Partir à Moscou avec deux sexagénaires imaginés par
Simone de Beauvoir au coeur des années 60, c'est évidemment partir un peu avec le couple
Sartre/Beauvoir et s'interroger avec eux sur les liens unissant un couple vieillissant.
Malentendu à Moscou est une longue nouvelle écrite en 1965 au coeur des voyages successifs du couple invité en URSS.
D'abord boudé par l'autrice elle-même qui ne la publia pas de son vivant, les éditions de L'Herne éditent ce texte rare une première fois en 2013, puis dans leur collection Romans en ce mois de novembre 2021.
Après avoir partagé l'adolescence de Simone de Beauvoir par le biais de la fiction dans
Les Inséparables,
Malentendu à Moscou lève le voile sur ses réflexions à l'aube de
la vieillesse naissante pour elle et pour son couple.
Nicole et André rejoignent à Moscou la fille de ce dernier, Macha, installée et heureuse dans la capitale soviétique en juin 1966. Face à la jeunesse de sa belle-fille, Nicole prend conscience de sa propre vieillesse grandissante, celle de son corps, de ses envies et de son couple souffrant de l'usure des années. Des pensées qui ont pu être celles de la philosophe au cours de ses voyages avec
Sartre en URSS à la même époque.
On le sait, quand Beauvoir rencontre
Sartre à l'université, elle est jeune et ils formeront longuement ensemble ce duo mythique devenu symbole de modernité.
Mais on a beau être un couple connu et envié, il n'en demeure pas moins que l'écoulement des années atténue souvent la passion exaltante des débuts, peu à peu, insidieusement, silencieusement… jusqu'au jour où une rencontre, un geste ou une parole fasse jaillir avec force la difficile réalité à admettre. le désir des corps décroit, les habitudes prennent des allures de lassitude et la nostalgie des premières années résonnent bruyamment.
« (…) jadis ils avaient au lit des réconciliations fougueuses ; dans le désir, le trouble, le plaisir (…) ils se retrouvaient l'un en face de l'autre, neufs et joyeux. Maintenant ce recours leur faisait défaut ».
Dans une écriture mélancolique alternant les points de vue de Nicole et André,
Simone de Beauvoir procède à une radioscopie de l'état des sentiments et des liens d'un vieux couple aux allures autobiographiques.
Si les considérations politiques et idéologiques sur le communisme soviétique m'ont semblé de trop dans ce roman, jusqu'à parfois me lasser, j'ai toutefois été sensible à l'errance de la pensée de Nicole et son constat souvent pessimiste à l'égard de la dérive de son couple. Un couple qui semble un temps se désunir mais au coeur duquel règne et règnera pour toujours beaucoup d'amour…