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Critique de Presence


Ce tome contient les épisodes 1 à 5 de la minisérie, initialement publiés en 2015, écrits par Brian Michael Bendis, dessinés et encrés par Andrea Sorrentino, avec une mise en couleurs de Marcelo Maiolo. Cette histoire se déroule concomitamment à Secret Wars 2015. le multivers a été détruit, et il ne reste plus qu'une planète appelée Battleworld, sous la coupe de Doctor Doom, un patchwork réunissant des morceaux de réalités précédentes, dont celle d'Old man Logan, une version âgée de Wolverine ayant commis un crime atroce, voir Old man Logan de Mark Millar & Steve McNiven initialement publié en 2008/2009.

Sur Battleworld, dans le territoire correspondant à la Terre 807128, Old man Logan arrive à ce qu'il reste de Las Vegas pour interroger quelques clampins. Il fait irruption dans une salle où des gugusses avec des masques de Daredevil jouent aux cartes, avec un individu qui se fait appeler Gladiateur. La discussion est animée et houleuse, et les griffes tranchent.

À l'issue de l'entrevue, Logan indique aux autres habitants du quartier qu'ils sont libérés du joug de ce gang, information accueillie sans beaucoup d'enthousiasme. Il poursuit sa route à cheval, quand il aperçoit un objet familier tombé à ses pieds. Il sait qu'il ne lui reste plus qu'à rebrousser chemin, à rentrer chez lui, à faire ses adieux, et à se mettre en route vers cet étrange mur qui les sépare du territoire voisin.

Pendant les 5 premiers mois de publication de Secret Wars 201, toutes les séries mensuelles régulières de Marvel se sont arrêtées pour faire place à des miniséries basées sur un succès passé, piochées dans le catalogue de cet éditeur. C'est ainsi que l'histoire à succès Old man Logan a eu droit à une extension. Contre toute attente, une partie significative de ces prolongations ne se sont pas contentées de délayer la sauce. Brian Michael Bendis a hérité de 2 d'entre elles : celle-ci, et celle chargée de refermer la porte sur l'univers Ultimate rangé au placard, à savoir Ultimate end dessiné par Mark Bagley. Avant même de commencer le récit, le lecteur se doute bien que l'objectif éditorial est d'intégrer le personnage à l'univers 616, pour remplacer le Logan normal, décédé dans Death of Wolverine.

Pour cette histoire, Bendis bénéficie d'un atout de taille : Andrea Sorrentino qui s'est fait remarquer en dessinant Green Arrow, avec des scénarios de Jeff Lemire. La couverture est sympathique avec un empilement sur plusieurs plans des éléments du premier épisode, et une mise en couleurs jouant sur les camaïeux orange. La première page est en fait un bandeau qui n'occupe que le tiers de la page entre 2 bandes noires.

Les pages 2 & 3 sont plus intéressantes dans leur construction : 9 cases chacune, avec les Daredevil à la mie de pain en train de se chercher, et les 3 dernières cases découpant en 3 un seul dessin, mais avec une utilisation de la couleur mettant en avant les flingues du Gladiateur. Avec les pages 4 & 5, l'artiste passe au niveau supérieur avec un dessin central s'étalant sur les 2 pages, et des petites cases en frises supérieure et inférieure, détaillant des éléments de l'image principale. Les 2 suivantes comptent 15 cases chacune avec une alternance de case noire et de dessin, pour un effet stroboscopique saisissant.

Les différents découpages de planche de Sorrentino ne se limitent pas une astuce pour éviter l'effet de répétition d'une planche à l'autre. Il s'agit bien pour l'artiste de trouver le mode représentation qui rendra le mieux compte de la nature de la séquence, de son rythme, de l'écoulement du temps, ou encore de la rapidité d'une action. Impossible d'oublier cette double page structurée autour de la forme d'un éclair pour rendre compte de la foudre qui vient de s'abattre. L'artiste détoure les formes avec un trait très fin, à tel point qu'il donne parfois l'impression de se briser tellement il est ténu. Il compense cette apparente fragilité par un usage d'aplats de noir. Ces tâches noires viennent donner du poids aux pages et aux cases. En fonction des besoins de la narration, il peut les utiliser pour représenter une ombre portée réelle, ou bien pour figurer l'ombre ou l'obscurité. Dans certaines cases, les aplats de noir s'approchent d'un rendu expressionniste (un personnage mangé par la pénombre indiquant sa noirceur ou son abattement). Néanmoins Sorrentino ne les pousse jamais jusqu'à l'usage conceptuel que peut en faire Mike Mignola.

Tout au long de ces 5 épisodes, la versatilité d'Andrea Sorrentino est mise à l'épreuve. de base, Old man Logan évolue dans un monde de type post apocalyptique, jonché de ruines en tout genre. le lecteur apprécie le réalisme quasi photographique avec lequel il représente les gratte-ciels et les différents impacts dont ils ont souffert. Dans la scène d'ouverture, les jetons de casino et les billets de banque semblent avoir été photographiés dans une scène d'action endiablée, le lecteur éprouve l'impression de voir un film très rapide se dérouler sous ses yeux. La fin de l'épisode se déroule en extérieur, dans le désert entourant Las Vegas, voilà le lecteur plongé dans un western spaghetti.

L'artiste sait tout aussi bien tirer parti des spécificités de la bande dessinée pour découper un dialogue en 10 cases de tête parlante sur la même page, pour jouer de leur inclinaison et donner l'impression que les personnages se passent naturellement la parole. Il est tout aussi à l'aise dans les scènes d'action pour capturer le bon moment, celui où le lecteur voit la trajectoire de l'individu qui vient d'être frappé, pouvant ainsi apprécier la force du coup, l'impact à venir, etc. Il représente un tigre magnifique dans sa grâce féline, et sa tension prédatrice. Il montre des zombies à la décomposition bien avancée, au nombre gargouillant, et aux fluides vitaux immondes. le lecteur est donc enchanté par cette immersion intense, et cette narration graphique sophistiquée.

Brian Michael Bendis hérite donc de la mission de prouver que la version âgée de Logan peut faire un personnage viable, assez proche de Wolverine pour profiter de son aura, mais avec quelques particularités qui permettent de lui donner un peu de neuf. Il se retrouve à écrire une histoire sous double contrainte : il doit utiliser les éléments de Secret Wars, tout en sachant que son récit ne doit influer en rien sur le déroulement de l'omni-crossover. Soumis à ce cadre très rigide, il choisit de balader le personnage d'une zone à l'autre pour le faire se confronter à des moments de son histoire (donc oui, forcément à des X-Men).

Cette construction du récit permet de rappeler les événements saillants dans l'histoire personnelle de ce Logan, ceux qui ont fait l'objet du récit de Mark Millar & Steve McNiven. Néanmoins, Bendis ne confronte pas ce Logan aux personnages de la Terre 616 (c'est l'objet de la série mensuelle suivante réalisée par Jeff Lemire & Andrea Sorrentino), mais à d'autres versions alternatives qui composent le Battleworld, telles que celles de l'Ère d'Apocalypse ou encore les Zombies Marvel. L'investissement du lecteur dépend donc de sa familiarité avec le récit d'origine. S'il ne connait pas Old Man Logan, c'est une bonne introduction, sinon il attend les scènes de bravoure (qui fonctionnent bien grâce à Sorrentino).

Si le lecteur a apprécié le récit initial de Millar & McNiven, il se souvient très bien de la fin, et de sa portée symbolique. Il est donc un peu décontenancé par l'absence De Robert junior. Bendis se retrouve contraint d'aborder ce point de continuité et de faire en sorte qu'il ne vienne pas obérer les récits à venir sur la Terre 616, d'une manière un peu désinvolte. de la même manière la fin du récit se présente de façon abrupte, comme si une fois le contrat rempli (= remplir 5 épisodes en attendant la série mensuelle), la suite n'avait pas grande importance (effectivement puisque ce n'est pas Bendis qui l'écrit).

Le tome se termine avec la reproduction des 6 couvertures variantes dont celle de Steve McNiven, l'artiste de l'histoire originale d'Old Man Logan. Comme à son habitude Skottie Young fait mouche avec son dessin cartoon qui voit Old man Logan s'aider d'un déambulateur.

Avant même d'ouvrir ce tome, le lecteur sait qu'il s'agit au pire d'un bouche-trou, au mieux d'un interlude en attendant que l'univers partagé Marvel reprenne le cours normal de son existence après Secret Wars 2015. Il a le plaisir de découvrir un spectacle visuel immersif et bien construit, mettant en images un scénario permettant de remettre à jour les connaissances du lecteur sur le personnage principal, tout en lui faisant voir du paysage, aux travers de plusieurs zones de Battleworld. 3 étoiles pour un scénario fonctionnel, et des pages splendides.
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