AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,18

sur 66 notes
5
15 avis
4
8 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
Ce court roman nous offre dix chapitres et dix histoires à la fois terriblement proches et différentes. Proches car elles parlent toutes de départ et d'exil dans un pays en guerre. Différentes parce que les personnages ont chacun leur propre vécu.
La guerre, si elle n'est pas nommée, est toute proche. La mort aussi. Et, avec cet ordre de tout quitter, est abordé le thème de l'abandon et de la perte. Que prendre avec soi, que laisser ? Comment faire entrer toute une vie dans un seul sac ? Ces hommes, ces femmes, doivent agir dans l'urgence, surveillés par les soldats et sans savoir où on va les conduire. Certains obéissent avec fatalisme, d'autres se rebellent.

« Un homme hurle dans la rue. Ce n'est pas un soldat. C'est une voix de douleur. Il dit qu'il ne le peut pas. Qu'il ne peut pas partir. »

Chaque chapitre s'ouvre sur une histoire avec des personnages différents. Ce sont chaque fois des fragments de vie, des concentrés d'humanité.
Il y a des images étonnantes dans cette ville sous la neige où tout prend des dimensions incroyables, où règne l'inquiétude et les questions. Dans chaque histoire, il y a ce point de basculement où le destin des personnages est tout autre.
Un couple âgé, Manon et sa fillette Jeanne, Marek, un jeune sourd muet, ou encore une famille nombreuse, tous sont émouvants dans leur détresse et leurs incertitudes. Il y a aussi cette vieille dame si touchante dans l'admiration de son bouquet de tulipes.

« Elle se retourne vers cette pièce qui l'a vue vivre depuis tant d'années. Vers le bouquet dans le vase de sa mère. Elle s'en approche, et d'un pincement délicat, elle décroche un pétale. »

A travers ces fragiles personnages, Avril Bénard nous raconte avec pudeur et tendresse une histoire universelle qui sait nous toucher.

Commenter  J’apprécie          680
Sur un sujet difficile et si actuel, Avril Bénard nous offre un premier roman d'une intense humanité, à travers le portrait de personnages ( qui pourraient être nous) pris au piège de l'urgence qui précède l'exil,un temps compté qui révèle la part de lumière ou d'obscurité de leur âme et de leur monde en décomposition.

On ne sait pas où l'action se déroule, dans quel pays.On sait seulement que la guerre est à la porte et qu'il faut tout laisser ou presque derrière soi.
Le temps est suspendu et chacun se raccroche à ce qui fait sa raison d'être.

L'écriture sensible et délicate pose un regard infiniment précis et évoque admirablement les sentiments et les paradoxes qui nous habitent.

Comme le visage d'Avril Bénard,singulier et intemporel qui illustre les photos de Sarah Moon que je collectionnais,image poétique et, à présent, plume au grand pouvoir émotionnel.

Merci à Pierre-Louis Mascia pour cette découverte.
Commenter  J’apprécie          4911
"J'écris ces lignes pour rien, je ne les emmènerai pas avec moi, je les laisse ici, personne ne les lira. Je les écris parce qu'il m'a semblé pouvoir comprendre où ça avait capoté. Mais j'ai perdu le fil. Je l'ai senti me glisser entre les doigts, et je n'ai pas le temps de reprendre ces phrases pour le retrouver."

La fête de l'Occident, bonne conscience, trop loin, le désenchantement, crédulité et fragilité, la philosophie de comptoir, tout qui bascule, un tressaillement des corps, le début de l'effondrement, le marasme du chaos, un chemin de sortie, faire de son mieux, un visage clos, le son des pétales, la maison, des mauvais songes, une fade lumière, une nuée de corbeaux, le nécessaire et l'utile, un froid givré, une douleur sourde, les piles de livres, l'espoir comme une âme sans mot, un manteau bleu de libellule, les larmes d'une mère, la guerre affamée, une enfant sans âge, chiner ses restes, l'éclaboussure des mitraillettes, la couleur du passé...

Un grand et sincère merci à lecteurs.com et aux Éditions J'ai Lu pour ce roman humain avec des cendres, du coeur, et une douloureuse poésie.
Commenter  J’apprécie          420
Ce livre m'est arrivé par hasard lors d'une séance de dédicace par l'autrice dans ma librairie préférée. Je n'avais pas repéré l'évènement. « Aux rencontres qui sont dans nos bagages. » a écrit Avril Bénard sur la page de garde. Les belles rencontres sont aussi en librairie !

Dix chapitres pour ce roman singulier avec le récit d'une heure dramatique vécue par différents personnages... La guerre, on ne sait pas où... La ville assiégée. Des soldats sont là qui évacuent le quartier, donnant l'ordre de ne prendre qu'un sac par personne, uniquement le nécessaire. Chacun dispose d'une petite heure pour choisir quelques vêtements et objets, décider de la répartition entre l'utile et les souvenirs d'une vie. Puis monter dans les camions...

D'abord un chapitre introductif intitulé "Je". Un personnage, né en 1986 comme Avril Bénard, situe l'époque, la nôtre, le chaos qui s'installe petit à petit, les sentiments de peur qui montent, sur le mensonge d'une société de consommation et ses promesses de bonheur sans limites, la guerre aux portes de la ville, dans la ville. Ce "Je" est bien habile, c'est Avril Bénard et plus que cela, sa génération, un Jeu entre individualité et collectif... Puis chacun fait sa valise, son sac – ou pas – dans les chapitres suivants intitulés : Manon et Jeanne, Paul, Marek, une dame âgée, Louis, une famille nombreuse, Shoresh, Guy et son chien Totem.

On est surpris par le rythme. Peut-être la plus grande réussite de ce récit. Un moment d'histoire, guerre ou exode quelconque, là, maintenant, raconté au niveau de l'intime. Une heure où la vie bascule vers la fuite, l'incertain, l'angoisse, avec les bruits, les cris d'hommes et de femmes aux aguets. L'auteure, à travers un coup de feu, un cri, un souvenir lié à un voisin... fait se chevaucher les histoires, faisant lien entre les parties qui, sinon, seraient des nouvelles.

Unité de temps (une heure), de lieu (la ville), d'action (l'évacuation du quartier) rappellent les règles de la tragédie classique. Propos universel, hors du temps, sondant la condition humaine de tous ceux qui sont amenés à partir de chez eux, quelle que soit la raison : travail, guerre, climat...

Cette autrice excelle à introduire des digressions passionnantes. Nous focalisant sur quelques dizaines de minutes d'une vie, elle nous parle de concepts généraux concernant le temps long des hommes. La vie menacée, c'est de toute la vie de l'humanité dont nous parle Avril Bénard.

On suit une mouche bourdonnant dans la chambre de Manon ; la vieille dame achète des tulipes perroquets s'imaginant poétiquement voir une nuée de ces oiseaux bavards ; le chien de Guy voudrait bien courir dans le sens des oiseaux... Voici quelques unes des images étonnantes distillées au fil des pages. Les animaux se passent de construire des murs, dit-elle, déconstruisant les limites entre humains et non humains dans le grand tout de la vie, dans sa poésie de l'univers.

Avril Bénard a publié dans différentes revues littéraires. Son joli minois aux taches de rousseur et ses yeux attentifs, regardant droit devant, sont aussi sur de nombreux clichés de la photographe Sarah Moon, pour qui elle a posé depuis l'enfance. Elle prend la plume, trouvant une forme nouvelle pour raconter ce que vivent des personnages auxquels on s'identifie, désespoir et tendresse mêlés pour chacun – ah, Marek et ses piles de livres... Manon et la petite Jeanne sont vivantes, et Jeanne emporte un petit caillou ramassé sur le chemin en pensant que son père l'avait peut-être foulé...

Sylvie Germain dont j'apprécie l'écriture, puisant dans le conte et l'imaginaire, signe une courte et poignante préface, comme un passage de relai à une jeune auteure prenant en charge les mots (les maux) récoltés, comme la petite Jeanne, en chemin. Ce roman fait preuve d'une grande maturité, le parrainage est bien mérité. Avez-vous envie de le découvrir ?
******
Avec photo sur blog Clesbibliofeel, lien direct ci-dessous

Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
Commenter  J’apprécie          290
Dans un pays riche, qui semblait ne pas pouvoir sombrer dans la violence, où on parle français, la guerre fait rage. Les habitants d'un immeuble doivent être évacués, de force s'il le faut; ils ont une heure pour préparer un seul sac par personne, pour abandonner les animaux avant de partir pour un ailleurs inconnu et tout laisser derrière eux sans se retourner.
L'auteure nous fait vivre cet arrachement au travers de personnages très différents, aux comportements très différents :
*Manon, qui vient de perdre son mari dans un massacre et sa fille Jeanne, 5 ans qui doit surmonter son immense douleur pour sa fille
*Un couple de septuagénaires où le mari est odieux, où la femme est soumise, humiliée, dont la seule consolation est un vieux chien que le mari veut abandonner à une mort certaine et pour la vie duquel, elle se révolte pour la première fois
* Marek, d'origine polonaise, qui a déjà connu l'exil et qui refuse de partir et d'abandonner ses livres qui sont toute sa vie
* Suzanne, une dame âgée, qui est résignée et s'offre un dernier moment de bonheur, de couleur, en achetant un bouquet de tulipes alors qu'elle manque de tout
* Une famille nombreuse de cinq personnes
* Shoresh, réfugié kurde avec sa compagne et son frère sourd et muet, qui vivent un deuxième arrachement
* Deux âmes, Guy, SDF, et son chien Totem qui ont uni leur solitude en une relation profonde
Ce roman a les caractéristiques d'une tragédie grecque, fondée sur une unité de lieu (un immeuble) et de temps (1 heure), renforcée par la désolation d'un hiver très rude qui maltraite les corps. Les raisons de la guerre ne sont pas évoquées car nous ne sommes pas dans une étude géo-politique mais dans l'humain, dans la réalité de ceux qui souffrent au quotidien de la folie de leurs dirigeants, quelle qu'elle soit. Ce qui m'a frappée, en premier lieu, c'est la très grande dignité (à part le septuagénaire) de ceux qui sont brutalement arrachés à leur vie, sans espoir de retour, face à une sorte de mort.
Ce que chacun emporte dans l'unique sac montre qui il ou elle est, sans masque, sans faux-semblants. Les objets sont porteurs d'instants de vie, certains doivent être écartés, laissés derrière comme les souvenirs qu'ils évoquent .
Les chiens jouent un rôle majeur ; les militaires refusent de les emmener pour des raisons sanitaires. Mais un chien pour quelqu'un qui est seul, dépouillé de tout (Guy, le SDF) ou se sent seul (la vieille dame maltraitée par son mari), c'est un compagnon, un ami, de la chaleur de la confiance, du partage et l'abandonner, c'est comme abandonner un membre chéri de sa famille. J'ai eu les tripes nouées, le coeur au bord des lèvres, lorsque les militaires abattent le chien de Guy, le vouant au désespoir sans fin.
J'ai gardé le premier chapitre pour la fin alors qu'il ouvre le roman mais il me paraît être porteur du message que veut transmettre l'auteure comme une prédiction de pythie ; il est d'ailleurs intitulé « Je ». C'est un réquisitoire qui fait mouche, contre la société actuelle, fragile, matérialiste, aveugle aux signes précurseurs et un avertissement sur ce qui vient et pourrait être la guerre ou toute autre violence de masse. C'est un roman à portée universelle, intemporel et qui parle à chacun d'entre nous car personne n'est à l'abri, qui nous fait immanquablement nous poser la question : « Et moi, qu'est-ce que j'aurais emmené ? »
Cela faisait longtemps que je n'avais pas été aussi émue, secouée par un roman et surtout par l'écriture. Elle est incandescente, et malgré l'arrière-plan dramatique, empreinte de poésie. C'est un primo-roman magistral qui laissera longtemps sa trace dans mon esprit et dans mon coeur.
Commenter  J’apprécie          156
On ne sait ni où ni quand cela se passe; c'est intemporel.
"Vous avez une heure pour mettre dans un sac (et un seul) ce que vous voulez emporter."
Les mégaphones hurlent, les soldats sont nerveux, les camions où on va s'entasser sont prêts à démarrer: il faut fuir au plus vite: c'est la guerre et on tente de mettre des civils à l'abri.
C'était un peu la rafle des juifs sauf qu'eux, on ne les mettait pas à l'abri...c'est un peu ce qu'il se passe en cas d'incendie ou d'inondation...Je me suis souvent demandé ce que j'emporterais outre l'indispensable; à quoi tient-on le plus?
L'autrice se penche sur les habitants d'un immeuble et les observe.
La petite fille, la dame qui cache son petit chien, et l'homme dont on tue le chien m'ont particulièrement émue.
prix spécial Etudiants-Master ELEN, organisé par l'association des amis de VO. Prix de la littérature de l'exil 2023.
Commenter  J’apprécie          142
Enorme coup de coeur !

C'est la guerre, on ne sait pas où, on se sait pas quand mais elle est là. Les bombardements ont déjà retenti.

Les soldats sont là eux aussi, en bas de l'immeuble avec leur mégaphone. Ils prient les habitants de se dépêcher. Dans une heure les camions les conduiront en sécurité. Chaque personne peut emmener un petit bagage.

Mais comment faire tenir toute une vie dans un bagage ?
Car ils emplissent nos foyers ces objets, ces photos, ces petits bruits, ces petits riens que nous voyons au quotidien. Nous n'y faisons presque plus attention mais ils reprennent tout leur sens le jour où il faut les laisser derrière soi.

Manon, Jeanne, Paul, Marek, Shoresh et tous les autres doivent choisir ce qu'ils emporteront. Les uns choisissent minutieusement les choses qui ont une valeur sentimentale ou vénale ou seront simplement utiles, d'autres n'emportent rien. A travers de ces objets ou ce rien, les souvenirs resurgissent en forme de tranches de vie.

Ce premier roman d'Avril Bénard est une petite bombe d'émotions.

Dans un style brut et poétique à la fois, l'autrice nous emmène à la rencontre de personnages aux portraits bouleversants avec une humanité rare et beaucoup de tendresse.
Commenter  J’apprécie          130
Il y a des évènements qui font que tout bascule en un instant.
« Dépêchez-vous de faire votre bagage ! Seulement ce que vous pouvez porter, un seul sac par personne !
Prenez vos affaires ! […]
Ces phrases résonneront encore sur leurs murs esseulés, elles résonneront derrière elles. »
L'impératif règne en maître.

Et s'il fallait dans l'heure partir de chez vous en n'emportant qu'un seul sac par personne avec ce que vous estimez être le strict nécessaire, l'essentiel …
Tout quitter, réfléchir très vite à ce que vous garderiez avec vous…car la guerre est là, dans votre pays, et tout autour de vous, et l'ordre a été donné d'évacuer…

Passé révolu, présent en guerre, futur incertain…
Toute une vie résumée dans l'urgence d'un choix à faire.

Dans ce très court roman, cet évènement nous est raconté à travers dix histoires, dont l'on ressent immédiatement les émotions de ces vies dispersées.

C'est percutant et sensible grâce à une écriture poétique sur la dureté du récit.
Un roman sur la perte et l'urgence de se raccrocher à quelque chose, la fuite de l'innocence et de la candeur, d'un espoir qui s'engourdit d'espérer, un espoir qui cherche à lutter pour percer et exister.

Une lecture marquante et tristement pleine de résonnances, remplie d'humanité. Un texte de toute beauté.
Commenter  J’apprécie          122
Le titre est en forme de dédicace : le « à » est une adresse et un hommage.

Comme dans une pièce de théâtre classique, on assiste à une scène se déroulant le même jour, à la même heure, dans le même immeuble. La même scène vécue par différentes personnes dont les dialogues se recoupent, s'entrecroisent et se répondent parfois. Mais rarement. Car chacun est enfermé dans cette heure suspendue, cette heure à remplir de toute une vie.
Il y a ceux qui n'y croient pas et meurent ; ceux qui y croient et ne veulent pas partir ; ceux qui y croient, mais qui ne veulent pas partir sans le chien, que les soldats abattent ; ceux qui emportent le chien, caché ; un manteau puis le laisse ; des choses utiles ou inutiles à la survie du corps, mais utiles à la survie de l'âme ; des souvenirs ; un instant passé ; un espoir, quand même. Ceux qui laissent un texte pour le dire.
On ne sait où ça se passe ni quand ça se passe. Chacun et chacune peut (re)penser à sa guise à des moments pareils, vécus ou entendus, partagés de loin ou de près. Être ému.

Pour son premier roman, Avril Bénard nous propose une prose très personnelle, à la syntaxe désobéissante et aux images poétiques par leurs associations pointues et subtiles.
anne.vacquant.free.fr/av/
Commenter  J’apprécie          90
Je viens de terminer ce beau roman qui traite de l'identité, du déracinement, de la transmission et de l'incompréhension face à un avenir qui s'assombrit.
Soudain c'est la guerre, les habitants n'ont qu'une heure pour faire une seule valise et évacuer.
Avril Bénard décrit avec émotion et gravité le bouleversement d'une vie: le désarroi devant l'urgence de prendre l'essentiel et le déchirement de devoir tout abandonner.
Commenter  J’apprécie          80



Lecteurs (334) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3213 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}