Voici un de mes mes lectures lues cet été dans le cadre du prix du roman Fnac, "
ils désertent," est un joli roman sur le monde du travail, mais qui hélas, quelques semaines après sa lecture, et un peu hélas comme la plupart des autres de la sélection, ne m'aura pas laissé un souvenir impérissable .
Et pourtant, un peu à ma grande surprise, le livre plait beaucoup aux jurés littéraires, car il est pour l'instant sur la seconde liste des Goncourt et la première du Fémina, et en même temps, le livre a beaucoup de qualités, et n'est pas hyper médiatisé, donc cette annonce ne me dérange absolument pas.
Je ne connaissais pas l'auteur (cf photo), pas forcément très populaire et très médiatisé, mais j'ai appris après avoir lu son dernier roman qu'il a notamment été, dans une vie antérieure, cadre à France Télécom.
Une fois licencié, il s'est fait une spécialité autour de romans qui traitent du monde du travail de façon critique et réaliste (les deux ne vont pas sans l'autre). On imagine fort bien qu'avec France Télécom,
Beinstingel a mis beaucoup de ses expériences professionnelles dans ses romans.
Ainsi, dans son précédent opus, "
Retour aux mots sauvages»,
Beinstingel posait l'action du livre dans une très anonyme compagnie d'assurances. Ses héros, ou plutôt ses antihéros, n'étaient plus que des voix au téléphone, priées d'envoyer gentiment les clients balader.
Dans «
Ils désertent», l'écrivain situe une nouvelle ois son intrigue dans une petite entreprise., mais dont la branche d'activité diffère sensiblement. En efet, cette dernière distribuait jusqu'ici du papier peint, article un peu démodé. Elle entend désormais se diversifier dans le doute. Pourquoi ne pas proposer, par exemple, des canapés? Un des représentants s'y refuse. Il s'agit de «l'Ancêtre». Il y a quarante ans qu'il est là. Chaque saison, il fait coller des échantillons dans de beaux albums. Il a ses fidèles clients. Son système a beau sembler obsolète,il fonctionne, mais jusqu'à quand?
Le roman possède, comme je le disais au début du billet, d'évidents atouts, notamment son type de narration, particulièrement original : quand l'auteur parle de la jeune femme il utilise le tutoiement, et le vouvoiement quand il s'agit de l'homme. Cela donne une distance. Les faits sont énoncés sans jugement, donnant deux éclairages différents sur les tranches de vies..
Elle est une jeune commerciale qui en veut, promue chef des ventes de cette société de papier peint qui décide de l'innovation du siècle : vendre des canapés pour accompagner les nouveaux murs. Elle achète à crédit un appartement vide et neuf dans une résidence vide et neuve où l'humanité est réduite à une vieille voisine à fleurs et à des vandales.
Lui, dit l'ancêtre, sillonne la France depuis quarante ans pour vendre les papiers peints de ladite entreprise, la clope au bec au volant de son break, désespérément seul dans ses miteux hôtels de passage si ce n'est sa passion incongrue pour
Rimbaud, née lorsqu'il a découvert que le célèbre poète avait été comme lui un commis voyageur. Saint
Rimbaud des VRP.
Deux personnalités, deux générations. Presque tout sépare la jeune femme et le représentant de commerce. Elle veut réussir dans son boulot et dans sa vie professionnelle qui connait enfin un espoir de vie meilleure. Il suit une routine qui le rassure et les milliers de km qu'il a parcouru dans sa vie le ramènent au même endroit. Leur seul point commun : la solitude (
ils désertent, île déserte, comme la citation du début l'illustre).
Bref, vous l'aurez compris, nous ne sommes pas dans un roman léger et rigolard (contrairement à Haut et Court également chronique sociale désenchantée, lu un peu après, mais chroniqué avant) et l'auteur excelle à dépeindre cette France des zones commerciales, des ronds-points et de panneaux criards qui symbolise si bien notre société mercantile ( un peu comme le faisait Herven et Delépine dans le grand soir).
Pourquoi avec toutes ces qualités, ce roman ne m'a pas emballé comme j'aurais aimé l'être? Peut-être que parce que sur un thème similaire, on ne peut s'empecher de penser àdu Houellebeck, mais sans la même ironie, sans la même violence du trait, et plus embêtant sans le même humour. Avec un poil de dérision en plus et un ton un peu moins froid, je tenais sans doute un de ceux qui auraient pu faire partie de mes grands romans français de cette rentrée.
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