Les Belles Images : c'est le tout premier livre de Simone Debeauvoir que je lis, j'en garderai un excellent souvenir. Son nom si connu me faisait un peu peur, j'ai pensé que ce livre serait trop compliqué… mais non ! J'ai eu envie de partager mon ressenti avec vous sur Babelio (sous une rédaction un peu scolaire peut-être … mais sincère !)
Style rédactionnel :
Au début difficulté à comprendre ce qui est écrit.
Le personnage principal : Laurence. Parfois elle est le narrateur et dis « je », mais parfois elle est exprimée à la 3ème personne « elle », c'est une particularité de ce style qui peut un peu dérouter le lecteur qui débute le livre.
La transition d'un sujet à l'autre, d'un lieu à l'autre n'est pas toujours annoncée, c'est au lecteur de faire « l'effort » de repositionner le récit dans l'espace et dans le temps, et les personnages. Les différents personnages ne sont pas toujours décrits, présentés dès leur première apparition ; ils prennent parole, ils prennent action et c'est après coup que le lecteur comprend de qui il s'agit.
Contrairement à la plus part des récits –et surtout aux romans feuilletons publiés au XIXème siècle (
Zola,
Balzac)-, il n'y a pas de longues descriptions détaillée des décors, qui doucement nous font rentrer dans une ambiance ou alors nous invite à l'atmosphère de la contemplation. L'auteure aborde de façon très directe ce qui est nécessaire à la construction du sens du roman.
Le sujet :
Laurence est une femme qui ressent un mal être, elle l'exprime tout au long du roman. Mal-être sur différents aspects de sa vie : lié à son éducation, à ce qu'elle est devenue, à ce qu'elle vit, à son rôle de mère, à sa place dans sa famille ou vis-à-vis de ses proches, à ses relations amoureuses (elle a un amant), à sa mission dans son travail, à la société en général.
Les Thèmes :
1. Critique de la société de consommation. C'est une société dont l'époque est bien précisée : le temps des 30 glorieuses de la France (période faste née après guerre, 1945), on construit beaucoup (son mari est dans l'architecture), la société de consommation bat son plein : publicité (elle travaille dans ce domaine). Les inventions bouleversent le monde (marcher sur la lune), les allocations familiales ont été créés, les familles modestes évoluent vers un peu plus d'avoir (lave-linge, télé).
Laurence et ses proches évoluent dans une sphère socialement aisée de la population française. L'avoir (les dernières inventions, ce qui est moderne, les marques commerciales, les matières nobles, les propriétés immobilières), le paraitre (physique, vêtements, expression du visage), la position (métier, statut, relations, pouvoir), être résolument orienté vers le moderne le futur, sont tout autant de signes qu'il leur faut avoir car ils affichent de façon ostentatoire une forme de supériorité, qui elle-même procure un sentiment de réussite sociale, de fierté.
2. Une société hypocrite : elle reproche un manque de vérité, de sincérité. La société de consommation produit des images –et des slogans- (dont elle est aussi auteure), mais ce ne sont que des « belles images » évoquant un bonheur, Laurence les dénonce comme fallacieuses. La vérité est plus triste. La vérité c'est surtout l'inégalité sociale, la pauvreté qui sévit dans certaines populations, c'est la vérité qui peut être lu dans les journaux.
3. Question sur l'éducation. Un autre thème qui découle de cette hypocrisie, c'est de savoir comment aider, comment protéger, comment éduquer sa fille Catherine qui commence à découvrir une réalité du monde empreinte de malheurs. Sa fille semble très perturbée par l'injustice sociale qu'elle perçoit à travers le peu qu'on lui laisse voir. Dans cette réflexion Laurence progresse et à la fin du roman, elle affiche sa volonté de s'imposer, de ne pas reproduire sur sa fille le modèle d'éducation qu'elle a reçu, de ne pas la rendre insensible.
4. La place de la femme dans la société. Ce sujet est très présent. Il s'illustre surtout à travers l'exemple de sa mère –Dominique- : elle a réussi à accéder à un poste de direction à la Radio, poste de travail généralement donnés à des hommes. Laurence décrit comme sa mère à pu y accéder : se battre bec et ongle, se justifier, s'avoir être et paraitre, choisir ses fréquentations. Cela est perçu comme un dur combat, inégal, où rien n'est définitivement gagné. Mais, Dominique présentée comme une femme forte qui a su gravir les échelons, devient subitement très faible quand l'homme avec qui elle vit décide de la quitter. A travers elle, on voit aussi la détresse profonde de la femme vieillissante (51 ans) qui a peur qu'en prenant de l'âge, elle perde l'intérêt qu'elle avait pu susciter.
La soeur de Laurence, Marthe, à l'inverse de sa mère et sa soeur est présentée comme une femme qui semble être bien dans sa vie, elle a choisi de s'impliquer dans sa foi religieuse.
Mon avis
1. Malgré les difficultés liés au style (voir plus haut) –chose qui peut décourager le lecteur, mais qu'il comprendra après quelques pages de lecture-, j'ai pris plaisir et intérêt à la lecture de ce roman. Il est écrit de façon fluide, directe, simple.
Les sujets qui sont abordés me paraissent toujours d'actualité :
2. le féminisme - un roman porté par l'actualité de son temps. Ce livre a été écrit juste un peu avant mai 1968, où il y a eu en France un fort mouvement de contestation de la population pour plus de liberté et d'égalité, de changement des moeurs, et aussi de féminisme. C'est dire que ce roman a pris naissance dans une époque où s'intéresser au féminisme était un besoin certain, latent et grandissant. Un thème qui réclamait avec force de se faire entendre.
En 2021, le sujet du féminisme est toujours d'actualité. Heureusement de nombreuses actions ont été entreprises dans ce sens (loi sur la parité), les mentalités évoluent pour plus d'égalité hommes/femmes avec plus de femmes à des postes où auparavant on n'aurait jamais pu simplement imaginer y voir une femme. Mais il reste encore du chemin à parcourir, comme par exemple l'inégalité salariale qui persiste.
Cependant, il est important qu'un mouvement qui cherche à promouvoir le statut de la femme, ne se transforme pas en un mouvement de refus de l'homme et à le mettre en opposition systématique avec elle. Pas de scission, le but est d'arriver à un équilibre juste pour tous les êtres humains.
3. La question de l'éducation des enfants face aux dangers et réalités de la société. Tout comme Laurence, tout parent se demande comment orienter au mieux l'éducation de ses enfants. Dans le roman, les journaux sont montrés comme ceux qui de façon crue exposent les malheurs de ce monde et ses dérives, ce qui peut perturber la sensibilité des enfants (Laurence interdit alors à sa fille Catherine de lire les journaux).
Vu depuis notre époque, 2021, cela peut faire sourire ! Car de nos jours, les journaux paraissent relativement « inoffensifs », surtout comparés aux autres médias plus modernes. En effet, depuis les années 2000 la généralisation d'internet dans les foyers permet à tous, et donc même aux plus jeunes, d'avoir un accès facile à toutes sortes d'information, d'images, de mises en relation. Alors les parents constatent une forme de danger bien plus grave, et très envahissante qui s'expose à leurs enfants. de nos jours, la même question persiste donc : Comment vivre dans la société -avec ses réalités plus ou moins heureuses qu'on ne peut pas toujours éviter-, tout en protégeant les enfants des dangers de l'extérieur. Comment faire pour que satisfaire les besoins de liberté, de curiosité et de vérité des enfants ne soient pas source de danger ? Comment leur assurer protection, sans devoir passer par la privation, la dissimulation ?