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Critique de LaBiblidOnee


« La température était tombée en dessous de moins quarante degrés. La neige se fit bleue et la limite entre terre et ciel s'estompa. le soleil, dépouillé de sa splendeur et privé de son éclat, végétait désormais dans une misère prolétarienne. le froid vif buvait toute sa chaude et vivifiante liqueur - désormais seuls le feu de bois, l'amour et trois cents grammes quotidiens d'un pain mêlé de cellulose et d'arêtes de poisson devaient nous défendre contre la mort. »
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Presque tout est dans cette citation. Presque. Peut-être manque-t-il le nom de cette mort : Staline.
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Dans ce récit autobiographique, l'auteur raconte comment il a été le seul de sa famille à survivre, étant enfant, au système répressif russe des années 1940 : déporté polonais dans un village surveillé du goulag, il côtoie quotidiennement la faim, la misère, le lavage de cerveau, les emprisonnements, les disparitions mystérieuses et, bien sûr, la mort, bien trop tôt et bien trop banalisée.
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Parce que c'est l'enfant qui raconte, on entrevoit comment l'enfance elle-même a contribué à le sauver, au même titre que sa foi, la poésie mais, surtout, son humanité qu'il ne s'est jamais laissé ôter par le pouvoir, même lorsque celui-ci s'acharnait sur sa famille comme un mauvais sort. Aperçu d'un ordre politique répressif et inhumain, ce texte d'une centaine de pages est, à travers les péripéties des personnages, un témoignage de ce que l'humain fait de mieux, et de ce qu'il fait de pire.
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Mais si son principal intérêt est le témoignage sur le vif de la vie dans ces camps, je ne le qualifierais pourtant pas de bouleversant car l'auteur, justement, n'en fait pas des tonnes : il décrit des situations révoltantes avec la plume de celui qui est face à une certaine fatalité banalisée, même si à sa manière il y résiste, armé de sa seule joie de vivre et de l'amour de sa mère qui le protègera, du moins un temps, puis d'une mère au sens plus large. Ou peut-être met-il une distance volontaire, salutaire, entre ce qu'il vit et ce qu'il raconte, qui place également, de fait, le lecteur en retrait de l'action et surtout du ressenti.
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Contrairement à mes attentes, dues notamment au titre, je ne qualifierais pas non-plus ce texte de d'éminemment poétique, même s'il n'est pas dénué de passages qui le sont. Il est simple, efficace, bercée d'une certaine douceur envers les personnages et même d'une certaine tendresse y compris envers les méchants, qui finissent d'une manière ou d'une autre par montrer une âme timide sous leur carapace de communisme. Il est en tous les cas instructif et édifiant, et finit même, à force de le caresser des yeux, par en devenir touchant, dans sa retenue et sa pudeur.
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Sur le thème, j'avais également adoré découvrir, il y a très longtemps, le texte qu'Alexandre Soljenitsyne avait composé lorsqu'il était au bagne (entre 1948 et 1952), sous forme de long poème pour le mémoriser sans subir la censure ni la mort. Il y a quelque chose de vraiment puissant dans cette forme qui servait le fond, essentielle à son existence et, plus encore, indispensable à sa transmission. Quand on y pense, l‘exercice est complètement fou, la prouesse incroyable. Je vous le recommande en complément si vous souhaitez explorer le sujet !
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