AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Daniel_Sandner


Retour de lecture sur “Fin de partie”, une pièce de théâtre écrite en 1957 par l'écrivain, poète et dramaturge irlandais, d'expression française et anglaise, Samuel Beckett, qui a obtenu le prix Nobel de littérature en 1969. Dans un décor très dépouillé, la pièce met en scène quatre personnages physiquement handicapés qui semblent vivre dans un monde dévasté et post-apocalyptique. Les deux principaux personnages sont Clov, le serviteur malvoyant qui est le seul à pouvoir se déplacer librement et Hamm son maître, aveugle et cloué dans un fauteuil roulant. Viennent ensuite Nell et Nagg, ses parents culs-de-jattes qui ont perdu leurs jambes dans un accident de tandem et qui vivent dans des poubelles. Ils semblent tous se détester, Hamm en veut à son père de l'avoir engendré, il empoisonne également sa mère qui semble mourir. Son père le hait car il lui reproche de les maltraiter. Clov menace sans arrêt de partir, mais ne se décide jamais vraiment. Les dialogues sont assez particuliers puisqu'ils n'ont apparemment que peu de sens et d'intérêt, le tout est très décousu et les personnages se répètent souvent et parlent beaucoup pour ne rien dire. Les répliques prennent du sens lorsqu'elles sont prises isolément, mais le dialogue lui-même est souvent un dialogue de sourds. Tout cela semble faire partie d'un rituel familial puisque le serviteur répète sans cesse que « quelque chose suit son cours » et qu'on avance très lentement mais sûrement vers cette fameuse fin de partie. Cette pièce qui a d'abord été écrite en français est souvent associée au théâtre de l'absurde, bien que Beckett réfute l'appartenance à tout courant littéraire. C'est une pièce très minimaliste et une lecture à laquelle il convient d'être préparé pour l'aborder de la bonne manière. Sinon, une ou plusieurs  lectures peuvent facilement être enchainées, la pièce étant très courte. Sa lecture n'est pas particulièrement passionnante, étant dépourvue de toute intrigue, et même d'action, ce n'est qu'une succession de dialogues décousus et fragmentés. La quatrième de couverture parle d'humour, c'est un humour qu'on perçoit difficilement à la lecture de la pièce. Il y a surtout beaucoup d'ironie, beaucoup de pessimisme (peut être justifié) et une vision de l'humanité, de sa nature et de son avenir très noire. La lecture est très souvent perturbée par de nombreuses indications de mise en scène. Cette pièce semble donc dans tous les cas, plus intéressante jouée que lue. L'intérêt de cette lecture se limite pratiquement à son côté purement littéraire, en étant une pièce du XXième siècle associée au théâtre de l'absurde. Son thème principal est donc l'absurdité de la vie dont la seule fin possible est la mort, mais elle aborde également de nombreux autres thèmes comme la dépendance, la cruauté, l'aporie, l'immobilité, l'inaction, et le temps qui passe. La pièce ayant été écrite au début de la guerre froide, elle évoque aussi par de nombreux aspects le cataclysme nucléaire. le titre de la pièce pourrait faire référence au jeu d'échecs, la “fin de partie” étant une phase importante dans ce jeu et Beckett connu pour en être adepte. Hamm serait alors un roi condamné, privé de toute mobilité, et Clov le valet qui lui tourne autour pour le mettre mat. A lire certaines répliques de Hamm, il semble clair que cette fin de partie ne concerne pas uniquement les personnages de la pièce en fin de vie, mais que ce soit toute l'humanité qui va vers un “échec et mat” depuis son entrée dans l'ère nucléaire. C'est une pièce qui redevient pleinement d'actualité depuis le conflit ukrainien, qui nous rappelle de manière glaçante la situation absurde et dangereuse que nous subissons depuis le début de la guerre froide. Pour conclure, il s'agit d'une lecture pas forcément très agréable, ni très gaie, mais la pièce est tout de même très intéressante, par sa complexité, sa subtilité, et bien sûr les très nombreux thèmes abordés. C'est en tout cas une très bonne manière d'aborder ou de découvrir le théâtre de l'absurde, version Beckett.

__________________________________

HAMM:
J'ai connu un fou qui croyait que la fin du monde était arrivée. Il faisait de la peinture. Je l'aimais bien. J'allais le voir, à l'asile. Je le prenais par la main et le traînais devant la fenêtre. Mais regarde! Là! Tout ce blé qui lève! Et là! Regarde! Les voiles des sardiniers! Toute cette beauté! (Un temps.) Il m'arrachait sa main et retournait dans son coin. Epouvanté. Il n'avait vu que des cendres. (Un temps.) Lui seul avait été épargné. (Un temps.) Oublié. (Un temps.) Il paraît que le cas n'est... n'était pas si... si rare.

CLOV:
Un fou? Quand cela? 

HAMM:
Oh c'est loin, loin. Tu n'étais pas encore de ce monde.

CLOV:
La belle époque!

Commenter  J’apprécie          166



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}