J’ai voulu, de toutes mes forces, avoir peur. Mais je n’avais pas peur. Au contraire, j’étais heureuse. J’avais chaud, j’entendais la musique de la forêt. La louve m’a doucement léché le front.
Alors que je me dirigeais vers l’école en patinant un peu dans la neige, j’ai aperçu, de l’autre côté de la rivière, une louve grise qui regardait le village.
Ce devait être la faim qui l’avait poussée à s’approcher si près de chez nous. D’habitude, les loups ont peur des humains.
Et, tout l'après midi, je me suis entraînée.
A marcher, à courir, à sauter comme une louve. A grogner, à geindre, à mordre.
Villageois,
L'hiver est rude. Comme d'habitude, vous avez pêché tous les poissons et chassé tous les lapin, les sangliers et les biches, laissant ma meute mourir de faim.
Mais, cette année, vous êtes allés trop loin. Vous avez capturé ma fille unique. J'exige que vous me la rendiez.
Je me suis arrêtée un instant pour observer la louve et il m'a semblé voir, juste une seconde, ses grands yeux jaunes se plisser et son ombre sur la neige enfler, comme si, en me voyant, ses pois s'étaient hérissés sur son dos.
Mais c'était sans doute une illusion.
Le soir, quand Louis et Momo m'ont retrouvée sur la place où la colombe n'était plus qu'une épingle de glace, ils ont ouvert des yeux ronds :
- C'est toi, Romane ?
-La louve ? s'est exclamé Momo. C'est qui, ça, la louve ?
Aglaé, la plus vieille dame du village, a répondu d'une voix chevrotante :
-C'est une sorcière-louve qui vit dans la forêt, de l'autre côté de la rivière. Elle a plus de trois cents ans. Elle veille sur le village depuis toujours. Mais elle peut aussi le détruire.