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EAN : 9782070362431
182 pages
Gallimard (07/11/1972)
3.8/5   226 notes
Résumé :
" Non ", elle a crié tout haut. Pas Catherine.
Je ne permettrai pas qu'on lui fasse ce qu'on m'a fait. Qu'a-t-on fait de moi ? Cette femme qui n'aime personne, insensible aux beautés du monde, incapable même de pleurer, cette femme que je vomis. Catherine : au contraire lui ouvrir les yeux tout de suite et peut-être un rayon de lumière filtrera jusqu'à elle, peut-être elle s'en sortira... De quoi ? De cette nuit.
De l'ignorance, de l'indifférence.
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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"» Non « , elle a crié tout haut. Pas Catherine.(…)
Je ne permettrai pas qu'on lui fasse ce qu'on m'a fait. Qu'a-t-on fait de moi ? Cette femme qui n'aime personne, insensible aux beautés du monde, incapable même de pleurer, cette femme que je vomis. Catherine : au contraire lui ouvrir les yeux tout de suite et peut-être un rayon de lumière filtrera jusqu'à elle, peut-être elle s'en sortira… de quoi ? de cette nuit.
De l'ignorance, de l'indifférence. (p188-p189)"

Avec ce roman, Simone de Beauvoir donne la parole à Laurence, mère de deux fillettes, Catherine et Louise, mariée à Jean-Charles, architecte. Il semble qu'elle a tout pour être heureuse et pourtant….. Elle a été élevée avec certaines règles dans une famille bourgeoise, travaille dans une agence de publicité, a un amant et si tout le monde s'accorde à trouver le tableau parfait. Pourtant elle arrive à un moment de sa vie où les questions sur le sens de celle-ci se posent.

Est-elle vraiment heureuse ? Pourquoi le doute s'insinue-t-il en elle ? A travers le personnage de Laurence, Simone de Beauvoir, la philosophe féministe, s'interroge sur le sens du bonheur pour une femme qui commence à prendre conscience qu'elle vit dans un monde d'artifices, de faux-semblants tels de belles images dans un catalogue qu'elle feuillette, comme dans le domaine professionnel où elle travaille où tout n'est qu'image glacée suscitant l'envie. Elle ne se reconnaît plus dans la femme qu'elle est devenue et en voulant répondre aux questions que commence à lui poser Catherine, sa fille d'une dizaine d'années, elle va remettre en question sa propre existence, ne voulant pas reproduire sur son enfant les erreurs faites dans son éducation et lui donner ainsi une chance d'être heureuse et libre de ses choix.

C'est une lecture qui m'a beaucoup intéressée par ses questionnements, sur un thème qui reste très actuel, sur la place d'une femme dans une société, sur ses choix, certes assez favorisée dans le cas présent, mais qui réalise peu à peu que tout ce que son éducation lui a inculqué n'a pas tenu compte de son « moi » profond mais dont elle ne prend conscience qu'à l'aube de la quarantaine.

L'auteure décrit parfaitement l'état psychologique de la jeune femme : ayant déjà fait une dépression cinq ans auparavant, elle sait qu'elle se trouve au bord d'un gouffre dans lequel elle ne veut pas sombrer à nouveau et va tenter de mettre sa vie en accord avec ce qu'elle pense réellement être.

En utilisant deux types de narration : celle de Laurence puis celle d'un observateur (trice) extérieur(e) avec la troisième personne du singulier, l'auteure mêle à la fois la confession de cette femme désabusée, qui se sent parfois trahie, pas à sa place, se noyant dans le travail afin d'avoir le sentiment d'exister mais aussi l'analyse extérieure (et peut-être celle de l'auteure) sur son comportement. Ce changement de narration peut parfois un peu gênée la lecture et le rythme.

On peut être parfois agacée par le monde où évolue Laurence, bourgeois et artificiel, où tout se joue dans les apparences, les relations, le paraître mais c'est, je pense, un milieu que l'auteure connaissait parfaitement de par sa propre éducation mais aussi celui qu'elle fréquenta.

On retrouve la volonté de dénoncer le carcan dans lequel les femmes sont parfois éduquées, enfermées, même si ici Laurence est une femme active, libre, elle n'en a pas moins le sentiment d'être souvent en décalage avec le monde dans lequel elle vit. Sa vraie personnalité se révèle lors du souvenir d'un voyage en Grèce avec son père dont elle se remémore les images, alors qu'elle traverse une période d'anorexie et de somnolences. La beauté des lieux, l'intimité avec son père, le sentiment de liberté, de découverte vont provoquer en elle un choc qui va la pousser à affronter son mari et à imposer ses options pour l'éducation de sa fille.

L'écriture de Simone de Beauvoir est très fluide, ponctuée de dialogues mais aussi d'états d'âme, de pensées, de remises en question. C'est une témoignage sur une tranche de vie féminine mais aussi maternelle, mettant en parallèle les vies de mère à travers Laurence, Marthe sa soeur qui évolue dans une famille très orientée religion, de Dominique, sa mère, femme passionnée, fougueuse, sans pitié et Catherine, sa fille, à l'aube de l'adolescence et de son devenir.

Un joli petit roman, certes un peu daté mais très agréable à lire, dans lequel j'ai retrouvé certains questionnements propres à toute femme à un moment de sa vie. Après Les mandarins tome 1 et 2, une nouvelle lecture qui me confirme mon attrait pour sa plume, ses questionnements sur la place de la femme mais aussi son regard sur la société dans laquelle elle évoluait…..
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Les Belles Images : c'est le tout premier livre de Simone Debeauvoir que je lis, j'en garderai un excellent souvenir. Son nom si connu me faisait un peu peur, j'ai pensé que ce livre serait trop compliqué… mais non ! J'ai eu envie de partager mon ressenti avec vous sur Babelio (sous une rédaction un peu scolaire peut-être … mais sincère !)

Style rédactionnel :
Au début difficulté à comprendre ce qui est écrit.
Le personnage principal : Laurence. Parfois elle est le narrateur et dis « je », mais parfois elle est exprimée à la 3ème personne « elle », c'est une particularité de ce style qui peut un peu dérouter le lecteur qui débute le livre.
La transition d'un sujet à l'autre, d'un lieu à l'autre n'est pas toujours annoncée, c'est au lecteur de faire « l'effort » de repositionner le récit dans l'espace et dans le temps, et les personnages. Les différents personnages ne sont pas toujours décrits, présentés dès leur première apparition ; ils prennent parole, ils prennent action et c'est après coup que le lecteur comprend de qui il s'agit.
Contrairement à la plus part des récits –et surtout aux romans feuilletons publiés au XIXème siècle (Zola, Balzac)-, il n'y a pas de longues descriptions détaillée des décors, qui doucement nous font rentrer dans une ambiance ou alors nous invite à l'atmosphère de la contemplation. L'auteure aborde de façon très directe ce qui est nécessaire à la construction du sens du roman.

Le sujet :
Laurence est une femme qui ressent un mal être, elle l'exprime tout au long du roman. Mal-être sur différents aspects de sa vie : lié à son éducation, à ce qu'elle est devenue, à ce qu'elle vit, à son rôle de mère, à sa place dans sa famille ou vis-à-vis de ses proches, à ses relations amoureuses (elle a un amant), à sa mission dans son travail, à la société en général.

Les Thèmes :
1. Critique de la société de consommation. C'est une société dont l'époque est bien précisée : le temps des 30 glorieuses de la France (période faste née après guerre, 1945), on construit beaucoup (son mari est dans l'architecture), la société de consommation bat son plein : publicité (elle travaille dans ce domaine). Les inventions bouleversent le monde (marcher sur la lune), les allocations familiales ont été créés, les familles modestes évoluent vers un peu plus d'avoir (lave-linge, télé).
Laurence et ses proches évoluent dans une sphère socialement aisée de la population française. L'avoir (les dernières inventions, ce qui est moderne, les marques commerciales, les matières nobles, les propriétés immobilières), le paraitre (physique, vêtements, expression du visage), la position (métier, statut, relations, pouvoir), être résolument orienté vers le moderne le futur, sont tout autant de signes qu'il leur faut avoir car ils affichent de façon ostentatoire une forme de supériorité, qui elle-même procure un sentiment de réussite sociale, de fierté.

2. Une société hypocrite : elle reproche un manque de vérité, de sincérité. La société de consommation produit des images –et des slogans- (dont elle est aussi auteure), mais ce ne sont que des « belles images » évoquant un bonheur, Laurence les dénonce comme fallacieuses. La vérité est plus triste. La vérité c'est surtout l'inégalité sociale, la pauvreté qui sévit dans certaines populations, c'est la vérité qui peut être lu dans les journaux.

3. Question sur l'éducation. Un autre thème qui découle de cette hypocrisie, c'est de savoir comment aider, comment protéger, comment éduquer sa fille Catherine qui commence à découvrir une réalité du monde empreinte de malheurs. Sa fille semble très perturbée par l'injustice sociale qu'elle perçoit à travers le peu qu'on lui laisse voir. Dans cette réflexion Laurence progresse et à la fin du roman, elle affiche sa volonté de s'imposer, de ne pas reproduire sur sa fille le modèle d'éducation qu'elle a reçu, de ne pas la rendre insensible.

4. La place de la femme dans la société. Ce sujet est très présent. Il s'illustre surtout à travers l'exemple de sa mère –Dominique- : elle a réussi à accéder à un poste de direction à la Radio, poste de travail généralement donnés à des hommes. Laurence décrit comme sa mère à pu y accéder : se battre bec et ongle, se justifier, s'avoir être et paraitre, choisir ses fréquentations. Cela est perçu comme un dur combat, inégal, où rien n'est définitivement gagné. Mais, Dominique présentée comme une femme forte qui a su gravir les échelons, devient subitement très faible quand l'homme avec qui elle vit décide de la quitter. A travers elle, on voit aussi la détresse profonde de la femme vieillissante (51 ans) qui a peur qu'en prenant de l'âge, elle perde l'intérêt qu'elle avait pu susciter.
La soeur de Laurence, Marthe, à l'inverse de sa mère et sa soeur est présentée comme une femme qui semble être bien dans sa vie, elle a choisi de s'impliquer dans sa foi religieuse.

Mon avis
1. Malgré les difficultés liés au style (voir plus haut) –chose qui peut décourager le lecteur, mais qu'il comprendra après quelques pages de lecture-, j'ai pris plaisir et intérêt à la lecture de ce roman. Il est écrit de façon fluide, directe, simple.

Les sujets qui sont abordés me paraissent toujours d'actualité :

2. le féminisme - un roman porté par l'actualité de son temps. Ce livre a été écrit juste un peu avant mai 1968, où il y a eu en France un fort mouvement de contestation de la population pour plus de liberté et d'égalité, de changement des moeurs, et aussi de féminisme. C'est dire que ce roman a pris naissance dans une époque où s'intéresser au féminisme était un besoin certain, latent et grandissant. Un thème qui réclamait avec force de se faire entendre.
En 2021, le sujet du féminisme est toujours d'actualité. Heureusement de nombreuses actions ont été entreprises dans ce sens (loi sur la parité), les mentalités évoluent pour plus d'égalité hommes/femmes avec plus de femmes à des postes où auparavant on n'aurait jamais pu simplement imaginer y voir une femme. Mais il reste encore du chemin à parcourir, comme par exemple l'inégalité salariale qui persiste.
Cependant, il est important qu'un mouvement qui cherche à promouvoir le statut de la femme, ne se transforme pas en un mouvement de refus de l'homme et à le mettre en opposition systématique avec elle. Pas de scission, le but est d'arriver à un équilibre juste pour tous les êtres humains.

3. La question de l'éducation des enfants face aux dangers et réalités de la société. Tout comme Laurence, tout parent se demande comment orienter au mieux l'éducation de ses enfants. Dans le roman, les journaux sont montrés comme ceux qui de façon crue exposent les malheurs de ce monde et ses dérives, ce qui peut perturber la sensibilité des enfants (Laurence interdit alors à sa fille Catherine de lire les journaux).
Vu depuis notre époque, 2021, cela peut faire sourire ! Car de nos jours, les journaux paraissent relativement « inoffensifs », surtout comparés aux autres médias plus modernes. En effet, depuis les années 2000 la généralisation d'internet dans les foyers permet à tous, et donc même aux plus jeunes, d'avoir un accès facile à toutes sortes d'information, d'images, de mises en relation. Alors les parents constatent une forme de danger bien plus grave, et très envahissante qui s'expose à leurs enfants. de nos jours, la même question persiste donc : Comment vivre dans la société -avec ses réalités plus ou moins heureuses qu'on ne peut pas toujours éviter-, tout en protégeant les enfants des dangers de l'extérieur. Comment faire pour que satisfaire les besoins de liberté, de curiosité et de vérité des enfants ne soient pas source de danger ? Comment leur assurer protection, sans devoir passer par la privation, la dissimulation ?
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J'ai eu beaucoup de mal au début, les 10 premières pages, pffiou, Simone a failli me perdre, heureusement ça ne dure pas. L'effet "embrouillé" passe et on comprend enfin qui nous parle. Question style, j'avoue ne pas beaucoup accrocher au mélange 3ème personne et réflexion à la 1ère, mais bon, une fois dedans, je m'y suis fait. Même si je trouve ça plutôt agaçant.

Après, je trouve qu'il est difficile d'en parler, de mettre des mots sur l'histoire et l'impression générale. Mon avis sera peut-être un peu décousu désolée. Je sais que je ai terminé ce roman en me disant à "oui quand même, c'est pas mal du tout" mais je ne sais pas si en fait, je m'en souviendrai longtemps, déjà mes souvenirs sont moins précis, et si je n'avais pas pris quelques notes, je ne sais pas si je me serai rappelé certaines choses.

Pendant un long moment, j'ai cru ne pas m'attacher à Laurence, cette femme qui ne montre pas beaucoup ses émotions, qui a l'air de rêvasser tout le temps, qui semble détachée de tout. Elle est plutôt heureuse en couple, son mari la comprend plutôt bien, enfin semble-t-il, mais pourtant elle a pris un amant. Elle voit souvent sa mère mais elles ne sont pas pour autant très proches. Sa mère a refait sa vie avec une personne en vue et ne semble pas du tout naturelle. Elle s'est créée une façade qui pourrait bien un jour s'écouler. Laurence comme sa mère sont plus complexes qu'elles n'y paraissent. Mais finalement, j'ai eu la surprise de m'attacher à Laurence et à ce qu'elle ressent, ce qu'elle vit. Elle est en pleine période de doute, de réflexions, à la fois bien et mal dans sa peau, pas malheureuse mais pas heureuse non plus. Elle se pose beaucoup de questions sur comment gérer le changement d'humeur de sa fille Catherine. Elle finit par comprendre qu'elle ne veut pas que sa fille se sente vide. Elle ne veut pas que sa fille ne devient comme elle ou comme sa mère. Laurence a souvent l'impression de ne rien ressentir ou alors pas grand chose mais là, c'est hors de question pour elle que sa fille ne puisse pas s'épanouir. Elle refuse que, comme elle, Catherine n'est pas d'ami, pas d'affection de sa mère. Qu'elle ne connaissance pas de déception mais pas de joie non plus. Bref, Laurence doit faire quelque chose. Elle se doit bien ça. On peut se retrouver, se reconnaitre un peu en Laurence et elle nous semble alors plus proche. C'est ce qui fait qu'on s'attache à elle malgré le reste.

Le roman est assez court, c'est une tranche de vie. On ne creuse pas sur le long terme mais Simone de Beauvoir réussi quand même à dresser des portraits de personnages complexes en peu de pages. C'est assez impressionnant. On a l'impression d'avoir passé plus de temps avec les membres de la famille ou l'entourage de Laurence. Pourtant il fait bien moins de 200 pages. Ce roman se lit plutôt bien et rapidement (si on omet les premières pages). Certains passages sont très beaux, dans leur forme, leur énumérations et leurs idées.

C'est mon premier livre de l'auteure mais je pense qu'on y retrouve les thèmes qui lui tenaient à coeur dans la vie : la liberté, le féminisme, la psychologie féminine, le progrès, l'analyse des différences des classes : les milieux de faux semblants, de l'hypocrisie, de la publicité, de l'éphémère et de poudres aux yeux où tout sonne faux contre la réalité de l'existence.

Le format est plaisant, c'est une tranche de vie donc pas trop long, pas de théorie compliquée, grandiloquente. C'est savamment dosé pour que le sujet soit intéressant sans être assommant ou pesant. J'avais un peu peur de lire Simone de Beauvoir, je n'avais pas à avoir peur finalement !

Les réflexions sur le progrès, les contemporains, le milieu qui se veut intellectuel, les apparences m'ont beaucoup plu. Maintenant, j'avoue ne pas avoir creusé sur ce que voulait réellement transmettre De Beauvoir. Si elle pensait à certaines personnes en écrivant ce livre. J'ai beaucoup aimé la façon dont Laurence qui travaille dans les slogans et les affiches décortique les pubs, les intentions des gens, les objets. C'est très symbolique et à la fois ça sonne si juste.

Laurence se cherche, se comprend et finit par se détester, enfin par détester ce que les autres ont fait d'elle, j'ai trouvé ce propos sensible et réaliste. Comment nos parents, la société nous façonnent et comment on les laisse faire. Mais Laurence prend conscience que c'est mauvais, et elle refuse que cela arrive à sa petite fille. Elle va de désillusion en désillusion. Elle se demande souvent ce qu'on les autres qu'elle n'a pas, elle est comme détachée d'elle-même. Ce personnage est si vrai. C'est difficile à expliquer mais Simone de Beauvoir elle réussit très bien à transmettre toute la difficulté d'être une femme, une mère, une épouse. Mais encore bien d'autre chose, la difficulté de s'épanouir, de décider, de vivre tout simplement.

C'est difficile de dire si j'ai aimé ou adoré, en tout cas, ce roman court m'a touché et m'a fait réfléchir. Je ne sais pas si je m'en souviendrai encore vraiment dans quelques temps, mais je sais que j'en garderai une bonne impression et qu'il contient des choses intéressantes, fortes et joliment bien retranscrites par l'auteure. A découvrir.
Lien : http://lesdecouvertesdedawn...
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Les belles images : Simone de Beauvoir
Ce très bon roman commence par une réception un peu guindée chez Dominique Langlois, histoire de nous mettre dans l'ambiance et comprendre dans quel monde on va évoluer par la suite. Un nombre impressionnant de personnages passent et repassent et l'on se sent un peu perdu, mais pas d'inquiétude à avoir, on va s'y retrouver au fil des pages.
Pourquoi est-ce qu'on existe ? C'est la question profondément métaphysique que la petite Catherine âgée de dix ans pose à Laurence sa mère tandis que la petite Louise sa soeur cadette dessine dans son coin. (Laurence est l'une des filles de Dominique Langlois). Question embarrassante à la quelle Laurence ne sait répondre que par de vagues circonlocutions et il ne peut en être autrement vu l'âge de l'enfant. Laurence fait part à Jean Charles, son mari, de l'angoisse existentielle de leur fille qui pourtant est une enfant gaie, en bonne santé et brillante à l'école. Au sein d'une famille aisée et sans problème, la petite n'a aucune raison de s'inquiéter. Cette interrogation de Catherine mène Laurence à se remémorer son enfance et son adolescence marquées elles aussi par des questions existentielles, car elle n'aimait personne. Aujourd'hui encore, « elle est une femme qui n'aime personne, insensible aux beautés du monde, incapable même de pleurer…, indifférente. »
C'est alors qu'une situation inextricable vient perturber Laurence : Gilbert Mortier, cinquante six ans, le compagnon de sa mère Dominique, cinquante ans, demande conseil à Laurence sur la meilleure manière d'annoncer que sa relation avec Dominique arrive à son terme car il est tombé amoureux de la fille de ses meilleurs amis, les de Saint Chamond, la jeune Patricia, dix neuf ans, une blonde maniérée et ravissante dinde. Gilbert voit son épouse Marie Claire accepter le divorce, elle qui appréciant à dessein la jeune Patricia est heureuse de faire un sale coup à Dominique qu'elle déteste. Laurence est sidérée et refuse de collaborer pour adoucir la pilule. Que faire, attendre que Gilbert fasse l'annonce lui-même ou bien le devancer auprès de sa mère ? le drame couve.
Les bons moments, Laurence les passe avec Lucien, son charmant collègue de travail dans la publicité et son amant occasionnel lorsque Jean Charles est en voyage pour son travail. Laurence, un peu adultère sur les bords, mais bonne épouse et bonne mère sait ne pas s'éterniser au grand dam de Lucien. L'orage est dans l'air.
Un beau roman d'amour avec ses joies, ses trahisons secrètes ou révélées, ses douleurs, ses espérances et ses regrets. Aussi un roman de réflexion psychologique ou sur la société en général, et d'analyse avec des personnages charismatiques au caractère riche et complexe.
« Tout le mal vient de ce que l'homme a multiplié ses besoins alors qu'il aurait dû les contenir…Tant qu'on continuera à créer de nouveaux besoins, on multipliera les frustrations. Quand est-ce que la déchéance a commencé ? le jour où on a préféré la science à la sagesse, l'utilité à la beauté…Seule une révolution morale et non pas sociale ni politique ni technique, ramènerait l'homme a sa vérité perdue. »
C'est aussi un roman au style très fluide et facile, et aux excellents dialogues qui ont une place prépondérante. C'est notamment le cas lorsque Laurence et son mari Jean Charles abordent la question épineuse de l'éducation des enfants, car la petite Catherine donne quelques soucis à ses parents et ils n'ont pas des avis convergeants. Et Laurence de se poser des questions philosophiques qui n'effleurent absolument pas son mari : « C'est effrayant de penser qu'on marque ses enfants rien que par ce qu'on est…Les humeurs quotidiennes, les hasards d'un mot, d'un silence, toutes ces contingences qui devraient s'effacer derrière moi, ça s'inscrit dans cette enfant qui rumine et qui se souviendra…Élever un enfant, ce n'est pas en faire une belle image. »
On peut lire aussi des mots très durs dans ce récit, des mots de la bouche de Dominique s'adressant à Laurence : « Tu ne connais pas encore la vie. Socialement une femme n'est rien sans un homme. Même avec un nom, une femme sans homme, c'est une demi - ratée, une espèce d'épave, une déclassée, une femme équivoque. »
À noter que c'est Laurence la narratrice, tantôt à la première tantôt à la troisième personne, ce qui installe un certain recul utile dans quelques situations.
Simone de Beauvoir est née à Paris en 1908. Elle rencontre Jean Paul Sartre au terme de brillantes études avec en point d'orgue l'agrégation de philosophie pour tous les deux en 1929. Anticonformiste volontiers agressive, elle est en révolte permanente contre le milieu dont elle est issue. Professeur de philosophie jusqu'en 1943, elle ne trouve pas dans son métier les conditions à son émancipation. Elle souhaite s'affirmer dans la création littéraire. Elle a écrit de nombreux romans, dont le premier « L'invitée » connaît un certain succès, avec pour thème principal la jalousie. Elle obtient le Prix Goncourt en 1954 avec « Les Mandarins » et touche le grand public. Elle a écrit aussi des essais philosophiques (Le deuxième sexe) et des pièces de théâtre (Les bouches inutiles) sur les thèmes existentialistes. Enfin elle a écrit ses mémoires (Mémoires d'une jeune fille rangée) en 1958. Simone de Beauvoir est morte en 1986.
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Ça faisait longtemps que je voulais découvrir un texte de Simone de Beauvoir, d'autant plus depuis que j'ai lu Beauvoir in love d'Irène Frain, et je suis très heureuse de l'avoir découverte avec Les belles images.

Dans ce roman, Laurence est une femme qui, en apparence, a une vie idéale. Elle bosse dans la pub, son mari est un architecte qui gagne beaucoup de sous, elle a son père, sa mère, sa soeur et ses deux filles. Mais voilà, Laurence se sent vide. Lorsque sa fille aînée Catherine commence à poser des questions et se trouve bouleversée devant ce qu'elle comprend du monde, Laurence décide que Catherine ne sera pas comme elle, une femme sans coeur, sans sentiment.

Quelle lecture ! Je me suis trouvée embarquée par Simone de Beauvoir dès le début. Dawn m'avait prévenue que la narration était spéciale et qu'il était très difficile de s'y retrouver dans les premières pages, donc je m'y attendais et ça ne m'a pas dérangée. J'ai même apprécié de chercher qui était le narrateur, et d'essayer de deviner les relations entre les personnages, leur âge, leur situation… Heureusement tout de même que tout le roman n'est pas ainsi. Au bout d'une dizaine de pages, on sait clairement qui est la narratrice, mais la narration reste dédoublée. On saute de la troisième personne à la première. Tout le roman est émaillé de discours direct et j'ai trouvé que le rendu était extrêmement bien réussi. Je ne ressemble pas à Laurence (enfin je ne crois pas !) mais avec ce procédé de narration, je me suis identifiée à elle aussitôt. La plume de Simone de Beauvoir m'a enchantée !

Concernant le fond, c'est extrêmement intéressant. En 180 pages, j'ai l'impression que l'auteure a parlé de tout ce qui importe dans une vie. Elle slalome aisément entre tous les sujets, nous donnant à réfléchir sans partir ans des dissertations insupportables, sans imposer son point de vue. Ce roman date de 1966 mais je l'ai trouvé affreusement actuel, tout en ne pouvant être dissocié de son contexte. Les personnes adultes à cette époque avait connu la Seconde guerre mondiale, ce qui n'est plus le cas de la majorité de la population aujourd'hui. Vraiment, ce roman fout une claque, mais une douce.

J'avais un peu peur de la manière dont ça allait se finir vu les différentes intrigues qui se nouent. Je me méfie toujours quand on aborde de trop près certains sujets ! Pourtant, la fin m'a vraiment satisfaite. On ne sait pas exactement ce qui va se passer, mais à mon idée ça va dans le bon sens. Malgré la peinture bien triste de notre société et du monde, il y a de l'espoir, on peut faire quelque chose, pour soi ou pour les autres.

Je pourrais parler des personnages, du début des intrigues, des réflexions menées, mais je ne le veux pas, car le roman est court et ce sera bien meilleur pour vous si vous ne savez pas exactement dans quoi vous plongez ! C'est réellement un excellent livre, que je vous recommande vivement si vous êtes intéressés par ce genre de lecture.
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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Jean-Charles a-t-il raison ? Est-ce de moi qu’elle tient ce caractère inquiet ? C’est effrayant de penser qu’on marque ses enfants rien que par ce qu’on est. Pointe de feu à travers le cœur. Anxiété, remords. Les humeurs quotidiennes, les hasards d’un mot, d’un silence, toutes ces contingences qui devraient s’effacer derrière moi, ça s’inscrit dans cette enfant qui rumine et qui se souviendra, comme je me souviens des inflexions de voir de Dominique. Ça semble injuste.
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"Evidemment. Je l'ai envoyée se laver les mains et se recoiffer, et je suis entrée dans la chambre de Louise. Assise devant son pupitre, elle dessinait. Je me suis souvenue. La pièce sombre, avec juste une petite lampe allumée, les crayons de couleur, derrière moi une longue journée pailletée de petits plaisirs, et le monde dehors, immense et mystérieux. Précieux instants à jamais perdus. Pour elles aussi, un jour, ils seront à jamais perdus. Quel dommage ! Les empêcher de grandir. Ou alors...quoi ?"
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Cadavres sanglants de Blancs, de Noirs, des autocars renversés dans des ravins, vingt-cinq enfants tués, d'autres coupés en deux, des incendies, des carcasses d'avions fracassés, cent dix passagers morts sur le coup, des cyclones, des inondations, des pays entiers dévastés, des villages en flammes, des émeutes raciales, des guerres locales, des défilés de réfugiés hagards. [...] Il faut dire qu'on assiste à toutes ces catastrophes confortablement installé dans son décor familier et il n'est pas vrai que le monde y fasse intrusion : on n'aperçoit que des images, proprement encadrées sur le petit écran et qui n'ont pas leur poids de réalité.
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Pourquoi existe-t-on ? Ce n’est pas mon problème. On existe. Il s’agit de ne pas s’en apercevoir, de prendre son élan, de filer d’une traite jusqu’à la mort.
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- Moi, je n'ai pas de principes! dit Laurence avec regret.
- Tu n'en affiches pas, mais tu es droite, ça vaut mieux que le contraire, dit son père avec chaleur.
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Vidéo de Simone de Beauvoir
Vous connaissez Simone de Beauvoir, mais peut-être pas sa soeur Hélène. Pourtant, cette artiste peintre s'est elle aussi engagée pour la cause des femmes.
#feminisme #simonedebeauvoir #cultureprime
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Simone de Beauvoir

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