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Critique de motspourmots


Je ne sais pas si je vais réussir à parler comme il faut de ce livre que j'ai beaucoup aimé et qui m'a également profondément émue à la fin... le fond est riche malgré l'épaisseur relativement modérée du volume - moins de deux cents pages - et le style suffisamment singulier (cette écriture à la 2ème personne...) pour créer un lien étroit avec le lecteur. C'est l'histoire de deux solitudes. C'est aussi une peinture assez terrible du monde du travail et des monstres qu'il génère. C'est une histoire de résistance, quand arrive le moment où l'on a encore le choix de dire non.

Les deux solitaires n'ont a priori rien en commun : elle est jeune diplômée récemment embauchée dans l'entreprise pour superviser l'équipe de vendeurs ; lui est surnommé "l'ancêtre" à cause de ses quarante années passées à sillonner les routes pour vendre ses collections de papier peint, depuis la création de l'entreprise. Rachats, évolutions, transformations... La petite entreprise familiale est devenue un grand groupe en diversifiant ses activités... Pourquoi se contenter de vendre du papier peint alors qu'on peut agir sur l'ensemble de ce qui constitue le décor, meubles, luminaires... Tout ça, "l'ancêtre" s'en fout. Lui, il est le roi du papier peint, d'ailleurs son secteur est celui qui réalise le meilleur chiffre, de loin... Qu'à cela ne tienne, l'entreprise doit évoluer, les vieilles méthodes sont priées de débarrasser le plancher et la jeune diplômée est sommée de se débarrasser de "l'ancêtre"...

En alternant les chapitres en compagnie de l'un ou de l'autre, l'auteur nous fait pénétrer au coeur de l'absurde. Lui n'a que la route, les kilomètres qu'il s'amuse à cumuler et à transformer en nombre de voyages terre-lune... La route lui a coûté sa famille, femme envolée, enfants distants... Mais c'est en virtuose qu'il exerce son art, presque applaudi par ses clients, friands de ses argumentaires plus poétiques que publicitaires. Elle espère réussir comme le souhaitait son père avant de mourir... Famille modeste, mère distante, pas d'amis pas le temps à cause des études puis du travail... C'est une belle opportunité ce poste, l'indépendance, une carrière, quitte à devoir se plier à des exigences absurdes... Pourquoi se séparer de celui qui rapporte le plus à l'entreprise ?

L'auteur n'a pas son pareil pour décrire le quotidien du VRP (zones commerciales interchangeables, mauvais cafés des selfs d'autoroute, hôtels impersonnels...) ou les affres d'une jeune cadre soudain confrontée à la triste réalité du terrain et des petits chefs. Pas son pareil non plus pour mettre de la poésie dans ces tristes vies... La poésie, les mots, la littérature, voilà qui peut-être parviendra à les sauver ; "l'ancêtre" est accompagné par Rimbaud dont il aime souligner le parcours parallèle au sien, la jeune diplômée est tentée de se replonger dans ses livres pour essayer de comprendre le monde qui l'entoure. Et puis les rencontres. Les relations, la confiance. Casser ce cercle vicieux de la solitude, recommencer à rire, sortir, discuter... à vivre, quoi. Trouver simplement le courage de dire non et terminer sur une belle note d'espoir.
Pas évident de parler de l'entreprise sans trivialité et là, c'est franchement réussi, comme si l'auteur (cadre dans les télécommunications) connaissait bien son sujet. C'est un super bouquin et j'espère que sa toute récente parution en poche lui offrira plein de nouveaux lecteurs.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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