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Critique de gerardmuller


Les belles images : Simone de Beauvoir
Ce très bon roman commence par une réception un peu guindée chez Dominique Langlois, histoire de nous mettre dans l'ambiance et comprendre dans quel monde on va évoluer par la suite. Un nombre impressionnant de personnages passent et repassent et l'on se sent un peu perdu, mais pas d'inquiétude à avoir, on va s'y retrouver au fil des pages.
Pourquoi est-ce qu'on existe ? C'est la question profondément métaphysique que la petite Catherine âgée de dix ans pose à Laurence sa mère tandis que la petite Louise sa soeur cadette dessine dans son coin. (Laurence est l'une des filles de Dominique Langlois). Question embarrassante à la quelle Laurence ne sait répondre que par de vagues circonlocutions et il ne peut en être autrement vu l'âge de l'enfant. Laurence fait part à Jean Charles, son mari, de l'angoisse existentielle de leur fille qui pourtant est une enfant gaie, en bonne santé et brillante à l'école. Au sein d'une famille aisée et sans problème, la petite n'a aucune raison de s'inquiéter. Cette interrogation de Catherine mène Laurence à se remémorer son enfance et son adolescence marquées elles aussi par des questions existentielles, car elle n'aimait personne. Aujourd'hui encore, « elle est une femme qui n'aime personne, insensible aux beautés du monde, incapable même de pleurer…, indifférente. »
C'est alors qu'une situation inextricable vient perturber Laurence : Gilbert Mortier, cinquante six ans, le compagnon de sa mère Dominique, cinquante ans, demande conseil à Laurence sur la meilleure manière d'annoncer que sa relation avec Dominique arrive à son terme car il est tombé amoureux de la fille de ses meilleurs amis, les de Saint Chamond, la jeune Patricia, dix neuf ans, une blonde maniérée et ravissante dinde. Gilbert voit son épouse Marie Claire accepter le divorce, elle qui appréciant à dessein la jeune Patricia est heureuse de faire un sale coup à Dominique qu'elle déteste. Laurence est sidérée et refuse de collaborer pour adoucir la pilule. Que faire, attendre que Gilbert fasse l'annonce lui-même ou bien le devancer auprès de sa mère ? le drame couve.
Les bons moments, Laurence les passe avec Lucien, son charmant collègue de travail dans la publicité et son amant occasionnel lorsque Jean Charles est en voyage pour son travail. Laurence, un peu adultère sur les bords, mais bonne épouse et bonne mère sait ne pas s'éterniser au grand dam de Lucien. L'orage est dans l'air.
Un beau roman d'amour avec ses joies, ses trahisons secrètes ou révélées, ses douleurs, ses espérances et ses regrets. Aussi un roman de réflexion psychologique ou sur la société en général, et d'analyse avec des personnages charismatiques au caractère riche et complexe.
« Tout le mal vient de ce que l'homme a multiplié ses besoins alors qu'il aurait dû les contenir…Tant qu'on continuera à créer de nouveaux besoins, on multipliera les frustrations. Quand est-ce que la déchéance a commencé ? le jour où on a préféré la science à la sagesse, l'utilité à la beauté…Seule une révolution morale et non pas sociale ni politique ni technique, ramènerait l'homme a sa vérité perdue. »
C'est aussi un roman au style très fluide et facile, et aux excellents dialogues qui ont une place prépondérante. C'est notamment le cas lorsque Laurence et son mari Jean Charles abordent la question épineuse de l'éducation des enfants, car la petite Catherine donne quelques soucis à ses parents et ils n'ont pas des avis convergeants. Et Laurence de se poser des questions philosophiques qui n'effleurent absolument pas son mari : « C'est effrayant de penser qu'on marque ses enfants rien que par ce qu'on est…Les humeurs quotidiennes, les hasards d'un mot, d'un silence, toutes ces contingences qui devraient s'effacer derrière moi, ça s'inscrit dans cette enfant qui rumine et qui se souviendra…Élever un enfant, ce n'est pas en faire une belle image. »
On peut lire aussi des mots très durs dans ce récit, des mots de la bouche de Dominique s'adressant à Laurence : « Tu ne connais pas encore la vie. Socialement une femme n'est rien sans un homme. Même avec un nom, une femme sans homme, c'est une demi - ratée, une espèce d'épave, une déclassée, une femme équivoque. »
À noter que c'est Laurence la narratrice, tantôt à la première tantôt à la troisième personne, ce qui installe un certain recul utile dans quelques situations.
Simone de Beauvoir est née à Paris en 1908. Elle rencontre Jean Paul Sartre au terme de brillantes études avec en point d'orgue l'agrégation de philosophie pour tous les deux en 1929. Anticonformiste volontiers agressive, elle est en révolte permanente contre le milieu dont elle est issue. Professeur de philosophie jusqu'en 1943, elle ne trouve pas dans son métier les conditions à son émancipation. Elle souhaite s'affirmer dans la création littéraire. Elle a écrit de nombreux romans, dont le premier « L'invitée » connaît un certain succès, avec pour thème principal la jalousie. Elle obtient le Prix Goncourt en 1954 avec « Les Mandarins » et touche le grand public. Elle a écrit aussi des essais philosophiques (Le deuxième sexe) et des pièces de théâtre (Les bouches inutiles) sur les thèmes existentialistes. Enfin elle a écrit ses mémoires (Mémoires d'une jeune fille rangée) en 1958. Simone de Beauvoir est morte en 1986.
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