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Citations sur Madame Edwarda / Le mort / Histoire de l'œil (21)

J'ai fini.
Du sommeil qui nous laissa, peu de temps, dans le fond du taxis, je me suis éveillé malade, le premier... Le reste est ironie, longue attente de la mort...

Madame Edwarda, fin.
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A d’autres, l’univers paraît honnête. Il semble honnête aux honnêtes gens parce qu’ils ont les yeux châtrés. C’est pourquoi ils craignent l’obscénité. Ils n’éprouvent aucune angoisse s’ils entendent le cri du coq ou s’ils découvrent le ciel étoilé. En général, on goûte les « plaisirs de la chair » à la condition qu’ils soient fades. Mais dès lors, il n’était plus de doute : je n’aimais pas ce qu’on nomme les « plaisirs de la chair », en effet parce qu’ils sont fades. J’aimais ce qu’on tient pour « sale ». Je n’étais nullement satisfait, au contraire, par la débauche habituelle, parce qu’elle salit non seulement la débauche et de toute façon, laisse intacte une essence élevée et parfaitement pure. La débauche que je connais souille non seulement mon corps et mes pensées mais tout ce que j’imagine devant elle et surtout le ciel étoilé. p.137
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Ma vie n'a de sens qu'à condition que j'en manque ; que je sois fou : comprenne qui peut, comprenne qui meurt... ; ainsi l'être est là, ne sachant pourquoi, de froid demeuré tremblant... ; l'immensité, la nuit l'environnement et tout exprès, il est là pour... "ne pas savoir".

Madame Edwarda.
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Mais que Dieu soit une prostituée de maison close et une folle, ceci n'a pas de sens en raison. A la rigueur, je suis heureux qu'on ait à rire de ma tristesse : seul m'entend celui dont le cœur blessé d'une incurable blessure, tel que jamais nul n'en voulut guérir... ; et quel homme, blessé, accepterait de "mourir" d'une blessure autre que celle-là ?

Madame Edwarda
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Je sus alors - toute ivresse en moi dissipée - qu'Elle n'avait pas menti, qu'Elle était Dieu. Sa présence avait la simplicité inintelligible d'une pierre : en pleine ville, j'avais le sentiment d'être la nuit dans la montagne, au milieu de solitudes sans vie.

Madame Edwarda.
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C'est le sens, c'est l'énormité, de ce livre insensé : ce récit met en jeu dans la plénitude de ses attributs, Dieu lui-même ; et ce Dieu, néanmoins, est une fille publique, en tout pareille aux autres. Mais ce que le mysticisme n'a pu dire (au moment de le dire, il défaillait), l'érotisme le dit : Dieu n'est rien s'il n'est pas dépassement de Dieu dans tous les sens ; dans le sens de l'être vulgaire, dans celui de l'horreur et de l'impureté ; à la fin, dans le sens de rien...

Madame Edwarda.
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[ "Madame Edwarda" ]

MON ANGOISSE EST ENFIN L'ABSOLUE SOUVERAINE. MA SOUVERAINETÉ MORTE EST A LA RUE.
INSAISISSABLE — AUTOUR D'ELLE UN SILENCE DE TOMBE — TAPIE DANS L'ATTENTE D'UN TERRIBLE — ET POURTANT SA TRISTESSE SE RIT DE TOUT.
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— Tu veux voir mes guenilles ? disait-elle. Les deux mains agrippées à la table, je me tournai vers elle. Assise, elle maintenait haute une jambe écartée : pour mieux ouvrir la fente, elle achevait de tirer la peau des deux mains. Ainsi les « guenilles » d’Edwarda me regardaient, velues et rosés, pleines de vie comme une pieuvre répugnante.
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« Au coin d’une rue, l’angoisse, une angoisse sale et grisante, me décomposa (peut-être d’avoir vu deux filles furtives dans l’escalier d’un lavabo). A ces moments, l’envie de me vomir me vient. Il me faudrait me mettre nu, ou mettre nues les filles que je convoite : la tiédeur de chairs fades me soulagerait. Mais j’eus recours au plus pauvre moyen : je demandai, au comptoir, un pernod que j’avalai ; je poursuivis de zinc en zinc, jusqu’à... La nuit achevait de tomber.

Je commençai d’errer dans ces rues propices qui vont du carrefour Poissonnière à la rue Saint-Denis. La solitude et l’obscurité achevèrent mon ivresse. La nuit était nue dans des rues désertes et je voulus me dénuder comme elle : je retirai mon pantalon que je mis sur mon bras ; j’aurais voulu lier la fraîcheur de la nuit dans mes jambes, une étourdissante liberté me portait. Je me sentais grandi. Je tenais dans la main mon sexe droit.
(Mon entrée en matière est dure. J’aurais pu l’éviter et rester « vraisemblable ». J’avais intérêt aux détours. Mais il en est ainsi, le commencement est sans détour. Je continue... plus dur...)

Inquiet de quelque bruit, je remis ma culotte et me dirigeai vers les Glaces : j’y retrouvai la lumière. Au milieu d’un essaim de filles, Mme Edwarda, nue, tirait la langue. Elle était, à mon goût, ravissante. Je la choisis : elle s’assit près de moi. A peine ai-je pris le temps de répondre au garçon : je saisis Edwarda qui s’abandonna : nos deux bouches se mêlèrent en un baiser malade. La salle était bondée d’hommes et de femmes et tel fut le désert où le jeu se prolongea. Un instant sa main glissa, je me brisai soudainement comme une vitre, et je tremblai dans ma culotte ; je sentis Mme Edwarda, dont mes mains contenaient les fesses, elle-même en même temps déchirée : et dans ses yeux plus grands, renversés, la terreur, dans sa gorge un long étranglement.

Je me rappelai que j’avais désiré d’être infâme ou, plutôt, qu’il aurait fallu, à toute force, que cela fût. Je devinai des rires à travers le tumulte des voix, les lumières, la fumée. Mais rien ne comptait plus. Je serrai Edwarda dans mes bras, elle me sourit : aussitôt, transi, je ressentis en moi un nouveau choc, une sorte de silence tomba sur moi de haut et me glaça. J’étais élevé dans un vol d’anges qui n’avaient ni corps ni têtes, faits de glissements d’ailes, mais c’était si simple : je devins malheureux et me sentis abandonné comme on l’est en présence de DIEU. C’était pire et plus fou que l’ivresse. Et d’abord je sentis une tristesse à l’idée que cette grandeur, qui tombait sur moi, me dérobait les plaisirs que je comptais goûter avec Edwarda.

Je me trouvai absurde : Edwarda et moi n’avions pas échangé deux mots. J’éprouvai un instant de grand malaise. Je n’aurais rien pu dire de mon état : dans le tumulte et les lumières, la nuit tombait sur moi ! Je voulus bousculer la table, renverser tout : la table était scellée, fixée au sol. Un homme ne peut rien supporter de plus comique. Tout avait disparu, la salle et Mme Edwarda. La nuit seule...

De mon hébétude, une voix, trop humaine, me tira. La voix de Mme Edwarda, comme son corps gracile, était obscène :
— Tu veux voir mes guenilles ? disait-elle.
Les deux mains agrippées à la table, je me tournai vers elle. Assise, elle maintenait haute une jambe écartée : pour mieux ouvrir la fente, elle achevait de tirer la peau des deux mains. Ainsi les « guenilles » d’Edwarda me regardaient, velues et roses, pleines de vie comme une pieuvre répugnante. Je balbutiai doucement :
— Pourquoi fais-tu cela ?
— Tu vois, dit-elle, je suis DIEU...
— Je suis fou...
— Mais non, tu dois regarder : regarde !
Sa voix rauque s’adoucit, elle se fit presque enfantine pour me dire avec lassitude, avec le sourire infini de l’abandon : « Comme j’ai joui ! »

Mais elle maintenait sa position provocante. Elle ordonna :
— Embrasse !
— Mais..., protestai-je, devant les autres ?
— Bien sûr !
Je tremblais : je la regardais, immobile, elle me souriait si doucement que je tremblais. Enfin, je m’agenouillai, je titubai, et je posai mes lèvres sur la plaie vive. Sa cuisse nue caressa mon oreille : il me sembla entendre un bruit de houle, on entend le même bruit en appliquant l’oreille à de grandes coquilles. Dans l’absurdité du bordel et dans la confusion qui m’entourait (il me semblait avoir étouffé, j’étais rouge, je suais), je restai suspendu étrangement, comme si Edwarda et moi nous étions perdus dans une nuit de vent devant la mer. »
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Un homme diffère d'un animal en ce que certaines sensations le blessent et le liquident au plus intime.
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