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Critique de babounette


LES DEMEURÉES - Jeanne Benameur - Roman - Éditions Folio - Lu en novembre 2023.

NOIR, pas sombre ou gris, noir est ce roman.

Triste, marquant, je me suis sentie tellement privilégiée face à cette maman démunie de qui personne ne s'est jamais soucié et que les villageois appellent l'Abrutie, La Demeurée, La Varienne, aucun prénom.

Et puis, la petite, qui par hérédité est aussi nommée la demeurée, la fille de la Varienne, née d'on ne sait quel père et qui porte le si joli prénom de Luce, lancé comme un cri par la maman lors de sa naissance, c'était une évidence, qu'elle s'appelle Luce la petite que tout le monde lui disait "de faire partir"

Luce est tout ce qu'elle a de plus précieux, sa petite lumière.
elles ne sont pas deux, elles sont une.

La Varienne et Luce vivent "dans une maison de rien", Luce à cinq ans, sa mère fait le ménage chez "Madame" , une dame bien née elle.
Elles vivent chichement, se parlent peu, on dirait que les mots sont de trop. Tout est dans leurs yeux, dans leurs gestes.

"Rien que le silence qui pétrit le sang et la chair" pge 12

Elles ne fréquentent personne, elles dorment dans le même lit. Ainsi vivotent-elles cahin-caha, solitaires mais solidaires.
"Luce a un trésor, une toute petite dent, très blanche, lisse. Elle la caresse longuement. Sa main serre jusqu'à la douleur"

Et puis, il y a Mademoiselle Solange, la douce institutrice, l'école est obligatoire et Luce doit s'y rendre. Un déchirement pour la mère et pour Luce.

"La Varienne n'a pas regardé Luce partir. C'est brusquement , une fois la porte fermée, qu'elle s'est levée. Elle a suivi sa petite, comme font les chiens dont on ne veut pas, de loin...
Les deux bras ballants, devant l'édifice qui avait dévoré sa petite, plantée devant la grille close, jusqu'à ce que Mademoiselle Solange vienne lui dire : il faut partir maintenant"

Luce ne participe pas, ne parle pas, n'écrit pas, elle est ailleurs, mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, elle enregistre tout, presque à son insu, jusqu' au jour où Mademoiselle Solange lui apprend à écrire son nom de famille. Depuis ce jour-là, la petite n'est plus allée à l'école, elle est tombée malade.

"Mademoiselle Solange voit la place vide de Luce et elle se demande ce qu'elle a bien pu dire pour que l'enfant s'enfuie. Elle n'arrive plus à trouver la paix. Quand ses élèves repartent, le soir, elle a maintenant du mal à quitter la classe. Quelque chose la retient.
Devant le tableau, elle demeure.
Qu'a-t-elle dit ? Qu'a-t-elle fait ?" pge 49

Et Mademoiselle Solange dépérit, tombe malade de ne pouvoir aider Luce, elle se met mentalement dans la tête de Luce, dans sa solitude, elle se sent Luce. Un nouveau professeur vient la remplacer.

Il y aurait encore tant à dire sur ce livre, mais je vais m'arrêter là, car la suite n'est pas non plus joyeuse, on a le coeur bien lourd.

Mais paradoxalement, c'est beau, je ne sais plus qui a écrit "les livres les plus beaux sont les livres les plus tristes", ou quelque chose comme ça.

Et bien c'est vrai. C'est beau parce que l'écriture de Jeanne Benameur est superbe, juste les mots qu'il faut, ni trop, ni trop peu, ses mots parlent, ses mots crient, ses mots pleurent, ses mots brillent, ses mots éclatent et ne forment qu' ÉMOTION.

Luce veut dire lumière, alors, juste pour vous dire que malgré la noirceur il y a une petite lueur qui brille pour Luce.

Vous dire que le roman Les Demeurées de Jeanne Benameur m' a marquée, c'est peu, je ne suis pas prête d'oublier La Varienne, Luce et Mademoiselle Solange, cette lecture m'a remuée au plus profond .
Je mettrais bien le livre tout entier en citations. Il n'y a rien à ôter, rien à ajouter. 81 pages, un petit livre mais géant de par ce qu'il dégage.

Ah si, la couverture, qui illustre si bien l'histoire.




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