Citations sur La position des tireurs couchés (19)
Il a peur de la douleur mais il n’a pas peur de la mort.
Cette vieille copine qui s’est tenue à ses côtés si longtemps. Une main froide posée sur son épaule. Zlatan a eu le temps de l’apprivoiser et il n’en a plus peur. A-t-on peur de ce qu’on connaît ?
Zlatan est chez lui. Dans cette ville où il est né. Dans cette ville qui l’a vu grandir. Dans cette ville qui l’a vu mourir aussi, en quelque sorte.
Sarajevo.
Il erre dans une rue qu’il n’a jamais empruntée. Et, tandis qu’il avance, cela...
Zlatan bloque sa respiration.
Pose la dernière phalange de son index sur la queue de détente. Exerce la pression suffisante pour sentir le métal s’enfoncer dans la pulpe de son doigt.
─ De Top un. À tous, on rentre ! Top action ! Top action !
Scrute le bureau du directeur. Lit les traits tirés sur les visages de chaque cible. Il sait que le corps parle. Celui qui ne dit rien en raconte presque plus que celui qui bave. Suffit de savoir lire et Zlatan sait déchiffrer ce langage presque animal que l’on ne peut pas falsifier. Le corps ne ment jamais car il ne sait pas faire. Il n’a jamais appris à le faire. La colère, la peur, la joie, la tristesse, la surprise, la honte et le dégoût sont des étiquettes indélébiles collées sur le front de celui qui les vit.
Et ce que Zlatan voit le laisse perplexe.
─ Putain, c’est quoi ce délire ? lâche Gretpman.
─ Reste concentré. Tu accroches le mec armé.
Dans son oreillette, le poste de commandement mobile de la BRI :
─ Icare de Top trois, vous avez un visu ?
─ Affirmatif. Treize cibles. Huit hommes, cinq femmes. Ils sont tous torse-nu. Un homme tient un pistolet. J’ai l’impression que c’est un Glock 31. Ou un 22.
Comme Zlatan attend, son cœur bat avec l’exactitude d’un métronome.
Soixante battements par minute.
Une vraie horloge.
Dit comme ça, le choix est vite fait mais, quand on est braqueur, récidiviste, qu’on a déjà connu les douches à Fleury, les journées grises qui s’enfilent comme des perles sur un fil infini, il n’est pas si simple.
Ça doit cogiter pas mal dans leur petite tronche de malfrat. Parce qu’aucune sortie n’est envisageable sans les menottes aux poignets, synonymes de ballon pour quelques années, ou les pieds devant, synonymes de cimetière pour l’éternité.
Attendre et attendre encore. Puis, si l’agression est actuelle, injustifiée et réelle, si elle entre dans le cadre de la légitime défense d’autrui, il tirera.
Et il tirera pour tuer.
L’œil derrière l’œilleton de son viseur optique, le viseur sur son Blaser LRS 2 calibre 7,62, l’index droit sur le pontet, l’homme attend le moment de tirer qui ne viendra peut-être pas.
L’homme s’appelle Zlatan Gubic et est THP.
Tireur de haute précision à la Brigade de Recherche et d’intervention de la Préfecture de Police de Paris. Zlatan est un opérateur de l’Anti-Gang et il est là où il doit être. Fait ce qu’il sait le mieux faire : attendre.