Citations sur Malentendu à Moscou (10)
Préface d'Eliane Lecarme- Tabone
(...) Moscou est à la fois une ville que l'on explore et le symbole d'un régime. Quant au " malentendu", il désigne une mésentente conjugale mais également une déception d' ordre politique.
A travers son récit, Simone de Beauvoir apporte un témoignage ( critique) passionnant sur la vie quotidienne et la situation politique de l'Union soviétique au milieu des années 1960, avant et après la chute de Kroutchtev ( 1964).
(L'Herne, octobre 2021 / 1ère édition 2013)
Préface
(...) C'est au cours de son dernier séjour en URSS ( 2 mai- 5 juin 1966) que, toujours selon son journal, Simone de Beauvoir conçut l'idée de placer son récit ( déjà commencé ?) à Moscou,
" peignant en même temps que la vieillesse l'URSS vue par des étrangers "
.( p.8)
- Tu penses qu'on arrivera à bâtir le socialisme en multipliant les concessions à la propriété privée ?
- Je pense que le socialisme est fait pour les hommes, et non l'inverse, fut-elle.On doit un peu se soucier de leurs intérêts à court terme.
- Oui, bien sûr
Que s'était-il imaginé au juste ? Qu'ici les intérêts des hommes étaient
différents ? Qu'ils s'attachaient moins aux biens matériels ? Que l'idéal socialiste demeurait vivant en eux et leur tenait lieu de tout le reste ?
- Les Chinois nous accusent de dégénérescence, c'est absurde; il n'est pas question de revenir au capitalisme. Mais rends-toi compte, ce peuple n'a vécu que de sacrifices: pendant la guerre ; pendant la période de reconstruction. Encore maintenant, nous ne sommes pas gâtés. On ne peut pas indéfiniment nous imposer cette austérité.
( p.78)
In-fine, "Portrait de Jean-Paul Sartre par Simone de Beauvoir
(..) Certes Sartre tenait déjà passionnément à être un homme libre ; il refusait tout ce qui aurait pu alourdir son existence et l'enraciner dans la terre.Il ne s'est pas marié, il n'a jamais rien possédé, ni un meuble, ni un bibelot, ni un tableau, ni un livre; il habite des chambres d'hôtel où l'on ne trouverait pas même un exemplaire de ses ouvrages et dont le dénuement surprend souvent ses visiteurs, il a toujours dépensé son argent au fur et à mesure qu'il le gagnait, parfois même un peu avant.
( p.159)
(...) il faut s'aimer un peu soi-même pour se plaire dans des bras.
( p.87)
Elle rêvait pour Nicole d'un riche mariage, de perles, de fourrures.Et la lutte avait commencé. "Une fille peut.".Elle avait continué ses études, elle s'était juré de contrarier son destin: elle écrirait une thèse fracassante, elle aurait une chaire en Sorbonne, elle prouverait qu'un cerveau de femme vaut celui d'un homme.
( p.93 / L'Herne, octobre 2021- 1ère édition 2013)
Bien sûr, il y avait une grande différence entre l'URSS et l'Occident.Tandis qu'en France les progrès techniques ne faisaient qu'approfondir le fossé entre privilégiés et exploités, ici les structures économiques étaient en place pour qu'un jour ils profitent à tous.Le socialisme finirait par devenir une réalité. Un jour il triompherait dans le monde entier.
( p.110)
Jadis ils avaient au lit des réconciliations fougueuses; dans le désir, le trouble, le plaisir (...) Maintenant ce recours leur faisait défaut.
Depuis 62, il avait perdu toute prise sur le monde et c’était peut-être pour cela qu’il s’agitait tant : parce qu’il n’agissait plus.
Il lui semblait que la vérité de son existence et de lui-même ne lui appartenait pas : elle était obscurément éparpillée à travers la terre entière ; pour la connaître, il fallait interroger les siècles et les lieux ; c’est pour cela qu’il aime l’histoire et les voyages.