Je connais la haine, le mépris, l’humiliation mieux qu’il ne l’imagine, depuis plus longtemps, depuis toujours. J’ai surmonté tout ça. J’ai appris à ne plus m’y fracasser à coups de poing ou de tête, à les esquiver, devenir plus noir encore et les absorber comme les trous noirs absorbent l’énergie autour d’eux. Je les vide de toute substance. Je les épuise.
La mort ne m'enlèvera rien de ce que j'ai aimé. Rien de ce que j'ai vécu. Je connais mes jours passés, je ne sais rien de ceux qui m'attendent, ni de quelles joies la mort me priverait. ... Je n'attends rien des jours qui viennent, je ne les crains pas non plus, je me contente de les vivre, acceptant ce que chacun m'apporte.
A l'école, on apprend d'autres choses que le programme. A la guerre, on n'apprend que la guerre.
Les mots cinglant l’air comme des fouets, cherchant à détruire en vous toute velléité d’indépendance, de révolte, ou seulement d’une existence propre.
Sa théorie est qu'un homme comme lui n'accepte pas ce qu'il a accepté pour l'argent, pas uniquement en tout cas, que ça se joue ailleurs, au plus profond du cerveau et que l'argent n'est qu'un prétexte. Elle l'a vu dans ses yeux, paraît-il. Moi, je sais qu'elle se trompe, qu'elle n'y a vu que ce qu'elle voulait voir, que c'est plus confortable d'imaginer qu'il a envie de l'affronter plutôt que d'assumer son envie de tirer sur un homme prêt à parce qu'il n'a pas d'argent, qu'il n'en a jamais eu et qu'il en a besoin. Il n'est pas question d'honneur, d'envie de se mesurer, de prouver quoi que ce soit. Il est question d'argent, c'est tout, car en manquer, c'est ne penser qu'à ça du matin au soir. Jour et nuit. Tout le temps. Et on se moque bien que Schubert existe, on se fout de Mozart et de la littérature, on compte. On compte jusqu'au jour où on est prêt à mourir. Ou à tuer. Mais Madame n'a jamais dû compter. Elle ne peut pas comprendre.
Ça vaut quoi la vie d'un homme ? D'un homme comme lui. Un homme sans rien. Clochard. Va-nu-pieds. Un homme que personne n'attend et n'attendra plus jamais. Ça vaut combien une vie qui ne vaut plus la peine d'être vécue? Une vie d'invisibilité, sans amour, à la lisière du monde. La vie d'une ombre.
Des mots pour être entendus quoi qu’il en coûtera à celui qui les entend comme à celui qui les dit. Des mots qui explosent le temps, qui le marquent à jamais, qui l’arrêtent, qu’on n’oublie pas, dits pour ça, sur lesquels on ne revient jamais, qui remettent à zéro. Solde de tout compte s’il se peut. Qui vous laissent brisé, broyé, petit enfant, sans rien, sans voix, qu’il faut laisser glisser, laisser passer et prendre pour ce qu’ils sont, rien de plus, rien d’autre que des mots, l’expression d’une colère, de douleurs tues trop longtemps et dont, sans doute, on est la cause, même si l’on n’est pas la seule. Des mots qu’il faut écouter, accepter sans répondre, pas mot pour mot, pas tout de suite.
Mais les mots écrits sont différents de ce qu’ils sont quand on les dit. Et ceux qu’on lit autres que ceux que l’on entend, plus lourds, empesés, emphatiques.
La vie n'a d'autre prix que celui qu'on lui donne.
N'être rien d'autre qu'un homme qui compte jusqu'à n'être, un jour, qu'un homme qui ne compte plus car l'argent compte plus que les hommes et la dignité se mesure à son aune, quoi qu'en disent ceux qui n'en ont jamais manqué
Je suis sans contours. Sans peau ni rien entre le monde et moi qui me protège. Rien qui me tient.