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Critique de Annezzo


Les aventures d'Augie March, 900 pages de Saul Bellow, écrites vers 1950, alors qu'il vivait à Paris. Saul Bellow fut Prix Nobel de Littérature en 1976. Philip Roth le tenait pour LE auteur et conseillait son chef d'oeuvre de jeunesse, la vie du petit Augie. J'ai suivi son conseil, acheté le livre.
Bon, voyons ça.
C'est Augie qui parle, Augie qui a neuf-dix ans, au début. Il raconte, son quotidien, tous les gens qu'il croise et qui font son décor, tout ce qu'il note des petites choses intrigantes de la vie. Au départ, je me suis demandée : est-ce que Saul Bellow est un génie qui sait retranscrire la pensée enfantine, ou a-t-il conservé suffisamment d'enfance en lui pour raconter ça en toute simplicité, dans ce style fouilli fourni qui est peut-être tout bonnement le sien ? C'est impressionnant de naturel, les années d'enfance d'Augie. Chicago, avant la crise de 29. Quartier populaire, sans être dans la misère totale, c'est le système d'chez la dame un peu autoritaire qui les accueille et emploie la mère. La Mama ? Oui, gentille, un peu bébête dit-il, comme son petit frère qui est simplet, et le grand frère qui se pose là. Un père ? Aux abonnés absents. Ce serait le quartier juif de la ville, mais ce particularisme apparait comme une sorte d'évidence sur laquelle on n'a pas besoin de s'attarder.
Et Augie raconte. Et ça déferle. On se croirait face à un petit gamin droit dans ses pompes, craquant, qui a mille choses à dire, avec sa petite mine concernée. Et on écoute, attendris par ce petit bout de chou si sérieux, on ne rit pas, on dit oui oui, on ne l'interrompt pas, tant ça a l'air de lui tenir à coeur.
Et on décolle pour un moulin ininterrompu de phrases de 12 km, un à-la-ligne toutes les 3 pages, les mots du petit garçon se déversent, on suit si on peut, on en garde des touches, des impressions, devenant gosse nous-même. Je ne me lassais pas, tout en me demandant ce que je foutais là, mais j'ai continué.
Il a une jolie manière de présenter chaque personnage en commençant systématiquement par une petite description physique. La peau, par exemple. Untel a "une belle peau saine", Bidule a "une peau bizarrement blanche", et la corpulence, les cheveux, et s'il y a une gourmandise à attraper, il précise, un teint de fruit aux belles joues rosées, de beaux cheveux brillant au soleil, une rassurante impression de solidité. On fait ainsi la connaissance de tous ceux qui composent le petit théâtre de la vie d'Augie le petit bonhomme. Il y a une sorte de sensualité toute simple, qui rend la lecture onctueuse.
Puis Augie grandit, on grandit avec lui, son langage aussi évolue. Il a quinze ans, son frère est un grand, presque monsieur, lui il s'intéresse aux filles. On le connait bien, à présent, on continue l'aventure avec plaisir en sa compagnie. La déferlante de mots a quand même cédé la place à un discours d'adolescent curieux de tout, puis Augie a vingt ans, des fiancées, des amours, des doutes. Et des maîtres à penser, et des exemples à suivre ou pas. Toujours le système D, d'autant que la crise de 1929 est passée par là, les maîtres à penser ont fait faillite, tentent de se maintenir quand même, et pourtant, en furetant, on trouve du boulot, on se frotte à la vie, ça passe. Augie garde sa légèreté, sa curiosité, sa sensualité, il ne juge toujours pas, et aime toujours décrire les belles peaux en faisant des phrases de 12km.
On grimpe sur les trains bondés de SDF, on s'envole en aigle au Mexique, on milite, on esquive les beaux mariages, on flotte sur un radeau, c'est notre Augie, notre copain, qui ne sait toujours pas vraiment ce qu'il veut, et apprend petit à petit à savoir ce qu'il ne veut pas. Plus ou moins. Rien de plus péremptoire.
Alors, je le conseille, ce pavé tout fouilli ?
La balade a été bien riche et charmante en sa compagnie. Passé l'étonnement - l'agacement ? - des phrases sans fin, on s'habitue, on avance, ça ressemble à la vie, et finalement, en tournant la dernière des neuf cents page, on en voudrait encore, des tranches de vie avec notre pote. Alors oui, si ça vous dit…
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