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Critique de dourvach


Prendre la mesure d'une merveille : en 1962 chez l'éditeur Giulio Einaudi (oeuvrant en la Cité piémontaise de Torino) naissait un drôle de "roman" intitulé "Il Giardino dei Finzi-Contini"... Ce gros bourg tranquille qu'est l'historique Ferrare y était dépeint longuement, amoureusement, en mille détails chatoyants et teintés de la plus grande angoisse comme de la plus grande authenticité... Etrangement dédicacé à une très mystérieuse "Micòl", une large "pastille d'espace-temps" se déploie devant nous en ses deux longues angoissantes années, 1938 et 1939, veille du grand basculement : la gangrène mussoliniste ravageant sournoisement, tout le vivre-ensemble des concitoyens depuis des Lustres... (on croit entendre les dents des rongeurs s'attaquant au coeur de la boiserie qu'on pensait si solide....). Les "Lois raciales" (euphémisme sournois de la "campagne de la race" promulguée dès l'été 1937) gagnaient du terrain dans un assentiment d'apparences... jusqu'à la grande rafle d'un certain automne 1943 (sous cette soi-disant "république" des Salauds , de septembre 1943 à avril 1945)...
Mais voilà : le jeune Giorgio aime Micòl.

Depuis ses douze ans où il l'a vue au sommet du grand mur d'enceinte de la propriété (la "magna domus" et son Jardin d'Eden) de Barchetto del Duca...
Mais le destin est contrariant, comme les amours peuvent l'être... L'amour n'est pas forcément payé de retour et les fées restent inaccessibles et hermétiques aux baisers empressés...

Micòl Finzi-Contini, son frère Alberto, souffrant en silence de sa lymphogranulomatose jusqu'à l'asphyxie finale (on songe à la fin atroce du juriste Franz Kafka), le professor Ermanno , son épouse Olga, la signora Regina, et "les invités" à la propriété comme Bruno Lattes, Adriana Trentini, Giorgio bien sûr... flanqué de son ami (et rival naïvement insoupçonné), le dottore (en droit), Bruno Malnate surnommé "Le Malnate ", communiste clandestin de Milano...
Tous les personnages de cette fresque intimiste sont là...
La religion juive aussi, dépeinte amoureusement en tous ses rituels (vus initialement "à hauteur d'enfants")...
Comment dépeindre les mille sortilèges de ce livre ?

On sait que la blonde Dominique Sanda incarnera avec tant de grâce Micòl Finzi-Contini dans l'excellent film "tardif" de Vittorio DE SICA en 1971 : le réalisateur du "Ladri di biciclette" (1948) "trahira" - selon Bassani, mécontent - avec son habituel brio l'ouvrage-phare du romancier... tout en étant fidèle à "l'esprit" de cette merveilleuse et nostalgique "Chronique des événements amoureux" : se remémorer bien sûr le "Kronika wypadków milosnych" (1974) du polonais Tadeusz KONWICKI, roman d'inspiration autobiographique pareillement nimbé de lumière dorée) : fidélité à la brume du souvenir d'avant septembre 1939...

Michel Arnaud a reproduit ici (quinze années plus tard, en 1964) le miracle de sa traduction cristalline de "Il deserto dei Tartari", ce 3ème roman de Dino BUZZATI écrit en 1939 (publié chez Rizzole dès 1940) et dont on connaît la fabuleuse destinée : cette première traduction française, devenue "canonique" dès 1949 [*] traçait la voie avec brio aux égales qualités esthétiques de traductions ultérieures des deux premiers romans buzzatiens, à savoir "Bàrnabo delle montagne" (publié chez Treves-Treccani-Tumminelli en 1933) et "Il segreto del Bosco Vecchio", chez le même éditeur italien en 1935) dues à Michel Breitman qui paraîtront en France en 1959, soit dix années après ce "Désert" à la belle et mystérieuse destinée planétaire...

Bref, la prose sinueuse du travail de Michel Arnaud sur "Il Giardino dei Finzi-Contini" (rendu en 1964, deux années après la première édition italienne) y est d'une merveilleuse inventivité, d'une fidélité exemplaire à la mélancolie pointilliste du"magnus Opus" bassanien, d'une si rare, merveilleuse puissance d'évocation...

[*] ... "canonique" et intouchable comme nous l'espérons ! Aussi, "prière d'insérer" ici une très humble PRIERE : "Pitié, messieurs les éditeurs feignasses humant toujours "l'air du temps", point de "nouvelles traductions" branchouilles, moins "désuètes" et plus "adaptées" !!! :-)
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