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Critique de Lucilou


Je ne dédaigne pas, en littérature médiévale, aborder d'autres rivages que ceux de la légende arthurienne, même si ces derniers demeurent pour moi les plus beaux et de loin. Néanmoins, il est une histoire qui peut prétendre défier l'épopée d'Arthur: celle de Tristan et Iseult dont la grâce déchirante nous offre des pages sublimes, qu'elle qu'en soient les interprétations.
Il n'y a pas qu'une version de Tristan et Iseult et le récit que nous connaissons tous s'enracine dans de multiples traditions dont il est la synthèse.
Une gwerz bretonne du IX°siècle chante déjà la passions des amoureux cornouaillais et se serait inspirée pour ce faire de légendes celtiques très anciennes voire archaïques, de mythes irlandais et gallois. le XII°siècle en donne ensuite ses versions, qui, si elles se parent des oripeaux brillants de l'amour courtois lui font perdre un peu de ses brumes et de son souffle. le normand Béroul rédige la sienne -qui demeure fameuse- vers 1170, Thomas d'Angleterre s'y emploie cinq ans plus tard suivi de près par Marie de France, Eilhart von Oberge ou Strassurd. D'autres encore suivront qui conserveront de la légende sa trame originelle tout en y injectant un peu de leur époque... et c'est aussi cela: ses multiples réécritures qui confèrent à ce récit son immortalité...
Au XX°siècle, on doit à Joseph Bédier d'avoir reconstitué une version complète de l'histoire à partir des textes connus et de fragments divers et anonymes. A lui aussi le soin de lier ensemble les pièces du puzzle.
L'histoire des deux amants de Cornouailles est donc un diamant brut que les siècles ont enchâssé dans des gangues successives, cohérentes. Si on les dépouille, si on les arrache, si on cherche la pureté du fond derrière les volutes, que trouve t-on? On y reconnait, intacte, une histoire somme toute pas si compliquée bien que tourmentée.
La passion sous l'amour courtois.
La sorcellerie et la cruauté derrière la mer d'azur.
La beauté derrière la joliesse.
Le poids du destin plus fort que la main de dieu.
Voici ce qu'elle révèle l'histoire ainsi déshabillée, offerte, si on prend le temps de la bien lire et mise en mots comme jamais auparavant (et ça!). Mais après tout, qu'importe qu'on la préfère vêtue de soie ou dénudée cette histoire... Elle demeure ce qu'on fait d'elle depuis toujours, Tristan et Iseult seront toujours des amants magnifiques et ce quelle que soit leur apparence, desquels la passion et la mort auront raison, desquels aussi l'amour décuplera le feu. Ils seront toujours les premiers amoureux maudits, riche de leur malédiction et c'est sublime.
L'histoire des bardes et des poètes commence par les noces du roi Rivalen avec Blanchefleur (Bleunwenn) , la soeur de Marc (ou Marc'h), souverain de Cornouailles. C'est un mariage d'amour mais le bonheur est fragile: Rivalen ne tarde pas à quitter son épouse pour guerroyer. Il périt avant même que Blanchefleur n'ait mis au monde leur fils. L'enfant né dans le chagrin s'appellera Tristan. L'histoire ne dit pas combien furent déchirants les sanglots de l'enfant né sans père et dont la mère mourut juste après lui avoir donné le jour. Passant des mains de Rohalt à celles de l'écuyer Gorvenal, Tristan sera ensuite recueilli pas son oncle Marc qui l'aime comme un fils. En ce temps là, les Cornouailles devait un lourd tribut à l'Irlande auquel Tristan, devenu beau et fort, veut mettre en fin. Il aborde les côtes de la verte Irlande où son histoire s'emballe.Blessé par l'épée empoisonné d'un géant sanguinaire il ne doit son salut qu'aux talents de guérisseuse d'une princesse irlandaise. La belle Iseult -car c'est elle- est bientôt choisi pour devenir l'épouse du roi Marc, en gage de réconciliation entre les deux royaumes. Parfois, les événements ne tiennent qu'à un fil...ou à cheveu (d'or). Marc confie à son neveu -il lui fait pleinement confiance- le soin d'escorter sa future reine de son île à la Grande-Bretagne. de son côté, la mère de l'épousée, inquiète pour sa fille, avait concocté et remis à la servante d'Iseult un philtre destiné aux futurs époux, philtre puissant qui devait faire naître en eux un fol amour, au point de rendre fatale la moindre séparation. le breuvage épanchera par erreur la soif de Tristan et Iseult pendant leur voyage en mer et les liera plus étroitement qu'il n'est possible de le croire. Mais cet amour est impossible et interdit et s'il offre aux amants éperdus d'ineffables joies, il leur fera aussi don d'intolérables souffrances, puisqu'ils ne veulent pas y renoncer. Les histoires d'amour finissent mal en général... mais avant son dénouement "Tristan et Iseult" nous réserve des passages extraordinaires, inoubliables: la fuite en forêt, la chasse, l'épée plantée entre les deux amants, les lépreux, l'eau hardie, la souffrance et la naïveté du roi Marc, la cachette dans l'arbre, l'ordalie d'Iseult... et ce jardin, et cette chambre dans laquelle coule une rivière! Tant d'épisodes fameux, marquants, forts comme dans un roman d'aventures et surtout comme autant de bijoux offerts à la légende pour qu'on la regarde encore et encore, même après des siècles et des siècles.

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