Quelque part en Sierra Leone, la vieille Mama Kadie marche depuis des jours : elle revient dans son village natal d'Imperi, des années après la guerre civile.
Pour sauver sa peau, elle avait fui son village dès le début des émeutes, délaissant les cadavres des siens.
Imperi avait été attaqué sans prévenir. Personne n'ignorait que la guerre civile sévissait à des dizaines de kilomètres de là. Mais tous les anciens pensaient être épargnés.
Le jour de l'opération "Plus rien de vivant" les avait tous surpris dans leurs activités...ni les enfants au bord de la rivière, ni les femmes occupées par leurs tâches ménagères, ni les hommes en train de prier dans la mosquée...rien n'avait pu arrêter le massacre.
Sept après, Mama Kadie arrive dans son village natal dévasté où ne subsistent que des ruines et des ossements. Elle y retrouve deux anciens.
Tout d'abord Pa Moiwa, son ami de toujours. Tous deux, pendant des semaines, vont rassembler les ossements pour donner un semblant de sépulture à ceux qu'ils avaient connu, sans pour autant pouvoir les identifier.
Ils dégagent les gravats qui jonchent le sol et déblaient peu à peu le village, pour lui donner un autre visage, espérant voir les jeunes revenir pour reconstruire.
Il faut bien avancer pour faire son deuil, car personne ne peut passer son temps à ruminer le passé...
Le retour au village de Pa Kainesi marque aussi le retour des jeunes qui arrivent par groupe.
Ils sont devenus des adultes ayant eux même des enfants.
Des réfugiés qui n'ont jamais vécu là, arrivent aussi au village et demandent à s'installer dans une des maisons vides. Ils fuient les atrocités de la guerre et ne veulent plus retourner chez eux. C'est le cas de Sila et de ses enfants qui ont été atrocement mutilés.
Des adolescents arrivent aussi au village par groupe. Un groupe en particulier intrigue les anciens, les ados semblent protégés par un d'entr'eux qui se fait appeler "le Colonel". Parmi eux un ancien enfant-soldat meurtri par les atrocités qu'on l'a obligé à infliger aux autres. On les installe ensemble dans une des maisons inhabitées.
D'autres, comme le fils de Kainesi, reviennent chez eux. Bockarie, heureux de retrouver son père en vie, installe sa famille et cherche aussitôt du travail.
Il va être embauché comme enseignant dans le lycée le plus proche où il se liera d'amitié avec un autre enseignant, Benjamin qui vient de s'installer lui aussi au village avec sa femme et ses deux enfants et qui ne connaît personne. Un jour tous les deux découvrent que le proviseur du lycée est corrompu. Il déclare des dizaines d'enseignants qui n'ont jamais travaillé sur les lieux et récupère leurs salaires...Il peut ainsi se pavaner sur sa belle moto toute neuve ! S'ils parlent, ils seront immédiatement renvoyés.
Comment nourriront-ils alors leur famille ?
Ils sont révoltés mais décident de se taire afin de préserver leur famille mais aussi les enfants non scolarisés qu'ils accueillent aux cours du soir au village et les plus faibles qui ont besoin d'un soutien scolaire. Qu'adviendra-t-il de tous ces enfants si leurs professeurs viennent à être renvoyés ?
D'autant plus que le ministère renforce les inégalités en obligeant les familles à acheter un uniforme et des chaussures en plus des frais de scolarité.
Le temps passe, la vie reprend ses droits et les trois anciens font renaître les esprits des ancêtres. Ils rassemblent, comme avant à la veillée, tous les habitants du village, pour conter des histoires auprès du feu...histoires qu'ils transmettront, l'espèrent-ils à leurs propres enfants. Des histoires pour grandir, pour avoir moins peur (ou pas), pour connaître et comprendre la vie et transmettre les traditions...
Un jour l'équilibre fragile du village vole en éclat : des blancs décident d'exploiter la mine proche. Sous couvert de reprendre un gisement de rutile, c'est les diamants qu'ils recherchent...
Un bar s'ouvre ; de nombreux jeunes et adultes se font embaucher à la mine, blessés ou tués...laissant leur famille dans la misère ; des jeunes filles se font violer ; la rivière, seule source d'eau potable, est polluée par négligence, mettant en danger la population.
L'esprit des anciens les a lâché...
Comment un pays peut-il se reconstruire après la guerre et les massacres ?
Peut-on revivre tous ensemble dans le même village comme si rien ne s'était passé ?
Ce sont les questions que posent
Ishmael Beah dans ce roman sensible et réaliste...
Il nous offre un regard lucide sur les méfaits de la période post-guerre quand un pays ne peut plus rien attendre de la communauté internationale et qu'il cherche à s'en sortir seul : la corruption, la pauvreté, l'exploitation du peuple, l'enrichissement des profiteurs (ici les blancs) au détriment de la reconstruction du pays.
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