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Critique de Montecristof


D'un auteur l'autre ? Etonnant, ce clin d'oeil que semble faire Bartabas en choisissant ce titre pour son chant d'amour ! Hommage littéraire ? J'espère que non, mais l'évidente et éclectique culture de cet écuyer qui cite Nietzsche laisse peu de doute sur le fait qu'il connaisse les écrits de Céline, le triste sire qui signa "D'un château l'autre" !
En tous cas l' écuyer insomniaque, le misanthrope à demi-mot, le romantique iconoclaste a bien fait de remplir les siennes (ses nuits je veux dire) en vidant son stylo pour nous faire vibrer. Car son hommage à chacun de ses compagnons est vibrant, bouleversant ô combien pour un homme de rien qui aime le verbe, un cavalier passionné devenu piéton, ce que je suis.
J'ai vu Zingaro et Bartabas, au temps de ma pratique équestre. En chair et en os par deux fois, et sur des écrans. Il m'a toujours intrigué, l'écuyer hors norme. Il a emporté mon adhésion d'emblée. Il a suscité mon admiration par sa pratique, par ses recherches cosmopolites, par les ambiances qu'elles lui permettaient d'installer sur scène. Moins sans doute par ses qualités d'homme à hommes, notamment dans "Le Caravage" où ses silences bourrus ressemblent parfois au mépris, où en tous cas je n'ai pas toujours vu l'amour, qui sous-tend tout art légitime me semble-t-il.
Je n'avais pas lu encore Bartabas.
Et je suis sous le charme, subjugué par ce mariage de prose et d'élévation poétique. Ils sont beaux ses mots, pleins d'amour déchirant, de respect. Leur fluidité bondissante est parfaitement raccord avec les images de légèreté vraie que je garde en tête depuis que j'ai vu Bartabas piaffer, rênes molles et jambes relaxées sur une scène de bois dans les premiers spectacles de Zingaro, ou galoper en arrière dans "Mazeppa", enfin tous ces moments de beauté vraie qu'il a pu créer avec ses complices, à force de les gratter jusqu'à... tutoyer l'absolu ! L'absolu du cavalier, son nirvana : la mutation de ses neurones, leur connexion à ceux de sa monture, jusqu'à devenir un peu cheval, dans le silence...
Le silence... Pour les néophytes, je veux parler bien sûr du silence des aides que sont les actions de rênes, de jambes ou d'éperons par lesquelles on "instruit" le cheval. Cette absence d'intervention, sur le cheval en action, de l'homme en parfaite symbiose, relaxé, n'agissant que par son poids en selle, rênes molles et jambes détendues sur l'animal en "liberté sur parole", c'est précisément ce qu'on nomme la "descente des aides" et c'est, pour le spectateur, le mystérieux silence d'un cavalier télépathe.
Clément Marty n'a que faire peut-être de ses semblables humains, eux pourtant à qui il se montre, eux qui financent ses prouesses inspirées. Mais par cet hommage magnifique à tous les compagnons silencieux de ses spectacles, son autoportrait en tant que Bartabas est un témoignage précieux, utile même pour les gens de chevaux. Puisse-t-il les toucher au coeur , en faire autre chose que des conquérants, des dominateurs !

Certes, une chose me frappe, alors que je relis ces impressions, écrites et postées dès la fermeture du livre . Une chose que j'ai failli oublier de mentionner :
les destinataires de ses coups de foudre sont des mâles, exclusivement si je ne m'abuse. Les grands écuyers ont souvent préféré travailler avec des hongres ou des entiers, et tout homme de cheval connaît les écarts d'humeur de certaines juments soumises à leurs cycles hormonaux.
De là à ne pas leur faire de place dans ses louanges a l'être-cheval, ne pas même les mentionner, je m'interroge. Les juments ne sont-elles pour lui que des ventres ?..
Bartabas cite une phrase du grand écuyer Beudant, en exergue d'un chapitre sur Quixote. Ce qui prouve qu'il l'admire, je suppose. Mais le dernier chef d'oeuvre de Beudant ne fut-il pas Vallerine , la jument qu'il dressa alors que le déclin de ses forces était déjà avancé ? Sa dernière histoire d'amour ?
Quoi qu'il en soit, allez, je lui sais gré, à Bartabas, d'avoir fait jaillir la poésie, d'avoir fait naître devant nous une fois de plus cette créature intermédiaire, ce fantasme de tout cavalier tombé en amour sincère pour les chevaux :

le mythique centaure !


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