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Citations sur Vocation de l'Islam (4)

L'Europe rationaliste, qui a créé la machine, se voit incapable de poser correctement les problèmes humains. Tout rapport non mesurable échappe à sa science parce qu'il échappe à sa conscience. On sait façonner la matière mais on ne sait pas la rendre utile à l'homme. Le processus de production en Europe ne définit pas l'objet par rapport à l'homme mais définit l'homme-outil en fonction de l'objet fabriqué.

L'Europe est devenue technicienne, mais a cessé d'être morale. On ne sait plus découvrir les perspectives humaines au-delà du chiffre, de la quantité, au-delà des limites d'un monde qui est uniquement défini en termes de matière. Une civilisation trouve son équilibre entre le spirituel et le quantitatif, entre la finalité et la causalité. Aussitôt que l'équilibre est rompu dans un sens ou dans l'autre, c'est la chute verticale. La civilisation musulmane perdit son équilibre au moment où elle n'observa plus ce juste rapport entre la science et la conscience, entre les données matérielles et l'ordre spirituel: elle sombra dans la pure anarchie métaphysique, dans le chaos maraboutique, qui ont fait sa décadence.

Aujourd'hui nous assistons à une autre expérience qui aboutit un autre déséquilibre: la civilisation occidentale, qui a perdu le sens du spirituel, se trouve à son tour au bord de l'abîme.

Il ne s'agit donc plus pour le monde musulman de séparer les valeurs mais d'accoupler la science et la conscience, l'éthique et la technique, la physique et la métaphysique, afin de réaliser un monde selon la loi de ses causes et l'impératif de ses fins. Mais pour refaire une jeunesse au monde, il faut un homme nouveau capable d'assumer son existence moralement et matériellement, comme témoin et comme acteur. L'homme post-almohadien est, certes, trop vieux, trop caduc, mais le monde musulman n'en inclut pas moins une grande part de cette jeunesse nécessaire. (p. 148)
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C'est ainsi que l'idéal islamique; idéal de vie et de mouvement a sombré dans l'orgueil et particulièrement dans la suffisance du dévot qui croit réaliser la perfection en faisant ses cinq prières quotidiennes sans essayer de s'amender ou de s'améliorer : il est irrémédiablement parfait, Parfait comme la mort et comme le néant. Tout le mécanisme psychologique du progrès de l'individu et de la société se trouve faussé par cette morne de satisfaction de soi. Des êtres immobiles dans leur médiocrité et dans leur perfectible imperfection deviennent ainsi l'élite d'une société morale d'une société où la vérité n'a enfanté qu'un nihilisme.
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En notant « la rapidité énorme avec laquelle le monde de l'Islam se meût spirituellement vers l'Ouest », Iqbal ne fait peut-être que mentionner un aspect particulier d'un phénomène qu'Ibn Khaldoun avait saisi dans sa généralité : « Le peuple conquis, affirme le grand historien médiéval, adopte les formes, les idées et les manières du peuple conquérant ». La technologie moderne appe1le cela « la loi de l'adaptation ». Devant un pareil phénomène, nous avons vu Iqbal lui-même se troubler lorsqu'il s'agissait de prendre position, par exemple, quant au problème de la femme. On le voyait hésiter entre la coutume orientale qui sépare la femme de la réalité par un voile ou par un moucharabieh, et la conception occidentale d' « émancipation » inconditionnelle qui la met de plain-pied avec la réalité. Cette attitude témoigne du trouble général de la conscience musulmane moderne, déroutée entre deux solutions qui lui paraissent également déplorables. Il semble que l'on soit, dans de nombreux domaines, à la recherche d'une troisième solution, plus compatible à la fois avec l'esprit de l'Islam et les nécessités de l'époque ; et dans toute recherche, il y a une hésitation, une angoisse. Il faudrait trouver là, sans doute, la cause de ce trouble des meilleurs esprits, d'où résulte une sorte de pause dans l'évolution des idées, puisque la société musulmane ne peut plus revenir en arrière au stade post-almohadien et ne peut se lancer plus avant, aveuglément, dans son mouvement « vers l'Ouest ».

Le monde musulman donne ainsi l'impression de se trouver dans un no man's land historique, entre le chaos post-almohadien et l'ordre occidental. Mais cet ordre n'exerce plus l'influence fascinante et l'attraction irrésistible qu'il exerçait naguère, à l'époque de Mustapha Kemal et d'Iqbal. Actuellement, l'Occident n'offre plus, à son tour, que le spectacle d'un autre chaos où l'esprit musulman, à la recherche d'un « ordre », ne trouve pas le modèle à imiter, la source d'inspiration extérieure pour guider sa marche progressive, de sorte qu'il en vient à se retourner vers ses propres valeurs. On peut ainsi remarquer dans les lectures et les discussions des jeunes musulmans les signes d'un intérêt nouveau pour l'Islam, et qui n'a nullement le sens d'un repli : l'Islam semble, au contraire, s'ouvrir d'une manière plus consciente sur le monde moderne auquel il veut s'adapter.

Il sait que l'Occident ne peut lui fournir toutes les solutions comme il l'avait pensé à l'époque kémaliste – mais qu'il y trouvera les résultats d'une immense expérience qui garde, malgré toutes ses erreurs ou à cause d'elles, une valeur inestimable. Cette expérience – prodigieuse leçon de l'histoire pour comprendre le destin des peuples et des civilisations – est particulièrement intéressante pour l'édification de la pensée musulmane, car elle est celle d'une des plus parfaites réussites du génie humain en même temps que de son plus grave échec. (pp. 107-108)
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L’Europe est devenue technicienne, mais a cessé d’être morale. On ne sait plus découvrir les perspectives humaines au-delà du chiffre, de la quantité, au-delà des limites d’un monde qui est uniquement défini en termes de matière.

Une civilisation trouve son équilibre entre le spirituel et le quantitatif, entre la finalité et la causalité. Aussitôt que l’équilibre est rompu dans un sens ou dans l’autre, c’est la chute verticale.

La civilisation musulmane perdit son équilibre au moment où elle n’observa plus ce juste rapport entre la science et la conscience, entre les données matérielles et l’ordre spirituel: elle sombra dans la pure anarchie métaphysique, dans le chaos maraboutique, qui ont fait sa décadence.

Aujourd’hui nous assistons à une autre expérience qui aboutit un autre déséquilibre: la civilisation occidentale, qui a perdu le sens du spirituel, se trouve à son tour au bord de l’abîme.

Il ne s’agit donc plus pour le monde musulman de séparer les valeurs mais d’accoupler la science et la conscience, l’éthique et la technique, la physique et la métaphysique, afin de réaliser un monde selon la loi de ses causes et l’impératif de ses fins.

Mais pour refaire une jeunesse au monde, il faut un homme nouveau capable d’assumer son existence moralement et matériellement, comme témoin et comme acteur.
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