Lu dans le cadre du Challenge Nobel.
Ceci n'est
pas un extrait de la pièce. Ceux qui l'ont lu comprendront (ou
pas), les autres devront attendre avec Vladimir et Estragon.
A : C'est l'histoire de deux types qui attendent près d'un arbre, au bord d'une route, le soir.
B : Ils attendent quoi ?
A : Non,
pas « quoi », « qui ».
B : Et c'est quoi, « qui » ?
A : (s'impatiente) Non,
pas « quoi », « qui » ! Combien de fois faut-il te le répéter ?
B : Je ne sais
pas.
A : Tu ne sais
pas quoi ?
B : Combien de fois… (Il réfléchit) …Mais n'était-ce
pas toi qui disais «
pas ‘quoi', ‘qui' » ?
A : Aah enfin aurais-tu compris ?
B : Compris quoi qui ?
A : Qui on attend ?
B : Non. (Fâché) Tu m'embrouilles à la fin !
A : On attend Godot.
B : Aah…Celui du titre ?
A : Voilà.
B : Et qui est Godot ?
A : Je ne sais
pas. Un monsieur qui va nous sauver.
B : Et il vient aujourd'hui ?
A : Oui, sinon pourquoi on l'attendrait maintenant ?
B : Tu as raison. Alors nous sommes sauvés ! Mais ne devait-il
pas déjà venir hier ?
A : Oui, mais on nous a dit qu'il viendrait ce soir.
B : Tu es sûr que ce soir, c'est bien aujourd'hui ? Ca pourrait aussi bien être demain, non ?
A : Non non, hier on nous a dit aujourd'hui,
pas demain. de toute façon tous les jours se ressemblent. Et puis, as-tu mieux à faire qu'attendre ?
B : Non…j'ai attendu hier, je peux bien attendre aujourd'hui.
A : Voila qui est bien raisonné.
B : Et que fait-on en attendant ?
A : Eh bien tu vois… on s'occupe, on discute.
B : Ce n'est guère amusant. Si on se pendait ? Il faut bien que cet arbre serve à quelque chose !
A : C'est une bonne idée. Tu as une corde ?
B : Non, pourquoi ?
A : Parce que « le temps est long, dans ces conditions, et nous pousse à le meubler d'agissements qui, comment dire, qui peuvent à première vue nous paraître raisonnables, mais dont nous avons l'habitude. Tu me diras que c'est pour empêcher notre raison de sombrer ».
B : On ne se débrouille
pas trop mal, hein, tous les deux ensemble ? « On trouve toujours quelque chose, hein, pour nous donner l'impression d'exister ? »
A : « Mais oui, mais oui, on est des magiciens ».
B : C'est certain. Il faut du talent pour meubler le vide avec du vide…
A : …pour parler aussi longtemps pour ne rien dire…
B : …pour se persuader qu'on est toujours vivant…
A : Quel ennui…c'est à n'y rien comprendre…
B : Que fait-on ici ?
A : « Voilà ce qu'il faut se demander. Nous avons la chance de le savoir. Oui, dans cette immense confusion, une seule chose est claire : nous attendons que Godot vienne. »
Vous n'avez rien compris ? Normal, il n'y a rien à comprendre. Métaphore du vide, de la vanité de l'existence, absurdité de l'absurde ? Peut-être, mais
Beckett lui-même disait qu'il n'avait
pas eu l'intention de donner un sens caché à sa pièce. Pirouette d'auteur ? Allez savoir…
Le mot de la fin à Estragon : « Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent ».