Citations sur A ceux qui ont tout perdu (17)
S’il vient une rédemption au règne des humains, en un siècle lointain qu’on ne verra pas, elle ne se trouvera que dans la curiosité. On dit toujours, que c’est l’amour, qui sauvera tout. Mais qui peut affirmer pouvoir bien le définir, et aussi le faire durer ? Et comment pourrait-il y en avoir suffisamment, lorsque c’est déjà si vite des drames dans presque chaque famille ? On tue par amour, on ne tue pas par curiosité. Celui qui est curieux de l’autre, et de ce qui l’entoure, de ses coutumes, de ses lubies, de ses folies, il lui fait de la place dans sa compréhension. Ne pas être curieux c’est ça qui rend blasé, c’est ça qui rend amer, c’est ça qui rend méchant. C’est triste comme une légende qui s’éteindrait pour rien, c’est triste comme ça, c’est triste comme une couche de poussière sur un roman sublime.
Chaque flocon est unique, comme chacun de ces êtres, comme leurs iris dans leurs yeux. Sur cette petite place, des millions ou des milliards de flocons font du blanc, comme ça ils font ce qu’on appelle la neige. C’est avec des milliards d’identités qu’on fait une chose commune.
Et je ne peux pas emmener le bruit que fait mon parquet quand je rentre ! Et je ne peux pas emmener la tâche de soleil qu’il y a juste sur le haut de la couverture quand j’me réveille !
Ça va vite, le début d'une guerre, le début d'un effondrement. C'est comme un cheval affolé par le feu, ça s'emballe, ça prend la fièvre de l'envenimement. Mais on a dit le mot. On nous l'a fourré dans la bouche, les médias nous l'ont mis dans la bouche, et le mot, il s'est mis à exister dans le quotidien, et ça a été la guerre. La guerre commence ainsi, lorsqu'on la nomme, lorsque ce mot-là habite avec vous. Je m'en souviens quand je l'ai prononcé, et de son mauvais goût, le goût qui coûte. Cette parole était hésitante, lourde, capitale, parce qu'à l'instant où elle serait proférée, ça existerait.
Le malheur, on croit toujours qu'il cognera à la porte d'à côté. Pas à la nôtre bien sûr. On croit ça aussi pour la guerre. On croyait qu'elle touchait des pays fragiles, seulement. On ne sait pas quel en a été l'événement déclencheur.
Nous avons été de faux rois, avec un faux royaume. Les berceuses n'ont chanté que des mirages, en boucle, sur les walkmans. Maintenant, la chimère est brûlée. On en a lapé les cendres, les dernières traces de l'utopie; lapé la queue de cette comète. La langue en a été toute noire et asséchée. Et puis il n'y a plus eu de cendres du tout, que leur souvenir, et encore.
La peinture a été blanche un jour, mais rien ne reste blanc longtemps; le monde jaunit dès qu'il le peut ; le jaune serait donc la couleur du temps qui passe, la couleur du passé?
Car qu'est-ce que le sacré, si ce n'est une histoire dans laquelle puiser ses forces?
Qu'est-ce que le sacré, si ce ne sont des légendes que l'on élève et qui nous survivent?
Elle avait pleuré jusqu'à la vraie fin d'un pleur, jusqu'à ce que cela ne soit plus possible d'entretenir cette source qui fait couler la détresse, jusqu'à ce que les yeux en soient ruinés pour l'instant. Cela ne signifie pas que le désespoir s'en va, pleurer ne saurait parvenir à l'expulser. Mais on arrive à cette limite, au-delà de laquelle il ne peut plus se montrer, ne sort plus, et retourne se tapir dans l'âme. Les larmes sont de la sueur pour une âme inconsolable.
Les regards qui se rencontrent, ce sont eux qui amorcent tout, des amours et des insultes et des guerres.