteur pour avoir su matérialiser cet aspect, de l'insouciance des premiers jours à l'extrême maturité de la dernière partie de sa vie.
J'ai beaucoup aimé le scénario proposé et sa structure, beaucoup apprécié le style, car l'auteur a su parler du compositeur avec tant de justesse que nous l'avons côtoyé "corps et âme" tout au long de cette biographie, écrite de telle façon que l'on oublie justement que c'en est une.
Pour conclure c'est une lecture qui m'aura instruit et passionné, mais aussi bien fait réfléchir par sa profondeur d'analyse avec, entre autres sujets, l'aversion du compositeur pour les dissidents.
Commenter  J’apprécie          7916
Chostakovitch est un compositeur que j'apprécie et sa vie ne m'était pas inconnue. Allais-je donc lire un énième document à son sujet, je ne l'aurais pas fait si je n'avais reçu ce livre...
Disons d'emblée qu'après lecture, j'ai été ravi de ce cadeau !

Il ne s'agit pas à proprement parlé d'une biographie mais plutôt d'une version romancée de la vie réelle du compositeur car Julian Barnes s'attache surtout aux réflexions et pensées de Dimitri Chostakovitch, réflexions et pensées bien évidemment imaginées par l'auteur. Il en va de même pour les quelques dialogues du roman.

Le roman s'articule en trois parties :
- Sur le palier : nous sommes en 1936 et le compositeur attend là, près de l'ascenseur, ceux qui vont certainement l'arrêter pour ensuite soit le déporter soit l'éliminer... Alors qu'à 31 ans, sa renommée est grande, Joseph Staline est venu écouter son opéra Lady Macbeth de Mzensk et est sorti pendant sa représentation et le lendemain la Pravda dénonçait l'oeuvre “Du fatras en guise de musique “. S'ensuit un arrêt brutal de sa carrière, il tente d'obtenir des supports mais à cause de l'un d'eux il se voit convoqué à la KGB et réalise qu'il risque d'être arrêté Attendant cela sur le palier afin de préserver sa famille, le compositeur se remémore ses parents et sa jeunesse, ses débuts brillants. Par chance, son interrogateur est lui Même déchu et Chostakovitch survit.
- Dans l'avion : douze ans plus tard, Staline lui demande de représenter l'URSS au Congrès Culturel et Scientifique pour la paix dans le monde à New York, le régime profite de sa renommée et lui fait lire des discours auxquels il n'adhère pas. Lui faisant même attaquer son idole, Stravinsky.
- En voiture : à nouveau douze ans se sont écoulés, le petit père des peuples est mort, et Khrouchtchev lui a succédé. Plus d'exécutions mais le pouvoir est toujours aussi oppressant “Il savait qu'on allait le laisser vivre, et recevoir les meilleurs soins médicaux.Mais dans un sens, c'était pire. Parce qu'il est toujours possible d'avilir un peu plus les vivants. On ne peut en dire autant des morts.”: on le force à s'inscrire au parti et à prendre la direction de lUnion des compositeurs. On lui apporte des articles à publier dans la Pravda qu'il doit signer alors au'il ne les a pas écrits
Toutes ces parties sont relatées sous forme de pensées intérieures, les digressions, comme dans toute pensée, sont nombreuses et donnent au roman tout son relief.
Nous découvrons son caractère profondément pessimiste dans une URSS où l'optimisme le plus total est de rigueur, son aversion pour les occidentaux amoureux de son pays (Rolland, Shaw, Sartre) mais aussi contre les sympathisants des anti-communistes ”Ils veulent des martyrs”, sa passion pour la musique, ses subterfuges pour introduire dans sa musique ses pensées en déguisant la vérité, l'ironie “qui lui permet de préserver ce qui le plus de valeur, alors que le fracas du temps devient aussi fort”, le rôle que doit jouer l'art dans la société, ce ne sera pas ce que disait Lénine (l'art appartient au peuple” mais bien “l'art appartient à tout le monde et à personne. L'art appartient à celui qui le crée et à celui qui l'apprécie.”

Julian Barnes a une empathie certaine pour son personnage qui tente de garder un peu de respect envers lui-même, mais qui se sent de plus en plus lâche. Un homme est-il un lâche quand il doit faire des compromis pour sa propre sécurité et surtout celle de ses proches ? Barnes ne le condamne pas, même après avoir relaté certains faits odieux (ses condamnations de Stravinsky, Soljenitsyne et Sakharov).

Je terminerai par une dernière citation : “Ce qu'il espérait, c'était que la mort libérerait sa musique: la libèrerait de sa vie. le temps allait passer, et les musicologues auraient beau poursuivre leurs débats, son oeuvre commencerait à exister par elle-même.”

Son espoir s'est accompli !
Commenter  J’apprécie          535
« L'art appartient au peuple », cette citation de Lénine est sur tous les frontons…

Comment tuer un homme, musicien reconnu, sans attenter à sa vie, simplement en le persécutant psychologiquement, c'est ce qu'a vécu Dmitri Chostakovitch au temps de l'URSS.

Julian Barnes raconte les interrogatoires menés par Zakrevsky, uniquement parce qu'il a été en contact avec Toukhatchevsky suspecté d'avoir fomenté un « complot contre Staline », telle est la formule consacrée pour éliminer quelqu'un, pourtant héros, maréchal, car il a cessé de plaire au tyran, et au passage, on élimine tous les membres de la famille, les proches, ceux qui lui ont parlé une fois dans leur vie…

Dmitri Chostakovitch préfère attendre dans le couloir, sa valise à la main, pour ne pas être arrêté devant sa famille et être emmené en pyjama à la « Grande Maison » :

« Un de ses cauchemars éveillés persistants était que le NKVD leur prendrait Galya et l'emmènerait – si elle avait de la chance – dans un orphelinat spécial pour les enfants des ennemis de l'Etat. On lui donnerait un nouveau nom et où on ferait d'elle une citoyenne soviétique modèle – un petit tournesol levant son visage vers le grand soleil appelé Staline ». P 27

L'interrogateur change du jour au lendemain, car tombé en disgrâce, lui aussi, éloignant temporairement les soupçons, desserrant un peu l'étau.

Le seul tort de cet homme a été le fait que sa musique ait déplu à Staline : « du fracas en guise de musique » a dit celui-ci qui a assisté à la représentation dans sa loge, caché derrière un rideau, tandis que ses sbires baillaient ou grimaçaient ostensiblement, les musiciens ayant moins bien joué car il était là. Et le lendemain, la phrase faisait la une de « la Pravda »…

Il va devoir apprendre à composer la musique qui plaît au peuple puisque « l'art appartient au peuple », comme si c'était possible, sous la coupe de gens qui n'y connaissent rien ou des musicologues à la botte du régime.

Quand il se rend l'Étranger, il doit lire les discours qu'on a écrit pour lui, démolir Stravinski par exemple, et faire l'apologie du régime. Il ne se laisse pas tenter par l'exil, lors de son passage aux USA car cela retomberait sur sa famille.

On voit la vie de musicien basculer, la peur qui s'installe, on ne l'a pas exécuté certes, mais il aurait préféré la mort physique à cette mort psychologique. Il se trouve lâche, se méprise de plus en plus, sa vie étant devenue un enfer et, peu à peu, il s'en sort par l'ironie. « Il aimait à penser qu'il n'avait pas peur de la mort. C'était la vie qu'il craignait, pas la mort ».

On aurait pu penser que les choses changeraient à la mort de Staline, mais Khrouchtchev ne vaut guère mieux : certes on a dénoncé les purges, rendu leur honneur à certains, mais on est passé « d'un Pouvoir carnivore à un Pouvoir végétarien » comme le dit Anna Akhmatova, on ne tue plus, mais on manipule plus subtilement : Dmitri est obligé de prendre sa carte au parti, alors qu'il avait toujours refusé mais on ne l'aurait pas laissé tranquille…

Une image forte : Chostakovitch demande à une étudiante à qui appartient l'art (la phrase est écrite sur le mur en face d'elle, et affolée elle est incapable de lui répondre, même quand il lui tend la perche en lui demandant ce qu'a dit Lénine à propos de l'art!

J'ai beaucoup aimé ce roman biographique qui envoie un uppercut au lecteur et le fait réfléchir sur le pouvoir, la tyrannie, la persécution morale, l'interdiction de penser par soi-même, devenant l'ombre de lui-même pour survivre et protéger sa famille. Bien-sûr, on peut faire le lien avec les dictateurs actuels qui persécutent toujours autant les dissidents, les méthodes n'ont pas changé…

Je connaissais la chasse aux sorcières contre les écrivains dissidents, ou Noureïev pour la danse, mais pas trop celle exercée contre les musiciens…

Je pourrais parler de ce livre pendant des heures, tant il a suscité d'intérêt, d'émotions, j'ai littéralement vécu avec Dmitri pendant quelques jours, alors j'espère avoir été assez convaincante pour donner envie de lire ce livre.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          575
Julian Barnes choisit de nous montrer la vie sous l'ère soviétique par le prisme de la musique en suivant les pas de Chostakovitch. Il s'attarde plus particulièrement sur trois événements qui ont bouleversé la vie de ce compositeur.
"Du Fratras en guise de Musique", cet article daté de 1936 de la Pravda au lendemain de la représentation de Lady McBeth de Mzenzk, qui interdit toute représentation officielle de l'oeuvre.
Son voyage officiel à New York au Congrès de la Paix en 1948 durant lequel Chostakovitch doit annoner des discours rédigés par le Parti et dénonce toute déviance - notamment celle de son ami Stravinsky.
L'espoir que tout change à la mort de Staline, remplacé par Khroutchev - moment où le Parti choisit en 1960 de l'honorer de la présidence de L'Union des Compositeurs de l'URSS et l'oblige à prendre sa carte au Parti.
Au-delà du rappel de ces événements, Julian Barnes nous interroge sur la question de la survie dans un monde totalitaire. Qu'est ce qu'un héros ? Celui qui choisit le suicide, ou brave les autorités en entraînant dans sa mort celle de sa famille et de ses amis ? Ou plutôt celui qui tente de survivre tout en continuant de produire une oeuvre. Qui accepte toutes les compromissions imposées par le Parti avec une apparente complaisance. Qui ose se regarder mourir de l'intérieur à petit feu. Qui ne réagit pas à l'enthousiasme des Occidentaux éblouis par la Révolution.
Un livre dérangeant et indispensable sur la rééducation mentale des masses.
Commenter  J’apprécie          589


critiques presse (4)
LeFigaro
23 mars 2018
Face à Staline, Chostakovitch oscilla constamment entre soumission et contestation. Le jeu du chat et de la souris sous la plume du grand romancier britannique.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Bibliobs
12 mai 2016
Le livre de Barnes est magnifique et redoutable. Par cette ironie désenchantée qui fait son ton , il démonte à la fois un système et un homme, qui finit par envier les morts.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
22 avril 2016
Le romancier anglais Julian Barnes raconte l'histoire du compositeur Chostakovitch, tiraillé entre son art et son allégeance à l'URSS.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Telerama
06 avril 2016
Une mise à nu poignante de la vie de Dmitri Chostakovitch, hanté par sa lâcheté face à la tyrannie.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (73) Voir plus Ajouter une citation
Ou, pour prendre une autre image, venant de sa propre enfance : cette maison d’été qu’ils avaient à Irinovka, dans ce domaine riche en tourbe. Une maison de rêve ou de cauchemar, avec de grandes pièces et de minuscules fenêtres, qui faisait rire les adultes et frissonner de peur les enfants. Eh maintenant il se rendait compte que le pays où il avait vécu si longtemps était comme ça aussi... C’était comme si, lorsqu’ils avaient dessiné leurs plans pour la Russie soviétique, les architectes avaient été réfléchis, méticuleux et bien intentionnés mais avaient échoué à un niveau très élémentaire : ils avaient pris les mètres pour des centimètres, et parfois l’inverse. Avec pour résultat que la Maison du Communisme était toute disproportionnée, et qu’il lui manquait souvent d’être à l’échelle humaine. Elle vous donnait des rêves, elle vous donnait des cauchemars, et elle rendait tout le monde - les adultes comme les enfants - craintif et apeuré.
Commenter  J’apprécie          240
Quant à l'amour - pas ses propres façons maladroites, trébuchantes, importunes et irritantes de l'exprimer, mais l'amour en général: il avait toujours cru que l'amour, en tant que force de la nature, était indestructible; et que, s'il était menacé, il pouvait être protégé, enveloppé, emmailloté d'ironie. Il n'en était plus si sûr. La tyrannie, se disait-il, est devenue si experte en destruction, pourquoi ne détruirait-elle pas aussi l'amour, intentionnellement ou non? La tyrannie exigeait que vous aimiez le Parti, l'Etat, le Grand Leader et Timonier, le Peuple. Mais l'amour individuel - bourgeois et exclusif - distrayait de ces "amours" aussi grandioses et nobles que dénuées de sens et aveugles. Et, dans ce genre d'époque, les gens étaient toujours en danger de devenir moins que pleinement eux-mêmes. Si vous les terrorisiez suffisamment, ils devenaient autre chose, quelque chose de réduit et de diminué: de simples méthodes de survie. Aussi ce n'était pas seulement une anxiété, mais, souvent, une peur brute qu'il éprouvait: la peur que les derniers jours de l'amour fussent arrivés.
Commenter  J’apprécie          180
Mais il n’était pas facile d’être un lâche. Etre un héros était bien plus facile qu’être un lâche. Pour être un héros, il suffisait d’être courageux un instant – quand vous dégainiez, lanciez la bombe, actionniez le détonateur, mettiez fin aux jours du tyran, et aux vôtres aussi. Mais être un lâche, c’était s’embarquer dans une carrière qui durait toute une vie. Vous ne pouviez jamais vous détendre. Vous deviez anticiper la prochaine fois qu’il vous faudrait vous trouver des excuses, tergiverser, courber l’échine, vous refamiliariser avec le goût des bottes et l’état de votre propre âme déchue et abjecte. Etre un lâche demandait de l’obstination, de la persistance, un refus de changer – qui en faisaient, dans un sens, une sorte de courage. Il sourit intérieurement et alluma une autre cigarette. Les plaisirs de l’ironie ne l’avaient pas encore abandonné
Commenter  J’apprécie          190
Professor Nikolayev’s definition of a musicologist. Imagine we are eating scrambled eggs, the Professor used to say. My cook, Pasha, has prepared them, and you and I are eating them. Along comes a man who has not prepared them and is not eating them, but he talks about them as if he knows everything about them –that is a musicologist.
( Definition d'un musicologue du professeur Nikolayev.Imaginez que nous mangions des œufs brouillés , disait le professeur. Mon cuisinier, Pacha,les a préparés, et nous les mangions.Arrive un bonhomme qui ne les a pas préparés, ne les mange pas, mais en parle comme s'il connaissait tout sur eux, c'est le musicologue ).
Commenter  J’apprécie          250
Art belongs to everybody and nobody. Art belongs to all time and no time. Art belongs to those who create it and those who savour it......Art is the whisper of history, heard above the noise of time.
( L'art appartient à tout le monde et à personne.L'art appartient à tous les temps mais est aussi intemporel.L'art appartient à ceux qui le créaient et à ceux qui le dégustent....L'art est le chuchotement de l'histoire qu'on entend au-dessus du fracas du temps )
Commenter  J’apprécie          342

Videos de Julian Barnes (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Julian Barnes
Julian Barnes - L'Homme en rouge
autres livres classés : chostakovitchVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (306) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1084 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..