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Critique de ODP31


ODP31
16 décembre 2023
En Irlande, il n'y a pas que le temps qui pleure.
Un ancien flic profite d'une retraite pépère et méritée dans une station balnéaire. Comme les côtes de la mer d'Irlande n'ont pas grand-chose à voir avec celles de la Floride ou de la côte d'azur, il fréquente davantage les fantômes et les cormorans que les casinos et les chihuahuas à sa mémère. Veuf, l'homme a également perdu ses deux enfants et il n'aspire qu'à se passer en boucle les vieux disques de ses souvenirs heureux. Ses défunts lui tiennent compagnie et sa réalité se limite à quelques rencontres fortuites avec son propriétaire et quelques voisins.
Les drames qui ont émaillé son existence remontent à la surface et polluent l'écume de sa plage déserte quand de jeunes enquêteurs le contactent sur une vieille affaire de prêtres pédophiles. Tom Kettle a été lui-même abusé dans un orphelinat et sa défunte épouse a elle-même été victime d'un certain Père Matthews dont le corps a été retrouvé dans une montagne. Les soupçons pèsent sur l'ancien flic qui peu à peu, exhume son passé douloureux.
J'ai trouvé le roman de Sébastian Barry d'une puissance rare et d'un style aussi perturbant qu'envoutant. le sujet est difficile et âpre mais l'auteur fait prévaloir la mémoire sur le polar. Alors que la plupart des romanciers auraient fait le choix d'un récit centré sur l'évocation des scandales de pédophilie dans certains orphelinats d'Irlande qui ont défrayé la chronique il y a quelques années, le choix de confiner la narration dans l'esprit du flic permet de révéler toutes les fêlures psychologiques qui résultent de ces crimes.
J'ai été bluffé par cette capacité de l'auteur à structurer sa prose comme une lutte intérieure, presque inconsciente comme une écriture de résistance, qui se traduit par des passages où le récit chevauche la réalité, le rêve ou l'hallucination dans une même page. Je me suis parfois perdu dans le récit car le narrateur a la mémoire qui flanche et un Alzheimer à la carte mais il grappine le lecteur dans l'ascension complexe de cette histoire grâce à son fil de survie : l'amour pour sa femme.
Ce n'est pas la comédie de l'année, difficile de faire une petite place à l'humour devant une telle accumulation de drames sur un seul personnage (c'est même un peu trop pour être crédible !) mais cette lecture n'est pas dépressive. Bon, évitez seulement d'avoir une corde ou une falaise à proximité, de lire ce magnifique livre par temps pluvieux en automne et gardez le numéro de votre psy à proximité.
Dans les lacs du Connemara, si on écoute Sardou le sardonique, autour des lacs, c'est pour les vivants. Chez Sebastian Barry, en bord de mer, c'est plutôt pour les morts.
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