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Critique de michfred


Freaks de tous les pays, unissez-vous!

Créez , contre toute tentative de normalisation, une utopie de l'anormalité, une arcadie du monstrueux, un phalanstère des rebuts, des rebelles et  autres reubeus, une zone blanche impolluée et inviolée, hors radar, hors sol, hors réseaux, une zone de libre échange sexuel où s'expriment,  royalement libertaires,  phéromones et cyprines,  une  jungle édenique où bêtes et gens,  loin des peurs et des haines, proclameront la grande égalité du vivant.

Proclamez la liberté du jouir  et jouissez- en!

Non, je n'ai pas fumé la moquette!

 Liberty House, l'Arcadie varoise d'Arcady, c'est à peu près cela.

La jeune Farah nous en décrit les charmes- ambigus- les hôtes- étranges- ,  les us et coutumes- si particuliers.

Non sans humour - et même avec un humour ravageur!- , car son amour inconditionnel pour le gourou fondateur des lieux,  Arcady en personne,  n'empêche pas cette jeune et sagace narratrice de conserver lucidité et quant à soi à l'egard de son éden libertaire.  Même si elle y vit depuis sa tendre enfance.

D'autant que l'enfance, justement, est en train de la quitter et que la puberté la tourmente de bien étrange façon : plus elle sent naitre en elle un impérieux désir de femme pour son gourou chéri, plus son corps la trahit , optant quant à lui pour une virilité disgracieuse, décevante,  plutôt velue même.

Les meilleures utopies ont une fin, c'est-à-dire,  si l'on joue sur la sémantique, qu'elles ont une limite,  un achèvement et une finalité.

Une limite qui est celle, toute triviale, de la frontière. le meilleur des mondes , même lui, ne peut accueillir toute la misère du monde. Et quand Farah prend la mesure de cette frilosité-là, c'est toute sa mythologie personnelle qui s'effondre. Déception. Désacralisation. Candide quitte Thunder-ten-Tronck...Liberty House ne serait donc qu'une secte parmi tant d'autres?

Un achèvement. "Et in Arcadia ego" dit la Camarde, et cette grande Faucheuse , on le sait, a toujours le dernier mot.

Une finalité aussi, et bien forte. Car l'éducation libertaire laisse des traces, réveille des faims, lève des attentes. Et tout paradis perdu porte en soi le désir d'être retrouvé,  voire recréé,  remodelé. 

Un peu comme ce corps sauvage qui veut assigner à Farah un rôle qu'elle refuse.

Farah n'a pas connu l'utopie seulement pour la renier ou la perdre: elle lui a appris à écouter ses désirs,  sa soif de justice et d'amour. Elle lui à appris à vouloir. 

Et tous les diktats du monde, fussent-ils ceux de son propre corps, ne sauraient infléchir cette loi-là, une loi non-écrite,  impérieuse comme celle d'Antigone.

Une lecture fascinante, rondement menée, fichtrement bien écrite, crue, drôle et décapante, qui secoue bien des cocotiers, abat bien des marronniers,  mais vous laisse des graines et des pousses plein la tête.

De quoi faire pousser un jardin sauvage et beau, prêt pour une nouvelle utopie.

Une  jungle édenique où bêtes et gens,  loin des peurs et des haines, proclameront la grande égalité du vivant...


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