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sur 860 notes
Liberty House ?

C'est à peine âgée de six ans que la jeune Farah fait son entrée dans ce lieu hautement symbolique nommé « Maison de la Liberté ». Elle est accompagnée de ses parents en fuite d'un monde qui les agressse : sa mère, « emmaillotée de tissus blindés » par peur des ondes, menacée « d'une extinction à petit feu dans les souffrances atroces de l'électrohypersensibilité », son père angoissé pour sa femme et sa grand-mère, naturiste patentée dont le sexe est orné d'un piercing bien placé.

C'est toute cette petite famille qui rejoint en pleine nuit ce « refuge pour freaks », la tête pleine d'espérances et de désirs inassouvis. Comme la sécurité, vivre dans une « zone blanche » vierge de toute substance toxique, vivre en autarcie en cultivant et se nourrissant des légumes du jardin, mais surtout vivre loin de leur peur du monde extérieur.
Ils sont une trentaine à cohabiter dans cette communauté hétéroclite. Tous réfugiés d'une société qui les refusent.

L'illusion peut alors commencer. Arcady en est le maître d'oeuvre. C'est lui qui tient les rênes de la liberté, donnant ou refusant son assentiment. Un des premiers commandements est « vivre et jouir sans entraves », ce à quoi s'emploient la plupart des membres de la communauté. Ici, point d'amour exclusif et réservé, l'amour doit être commun et débridé.

C'est assez vite, à l'âge de ses premiers émois de jeune fille, que Farah tombera totalement amoureuse d'Arcady, le gourou de son âme. Commencera alors pour elle une quête de l'amour qui ne la quittera pas.

Mais la recherche de l'amour est du bonheur sera semée d'embûches pour Farah. C'est son corps qui parle en premier : elle se transforme comme tous les adolescents, mais pas elle le voudrait. Son corps prend en effet les atours de plus en plus visibles de la virilité. Virilisme, c'est le nom donné à cette métamorphose. On la surnomme Farah Fawcett, mais elle a le physique de Silvester Stallone.

Elle complète la galerie des « monstres » mais en pire, car même si un des premiers principes est de « s'accepter tel que l'on est, avec ses tares éventuelles », celle de Farah est trop choquante pour être supportée.

Seule et abandonnée, sont les sentiments qui l'envahiront peu à peu. Ses parents l'ont confiée à la communauté et ne s'en soucient guère. Chacun vaque à ses occupations et selon son propre ego. Tous ensemble, chacun pour soi, semble être la règle de vie des habitants de « Liberty House »

Arcady l'oublie, après avoir su profiter de son corps, il préfère s'adonner à d'autres plaisirs dans les bras de jeunes hommes. Elle qui voulait « s'oublier dans cette servitude ». « Biberonnée à l'amour fou » dès le plus jeune âge, elle s'aperçoit vite que c'est un amour faux. « La langue ardente du désir » prend parfois des tournures qui chasse la vérité pour se réfugier dans le mensonge. Elle préfère se cacher et se retrouver dans la nuit : « cette volonté de gagner du temps sur la vie », et la quête éperdue pour l'amour passionné. C'est la nature qui lui fera prendre conscience petit à petit de la réalité.

Drolatique, enlevé, le ton d'Emmanuelle Bayamack-Tam l‘est, et cette dénonciation sans vergogne du phénomène sectaire est sans appel. Utilisant le mode de la dérision ou de la parodie, parfois irrésistible, comme à propos du naturisme, dont « l'un des bienfaits est de dissiper toute illusion sur les ravages du temps », peut aussi en choquer certains. Son récit est cependant parfaitement maîtrisé et limpide aux yeux de tous, car au fond la seule chose que cherche tous ces laissés-pour-compte, c'est l'Amour !

Lu en novembre 2018.

Ma chronique complète à retrouver sur mon blog le conseil des libraires/Fnac :


Lien : https://www.fnac.com/Arcadie..
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Le roman débute avec l'arrivée, au domaine de Liberty House, de la narratrice Farah, avec ses parents, dans la voiture conduite par sa grand-mère Kirsten. le domaine, situé en zone blanche, aujourd'hui refuge pour freaks, était autrefois un pensionnat pour jeunes filles. Cette communauté libertaire et bucolique compte environ une trentaine de pensionnaires avec des obèses, des dépigmentés, des ¬bipolaires, des électro¬sensibles, des grands dépressifs, des cancéreux, des poly¬toxicomanes et des déments séniles. Les téléphones portables et autres technologies de communication y sont bannis.
La vie champêtre, le végétarisme, le naturisme et l'amour libre permettent à ces exclus de s'épanouir. Ils ont fait leur, la devise virgilienne "Omnia vincit amor" : L'amour triomphe de tout. Arcady est le mentor charismatique de cette communauté. Farah, se trouvant laide s'assimile à tous ces êtres fragiles. de plus, à l'âge de la puberté des problèmes sur son identité sexuelle vont se présenter à elle, Elle qui se pensait fille est en train de vivre une virilisation galopante et le syndrome de Rokitanski sera médicalement reconnu.
Qu'à cela ne tienne, Arcadie n'est pas seulement le roman d'une fillette qui devient un homme, c'est aussi celui d'une adolescente en quête d'elle-même, curieuse du monde extérieur. L'intrusion d'un jeune migrant sans papiers venu d'Érythrée va créer un bouleversement et la réaction du gourou et de ses pensionnaires sera pour le moins inattendue dans ce havre de paix ouvert à tous où la nature luxuriante est omniprésente et enchanteresse, véritable éden.
Emmanuelle Bayamack-Tam réussit à décrire la beauté luxuriante des lieux avec réalisme et beaucoup de poésie. Elle nous livre là, un roman audacieux, cru, trivial, une véritable utopie libertaire où, malheureusement va s'inviter la violence extérieure.
Arcadie est une ode à la beauté du monde et des hommes où se côtoient de superbes envolées lyriques et un parler cru tout aussi poétique, un roman très contemporain et en même temps intemporel. C'est aussi un roman politique, il aborde tous les enjeux contemporains, qu'ils soient éducatifs, technologiques, sexuels, écologiques, migratoires.
Arcadie d'Emmanuelle Bayamack-Tam a remporté le Prix Livre Inter 2019, un prix bien mérité pour un roman qui sort franchement des sentiers battus !

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Freaks de tous les pays, unissez-vous!

Créez , contre toute tentative de normalisation, une utopie de l'anormalité, une arcadie du monstrueux, un phalanstère des rebuts, des rebelles et  autres reubeus, une zone blanche impolluée et inviolée, hors radar, hors sol, hors réseaux, une zone de libre échange sexuel où s'expriment,  royalement libertaires,  phéromones et cyprines,  une  jungle édenique où bêtes et gens,  loin des peurs et des haines, proclameront la grande égalité du vivant.

Proclamez la liberté du jouir  et jouissez- en!

Non, je n'ai pas fumé la moquette!

 Liberty House, l'Arcadie varoise d'Arcady, c'est à peu près cela.

La jeune Farah nous en décrit les charmes- ambigus- les hôtes- étranges- ,  les us et coutumes- si particuliers.

Non sans humour - et même avec un humour ravageur!- , car son amour inconditionnel pour le gourou fondateur des lieux,  Arcady en personne,  n'empêche pas cette jeune et sagace narratrice de conserver lucidité et quant à soi à l'egard de son éden libertaire.  Même si elle y vit depuis sa tendre enfance.

D'autant que l'enfance, justement, est en train de la quitter et que la puberté la tourmente de bien étrange façon : plus elle sent naitre en elle un impérieux désir de femme pour son gourou chéri, plus son corps la trahit , optant quant à lui pour une virilité disgracieuse, décevante,  plutôt velue même.

Les meilleures utopies ont une fin, c'est-à-dire,  si l'on joue sur la sémantique, qu'elles ont une limite,  un achèvement et une finalité.

Une limite qui est celle, toute triviale, de la frontière. le meilleur des mondes , même lui, ne peut accueillir toute la misère du monde. Et quand Farah prend la mesure de cette frilosité-là, c'est toute sa mythologie personnelle qui s'effondre. Déception. Désacralisation. Candide quitte Thunder-ten-Tronck...Liberty House ne serait donc qu'une secte parmi tant d'autres?

Un achèvement. "Et in Arcadia ego" dit la Camarde, et cette grande Faucheuse , on le sait, a toujours le dernier mot.

Une finalité aussi, et bien forte. Car l'éducation libertaire laisse des traces, réveille des faims, lève des attentes. Et tout paradis perdu porte en soi le désir d'être retrouvé,  voire recréé,  remodelé. 

Un peu comme ce corps sauvage qui veut assigner à Farah un rôle qu'elle refuse.

Farah n'a pas connu l'utopie seulement pour la renier ou la perdre: elle lui a appris à écouter ses désirs,  sa soif de justice et d'amour. Elle lui à appris à vouloir. 

Et tous les diktats du monde, fussent-ils ceux de son propre corps, ne sauraient infléchir cette loi-là, une loi non-écrite,  impérieuse comme celle d'Antigone.

Une lecture fascinante, rondement menée, fichtrement bien écrite, crue, drôle et décapante, qui secoue bien des cocotiers, abat bien des marronniers,  mais vous laisse des graines et des pousses plein la tête.

De quoi faire pousser un jardin sauvage et beau, prêt pour une nouvelle utopie.

Une  jungle édenique où bêtes et gens,  loin des peurs et des haines, proclameront la grande égalité du vivant...


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Dans Arcadie, la narratrice s'appelle Farah. Elle et ses parents ont poussé les grilles d'une vieille demeure dans le sud de la France, près de la frontière italienne, - Liberty House, alors qu'elle n'avait que six ans. C'est là qu'elle a grandi, entouré des siens, ses parents et sa grand-mère tout d'abord, mais aussi des autres, les membres d'une communauté libertaire pour ne pas dire d'une confrérie. Surtout, ne dites pas secte, car ce serait totalement inexact et cela choquerait ses résidents, à commencer la narratrice...
Il serait réducteur de n'y voir qu'un roman libertaire ou libertin, car dès les premières pages et durant plusieurs chapitres, cela lutine sérieusement dans les coins...
Liberty House est un refuge, un nid, un coin de verdure, un lieu coupé du reste du monde, une zone blanche qui rassemble des gens fragiles, inadaptés au monde extérieur.
Les gens qui vivent ici sont coupés du reste du monde, vivent dans un havre de paix et d'harmonie, vivent nus, font l'amour entre eux sans entrave. Farah, quant à elle, grandit au milieu des arbres, des fleurs et des bêtes alentour, notamment les vaches, - peut-être mon animal préféré après les chats, vous avez déjà vu de près les cils d'une vache ? – les oiseaux, les insectes, les papillons...
Un homme dirige avec charisme le lieu, il s'appelle Arcady. Farah grandit dans l'amour qu'elle porte secrètement pour lui... Ce n'est pas un gourou, on pourrait le croire... C'est autre chose...
Arcady aime autant les hommes que les femmes...
Farah grandit et son corps se transforme. Farah ressemble à une sorte de rencontre entre Farrah Fawcett et Sylvester Stallone. Elle dispose de la force de l'un et de la fragilité de l'autre... Presque une drôle de dame en devenir. Tiens ! Quand j'évoque Sylvester Stallone, je pense souvent à sa maman. Mais oui, car la mère de celle-ci, -donc la grand-mère de Sylvester Stallone, vécut à Brest durant quelques années... Je me souvins qu'en 2009, la maman de Sylvester Stallone, -dont le métier était de lire l'avenir dans les fesses de ses clients, fit un séjour à Brest, rencontra le maire de la ville, toujours encore maire d'ailleurs aujourd'hui, qui spontanément descendit de son bureau à l'accueil lorsque l'hôtesse lui indiqua au téléphone ce message qu'il n'oubliera jamais : « Monsieur le Maire, j'ai ici devant moi une dame qui prétend êyre la mère de Sylvester Stallone et qui souhaiterait s'entretenir avec vous. »
On pourrait sourire, rire de cette communauté en totale contradiction avec les valeurs qu'elle semble prôner...
Et puis, et puis, un événement vient et puis d'autres... À commencer par le surgissement dans le paysage de ce tout jeune migrant érythréen, beau comme Adonis... ayant cheminé dans les Alpes en tongs... Les belles valeurs de cette jolie communauté humaine sauraient-elles accueillir la misère du monde qui vient frapper aux portes de Liberty House ?
Je découvre ici Emmanuelle Bayamack-Tam et son écriture inventive qui m'a enthousiasmé dès le début de ma lecture. Je découvre son ton magnifiquement insolent, irrespectueux contre l'ordre stupide des choses, politiquement incorrect.
Émouvant aussi, car ce roman épris de transgression et de résistance est une très belle histoire d'amour chargée d'humanité.
« C'est bien joli de se faire lutiner, mais je n'aurai pas toujours la chance de tomber sur des amoureux omnivores et pas regardants : si je veux une suite à ce bel été, je dois déterminer si je suis une fille ou un garçon au lieu de rester dans l'indétermination à laquelle mon corps incline irrésistiblement. »
J'ai découvert ici le trouble des émois et des émotions qui façonnent Farah... J'ai découvert son côté vorace, féroce, vers l'amour.
Je me suis heurté à l'opinion publique et sa stupidité. Mais j'ai tant aimé l'irrévérence si élégante et si gracieuse de ce texte.
J'ai tant aimé les personnages si généreux et attachants, à commencer par la narratrice, rebelle, qui ne cède rien, sauf à l'amour.
J'ai tant aimé cheminer dans ce roman et découvrir que son message sublime est celui de la tolérance.
J'ai tant aimé cette ambiguïté sexuelle sur laquelle joue et surfe la narratrice, Farah, surjoue parfois, mais c'est tellement drôle et empli aussi d'émotions, qu'on le lui pardonne...
J'ai brûlé mes doigts dans l'incandescence des pages. J'ai brulé mes yeux dans la lumière des mots et lorsque les larmes me sont venues... J'ai trouvé l'écho du message, du seul message délivré dans ce roman et je l'ai accueilli dans mon coeur fébrile...
Ce seul message d'amour consolatoire et réconfortant qui peut unir les êtres si différents, les uns des autres...
Je referme les pages de ce livre si beau, je referme les grilles de Liberty House. Derrière moi, j'entends encore les voix sublimes et fragiles de ceux qui se sont aimés avec tant d'amour, sans entrave, malgré le cri des hyènes, j'entends des coeurs qui battent comme des battements d'ailes.

Un grand merci à Anna-Choute (@AnnaCan) qui m'a invité à lire ce livre dans le cadre de notre collier de perles littéraires.
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Vagabondages d'une jeune fille dans une secte libertaire
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C'est un roman très singulier que j'ai eu entre mes mains. Je dirais même plus, une lecture intrigante mais qui m'a mise mal à l'aise.
Des thèmes intéressants sont abordés : l'environnement avec ses dérives, l'intersexuation, les migrants, les nouvelles technologies et leur nocivité ainsi que le véganisme.
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Mais qui est Arcadie? C'est le petit nom du gourou (enfin le leader) d'une communauté utopique située le long de la Cote d'Azur. De l'extérieur, ça m'a tout l'air d'une secte bien que la jeune narratrice le nie. Endoctrinement pensez-vous? Farah, adolescente au physique ingrat veut perdre sa virginité avec Arcadie, quinquagénaire très dynamique. Autour de ce duo vivent les autres membres très baroques (dont la moyenne d'âge se rapproche des 80 ans).
Dans cet eden sauvage et libre, cette jeune demoiselle est toujours en quête de sexualité joyeuse. Elle voudrait venir en aide à un Erythréen, perdu dans le jardin mais la communauté désapprouve fortement. Déçue par "sa famille", elle cherche ailleurs cette liberté d'expression.
*
Malgré la plume joyeuse et moderne, cette histoire m'a ennuyée. J'ai eu l'impression que l'auteure s'est éparpillée dans des sujets pourtant dans l'air du temps. J'avoue que j'ai sauté plusieurs paragraphes (beaucoup de redites). Je m'attendais surtout , d'après le pitch, à une histoire sur la communauté . Mais c'est plutôt une quête initiatique (et d'identité) d'une adolescente précoce.
*
Néanmoins, le portrait de l’héroïne est touchant de sensibilité et de grâce. C'est ce qui a sauvé ma lecture :)
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Vous avez aimé "Zazie dans le métro"? Vous adorerez Farah in Arcadia. Même gouaille, mêmes ambiguïtés sexuelles et textuelles, même joie à jouer sur et de la langue, même amour de la liberté, même trouble identitaire, même manque de fiabilité des adultes, même insolente modernité...
J'ai gloussé de rire une bonne partie du roman, tout en me doutant que ça n'allait pas durer: on le sait, "ego in arcadia" dit la mort, il n'est de monde rêvé qui ne déçoive.
Farah vit donc en utopie, au milieu d'une nature préservée, jouissant de la bienveillance généralisée des adultes, comblée de livres et de sexe... Généralement, les romans d'éducation nous invitent à une austère émancipation: Candide doit quitter le beau château de Thunder-Ten-Tronck et découvre l'horreur du monde, il ne se consolera que très médiocrement à cultiver son jardin. Pour Farah, si le monde idéal de l'enfance se fissure - et pas qu'un peu -, si elle devient adulte en découvrant les vertus du compromis (mieux vaut des idéalistes petits-bourgeois que pas d'idéalisme du tout), c'est pour s'affranchir de toute limite: nous avons pouvoir sur tout, rien ne nous détermine et surtout pas notre corps, et ce fichu monde idéal, il est hors de question de nous dire qu'il n'existe pas, parce qu'on va le construire, et fissa!
Et comme la liberté demande à se défaire de tout genre assigné, ce liv/bre n'est pas tout à fait un roman et navigue entre conte philosophique et centon, actualité brûlante et sagesse antique, oralité débridée et écriture ciselée.
"Mon héritage est là aussi, dans la certitude que l'infraction doit primer sur la norme, dans la conviction qu'il ne peut y avoir de vie qu'irrégulière et de beauté que monstrueuse. Je suis née pour abolir l'ancien testament, qui a toujours légué le monde à ceux qui avaient déjà tout, reconduisant éternellement les mêmes dynasties dans leurs privilèges exorbitants. La guerre des trônes n'a pas eu lieu, elle n'a été qu'un simulacre, un jeu de chaises musicales, un échange de bons procédés entre nantis, qui excluait toujours les forçats de la faim, les captifs, les vaincus – et bien d'autres encore."
Encore.
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Il y a quatre ans, nous sommes partis en vacances avec une de mes grandes copines : Paula. À cette époque - parce que les choses ont un peu changé - Paula n'avait ni téléphone portable, ni ordinateur, ni voiture, ni montre à quartz. Elle refusait de mettre un pied dans un Mac Do, mangeait bio, luttait contre le nucléaire. Un de mes fils se souvient encore du jour où, tandis que nous attendions le train, il lui demanda de bien vouloir tenir quelques minutes son téléphone portable, le temps qu'il déballe un sandwich.
Elle refusa.
Tout net.
Il était hors de question que Paula tienne en main un appareil risquant de propager des ondes nocives.
Eh bien, je me dis maintenant, après avoir lu Arcadie, que Paula aurait presque pu rejoindre Liberty House, une sympathique petite communauté d'êtres sensibles allergiques aux ondes électromagnétiques, aux phtalates, au glyphosate, aux pesticides, aux sels d'aluminium, aux perturbateurs endocriniens, aux réseaux sociaux etc, etc… Une petite bande d'énergumènes antispécistes, amoureux de la nature, du grand air, prenant le temps de vivre, de raconter leurs rêves au petit déjeuner et de s'adonner aux plaisirs de l'amour libre.
Elle aurait rencontré toute une bande d'éclopés de la vie, d'adorables inadaptés au monde moderne, de semi-fous ou de semi-sages terrorisés par une époque dont certains aspects sont, avouons-le, pour le moins effrayants …
Une secte ?
Oui et non...
Bichette (allergique à tout) et Marqui (amoureux de Bichette), parents de la narratrice, ont littéralement fui leur maison pour se réfugier dans une bâtisse ancienne au coeur de la pinède, espèce de zone blanche, de société « idéale » et utopique coupée du monde et de ses fléaux.
Reçus à bras ouverts par une espèce de bon gourou généreux et consolateur, promettant paix, repos et bonheur sans WIFI, ils ne sont jamais repartis, heureux de cette vie protégée où l'on évolue nu, sans tabous et où l'on couche avec qui l'on veut du moment qu'il y a un minimum de réciprocité dans le désir !
Leur fille, Farah, la narratrice, a grandi à Liberty House, parmi les arbres et les écureuils, sans téléphone portable, ordinateur ou télévision. La pauvre ! Contrairement à beaucoup d'ados, il ne lui restait comme occupations que la lecture, l'observation de la nature et des hommes (les habitants de Liberty House!), la discussion et la réflexion. Évidemment, elle a échappé aux diktats de la mode : son corps a poussé sans qu'elle cherche à ressembler aux starlettes du web ni à qui que ce soit d'ailleurs.
À quinze ans, lucide, perspicace et d'une grande intelligence, elle analyse avec beaucoup d'humour, de dérision et de distance la situation hors du commun que ses parents lui ont imposée. Les portraits qu'elle fait des habitants de Liberty House sont hilarants : Arcady, le gourou, avec son blouson Sonia Rykiel en velours matelassé orange, Fiorentina, la cuisinière et « ses beignets de fleurs de courgettes, polenta aux cèpes, tourtes aux blettes et à la tomate sorrentine, flans de pleurotes, tagliatelles aux truffes, ravioles au pesto de roquette... », Kirsten, la grand-mère LGBT ; Dadah, son fauteuil roulant à sept mille euros et son maquillage outrancier ; Epifanio et son « baile sorpresa », sans oublier Victor, un brin obèse sous ses chemises à manches bouffantes et les autres, tous les autres : Nelly, Djilali, Malika, Daniel et Edo, le cochon truffier. Quelle équipe que tous ces extravagants à la fois ridicules et follement attachants !
Mais inévitablement, Farah finit par connaître les joies du collège et les chants tentateurs des sirènes du monde moderne. Elle s'interroge sur son corps (qui ne ressemble pas trop à celui de ses petites camarades) et sur son identité (qui suis-je… fille OU garçon? L'un ET l'autre ? Doit-on forcément choisir ? Difficile question du genre ...)
L'intrusion d'un migrant dans cet éden va avoir des conséquences inattendues sur Farah, l'amenant à remettre sérieusement en cause la philosophie profonde de son gourou adoré.
Bon, je le dis, depuis que j'ai achevé la lecture de ce livre, je le crie haut et fort sur tous les réseaux sociaux, pour moi, c'est le meilleur : il est d'une drôlerie irrésistible - j'ai ri, tellement ri -, il est cinglant et tendre, sarcastique et bienveillant, tendrement ironique, pénétré de l'air du temps, humain, tellement humain et, pour couronner le tout, si bien écrit qu'on se délecte de chaque ligne… Et puis, quelle sensualité, quelle poésie dans l'évocation de cette nature éblouissante, des corps qui s'y épanouissent dans une espèce d'osmose parfaite !
Quant à la fin, magnifique hymne à la liberté et à l'amour, elle est d'une telle beauté qu'elle vous tord le ventre et vous brouille les yeux.
Un grand texte !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Quelle déception ! J'ai eu l'impression de lire un pastiche à la sauce trash et ultra contemporaine de l'Arcadia de Lauren Groff.
Dans les deux romans il est question d'une communauté autarcique, respectueuse de la nature, adepte de l'amour libre, sur laquelle règne un gourou tout puissant et où les enfants sont livrés à eux même etc. Mais autant l'un est beau et poétique, autant l'autre est glauque, à la limite du vulgaire. La communauté d'Emmanuelle Bayamack-Tam ressemble plutôt à une vraie cour des miracles et en fait d'amour, c'est plutôt la lubricité qui fait sa loi. L'auteure a du bien s'amuser à écrire ce roman et j'avoue que son culot m'a fait sourire pendant les 200 premières pages mais malgré la vivacité de sa plume, je me suis lassée de toutes ces obsessions libidineuses. J'ai beau ne pas être prude, j'ai quand même fini par être écoeurée par autant de laideur et c'est sans plaisir que je me suis contrainte à terminer ma lecture.
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Il y a un peu de IQ84 de Murakami pour l'initiation sexuelle, par le ‘gourou', d'une jeune adepte d'une communauté libertaire. C'est à Liberty House que vit, entre autre, Farah, ses parents, sa grand-mère qui se balade à poil, un piercing sur le clitoris. Dans cette zone blanche, sont bannis les moyens technologiques modernes comme le portable, les PC, etc. Ils se disent ouverts d'esprit, mais de là à héberger un émigrant… Comme ses règles tardent à venir, Farah consulte une gynéco qui lui apprend qu'elle n'a pas d'utérus. Son physique particulier va, peu à peu, se métamorphoser, mais pas comme la norme. Plusieurs éléments ressortent de ce roman. Acceptation des différences - tout le monde couche avec tout le monde sans distinction d'âge et de sexe - et ce qui culmine, et que j'ai aimé, ce sont les petits clins d'oeil aux romans, films, chansons qui permettent à notre cerveau de se remémorer de bons souvenirs. Un style fluide, les pages tournent vite. Un ressenti plutôt mitigé. le recul me dira quoi en penser.
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Depuis l'âge de six ans, Farah vit dans une communauté genre secte avec ses parents. Elle en a maintenant seize.
A part les portables et internet qui sont proscrits, la vie est libre, l'amour est libre.
Elle ne sait pas si elle est fille ou garçon.
Arcadie, c'est le surnom du gourou.
A part de la page 200 (sur 435), j'ai terminé en sautant de plus en plus de pages.
Franchement, je ne vous pas l'intérêt de cette histoire.
Certains passages sont amusants, d'autres très crus, mais dans l'ensemble, c'est long et je me suis fort ennuyée
J'ai du mal à comprendre que ce livre ait obtenu le prix du livre Inter.
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