Citations sur Odalis - Des mots sur les maux... (10)
Maman,
Je ne sais pas par où commencer, comment te dire ce que j’ai vécu... Comment te révéler que seules les menaces et les humiliations ont rythmé ma vie depuis des mois. Comment t’annoncer que tu ne l’as pas vu et comment t’avouer que je t’ai menti tant de fois ?
Maman, j’ai vécu les pires insultes, les pires rejets. Et un jour, la cacophonie de mon existence s’est transformée en une mélodie cristalline. Quelque chose, ou plutôt quelqu’un s’est faufilé dans ma vie. L’amour, tu dis ? Peut-être bien…
Comment un moment, une confession peut changer à jamais une relation ? Je perçois quelque chose d’imperceptible entre lui et moi. Une émotion, un lien, de la lumière. Je le regarde et ne peux détacher mes yeux de lui. Il me fixe lui aussi d’un regard insistant. Je suis certaine qu’il le sent aussi, ce lien. Il s’est livré à moi, malgré lui, et nous a rapproché de façon inexplicable.
Brouhaha incessant, regard dans le vide, esprit qui divague. Lente danse acharnée du stylo sur le papier. Des minutes qui défilent, le temps qui s’écoule.
« Marcher, sans s’arrêter, regarder droit devant. Ne pas s’attarder sur les regards qui deìvisagent. Oublier, passer outre. Des ricanements, des critiques, j’entends tout. Je ne suis pas sourde. »
J'ai envie de hurler de colère. Je fulmine contre Mathéo, contre Stan et contre moi-même. J'aurais dû me relever. Je n'aurais pas dû rester au sol. Je lui ai montré à quel point j'étais faible face à lui. Mais en même temps, quoi qu'il fasse, je ne peux que l'excuser. Il me rend vivante? Avec lui, je me sens belle. Je sais qu'il a de mauvais côtés, mais tout le monde en a, non?
Et Stan, il me rend folle. Folle de rage, folle de je ne sais quoi. J'aime être à ses côtés, j'aime me déchirer avec lui. Encore une fois, j'ai l'impression d'être quelqu'un. Quelqu'un d'assez important, il me porte de l'attention. Il est gentil quand il le veut, on se cherche. Je suis complètement perdue et le geste si cruel de Mathéo me déboussole.
Comme tous les soirs depuis bientôt un an, après ces journées effroyables, je mens à ma mère. Je peaufine mes talents de menteuse. Je dissimule la vérité pour ne pas lui faire de la peine, car je sais qu'elle ne le supporterait pas. Je baisse les yeux de manière à ce qu'elle ne découvre pas mon mensonge. On dit souvent que les yeux sont les fenêtres de l'âme, dans mon cas, ce n'est que trop vrai. Par chance, ma mère est trop absorbée par sa manœuvre afin de sortir du parking pour y prêter attention. Je me détends un peu, encore une soirée où je ne me suis pas fait démasquer. Je m'accorde un moment pour regarder le paysage qui défile.
Je le fixe, me noie dans son regard. Je plonge, les poumons complètement vidés d’air.
Mourir.
Je ne peux que mourir dans cet échange anaérobique. Je meurs s’il ne m’embrasse pas maintenant. J’approche mes lèvres des siennes et c’est l’apothéose. Les frissons me submergent, je me retiens de respirer. Sa langue caresse doucement la mienne dans une lente danse sensuelle. Tout se mélange dans un chaos gigantesque.
— Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais je me rends compte d’une chose. Une chose qui me paraissait improbable il y a de ça quelques mois. Une chose que tu as accomplie sans même t’en rendre compte. Tu sais ce que c’est ?
Je secoue la tête, j’ai le souffle court, mon cœur bat si vite que j’ai l’impression qu’il va se détacher.
— T’as comblé ce trou béant dans ma poitrine.
Le silence règne, son souffle, le mien, à l’unisson. Je ne perçois que ça, je fixe un point sur le tableau de bord et ne détache pas le regard. Le silence ne me gêne pas, avec lui, il prend un tout autre sens. Je me sens bien, je ne pense plus à rien et ça me détend. Je pose ma tête contre la vitre et sens les vibrations de la voiture.
Murmures vivaces qui se faufilent dans ma tête tels des serpents à sonnettes...
Résonance infernale et incontrôlable...
Grondements, éclairs qui tapent à mes pieds...
Voilà la description parfaite de ce que je ressens quand je les vois, quand je les entends proférer des horreurs à mon sujet.