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Critique de Mayakrochka


Tahar Ben Jelloun nous offre dans ce brillant récit une réflexion à taille humaine sur la migration et l'exil, à travers la figure de Mohamed, immigré en souffrance qui exorcise sa douleur dans le travail et dans l'islam. Mais quand Mohamed est mis de force à la retraite, il ne lui reste plus que sa spiritualité, seule ressource face à sa mort qu'il sait prochaine. le sentiment d'être devenu inutile à la société le convainc en effet que cette mise à l'écart du monde social sera inéluctablement suivi de sa disparition du monde, que l'heure de sa retraite sera aussi celle où l'on sonnera le glas pour lui.
Le combat pour la vie s'effectuera alors par une croyance sans faille et teintée de mysticisme au salut qui ne pourra être octroyé, pense-t-il, que par le retour au pays.

Ces pages aux parfums du Maroc nous livrent une touchante réflexion sur la terrible condition de l'immigré, confronté à cette « double absence » qui fait de lui un être perdu, un éternel étranger n'ayant sa place ni ici, ni là-bas. Comment vivre, sans identité, sans attaches, sans reconnaissance ? Comment survivre lorsque, déjà étranger sur des terres étrangères, l'on finit même par devenir étranger chez soi, aux yeux des siens, de ses enfants, de son pays natal ? Comment mourir dignement dans ce monde qui a fait le choix d'abandonner les humains et de les laisser dépérir dans l'oubli et la mélancolie ?
Peinture de la condition de l'immigré ou tout simplement de la condition de l'homme contemporain, perdu dans les méandres de la modernité cruelle, faites de questions sans réponses, d'existence sans essence, cette magnifique fable fait jaillir une morale universelle. Car dans nos sociétés mouvantes, rendues folles par la vitesse et la dégradation de la personnalité et des relations humaines, personne n'est à l'abri d'un déracinement existentiel.

"Au Pays" témoigne de la difficulté à se faire une place dans nos sociétés contemporaines, où les individus se côtoient sans se regarder. Il donne un visage aux souffrances liées à l'exil irréversible, au cours duquel l'homme perd tout ce qu'il a, à la désolidarisation des liens familiaux, et humanise la déchéance de l'homme face à l'écoulement du temps et à la solitude. Dans ses conditions, qu'est-ce qui fait de l'humain un être humain ? Sa foi, semble nous répondre Ben Jelloun. L'islam et l'amour que Mohamed ressent pour Dieu sont devenus la seule maison de cet homme sans refuge.

Bref, une ode à la tendre humanité en perdition et à la vie que cette dernière ne maîtrise plus.
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